L'association Amgud est l'un des collectifs qui animent la vie culturelle dans la région avec des hommages, tables-rondes, conférences, galas artistiques, rencontres culturelles… Karim Larbi, son président, se confie à nous et fait ses mises au point…
La Dépêche de Kabylie: présentez-nous brièvement votre association…
M. Karim Larbi: Amgud a dix ans d’existence, nous avons eu son agrément le 22 avril 2006.
Pourquoi avez-vous songé à la création de cette association ?
Vous savez, après les événements d’octobre 88, il y a eu la création d’une dizaine d’associations, mais à cause de la décennie noire et du printemps noir, elles ont, pratiquement toutes, remis la clé sous le paillasson. Avec des amis, nous avons, alors, discuté de ce désert culturel, l’idée de créer cette association est, alors, née. En créant Amgud, notre objectif était de faire de Draâ El-Mizan, un bastion de la culture.
Dix ans après, est-ce que vous pensez avoir au moins réalisé une partie de votre objectif principal ?
Sincèrement, je ne vais pas vous mentir. Le parcours est encore long, mais je me réjouis de dire que nous avons pu animer la scène en dépit des quelques «bobos» rencontrés au départ.
Pouvez-vous nous rappeler certaines activités que vous avez organisées depuis ?
Elles sont nombreuses. A travers nos conférences, nos tables-rondes et nos rencontres nous avons gagné une grande partie de la population, même s’il y a un désintéressement quelque part. Notre association n’a aucune idéologie et elle est ouverte à toute la population. A travers nos activités, nous avons essayé d’élever le niveau et d’ouvrir le débat au sujet de plusieurs thèmes: le combat identitaire, la chanson kabyle, la démocratie, les droits de l’homme, les arts…
Mais, sinon plus en détails quelles ont été vos activités ?
Je commencerai par citer la première rencontre qui a eu lieu le 5 octobre 2007, en présence d’Arezki About, universitaire et détenu d’avril 80, Me Salah Brahimi, militant politique et juriste, Pr El Hadi Chalabi. Puis, nous avons participé à la caravane berbère initiée par Akli D. dans un grand gala animé par Si Lakhdar, Lani Rabah et d’autres artistes. Il y a eu un autre gala auquel avaient pris part Rabah Ouferhat, Boudjemâa Agraw et Moh Terki. Notre association a créé, en parallèle, une revue dénommée » Thasghunt N’ Bumigud » parue à quatre reprises. N’oublions pas aussi la création du prix « Matoub Lounès contre l’oubli », dont nous organiserons l’année prochaine, si tout va bien, la dixième édition. Celui-ci est décerné chaque année à des personnalités diverses qui se distinguent, ou qui se sont distinguées, dans divers domaines. Pour ce qui est des conférences, je n’oublierai pas de citer les rencontres avec les Nouredine Benissad, Lakhdar Bouregaâ, Saâd Bouâkba… Nous avons aussi organisé des hommages à Akli D, Ali Ideflawen, Halli Ali, Amar Tribèche, Mokrane Aït Larbi, Hamid Zouba… A cette occasion, on a organisé un match entre les vétérans de l’ES Draâ El-Mizan et ceux du MCA, ainsi qu’un autre entre l’ESDEM et la JSK. Comme nous avons réussi la première édition des jeux traditionnels « ilaqafen ainsi que la première édition des arts plastiques en 2014. Durant cette édition, nous avons invité les élèves de l’annexe de l’école des beaux arts d’Azzaga qui ont réalisé une fresque murale en hommage aux cinq colonels de l’ex commune mixte de Draâ El-Mizan à savoir Krim Belkacem, Amar Ouamrane, Ali Mellah, Mohamed Zamoum dit «Si Salah» et Slimane Dehiles.
Justement, on croit savoir que durant cette activité vous avez eu quelques petits problèmes…
C’était un malentendu. Sur la même fresque, nous avons pensé ajouter, à côté de l’emblème national, le drapeau amazigh en même temps qu’un homme vêtu d’un burnous en compagnie d’une femme vêtue de la tenue kabyle. Une pluie de critiques s’est, alors, abattue sur nous, allant jusqu’à nous qualifier d’autonomistes, et pour cause, d’après l’interprétation de certains, le portrait de l’homme en burnous «ferait référence» à Ferhat M’henni. Or, dans notre pensée, il n’y avait rien de cela et notre association n’a en son sein aucun adhérent au mouvement de l’autonomie. Finalement, et pour ne pas brusquer certaines sensibilités, nous avons renoncé à cette idée. Mais depuis on n’arrive plus à avoir les autorisations aussi facilement afin d’organiser nos activités. Je peux vous citer plusieurs exemples. Dernièrement, le maire nous a signé l’autorisation, une journée avant la tenue d’une conférence avec Hamid Farhi et Mahmoud Rachedi ayant pour thème «le socialisme à travers le monde». Le 5 juillet dernier, nous avons invité Nouredine Ait Hamouda, le fils du colonel Amirouche, et là aussi, ce fut un problème. Il a fallu l’intervention de l’ex wali de Tizi-Ouzou pour désamorcer la situation. Je pense qu’il n’est plus facile d’évoluer au sein d’un tel climat.
On vous laisse le soin de conclure
Je tiens à remercier énormément votre journal la Dépêche de Kabylie qui nous a beaucoup aidés et encouragés durant ces dix ans d’existence. Par ailleurs, je suis convaincu que le parcours est encore long. Je demeure, aussi, convaincu que si le débat est ouvert, beaucoup de lumière jaillira. L’association AMGUD n’appartient pas à Karim Larbi, ni aux membres du bureau.
Entretien réalisé par Amar Ouramdane