«Dans l’Algérie livrée aux démons de la désolation, se rencontrent des individus qui ont tous en commun le fait d’avoir perdu quelqu’un ou quelque chose : un père, une mère, un ami, un rêve, la confiance, l’espoir, la raison, etc. Une indifférence difficile à assumer, un dégoût chaque jour plus profond et une révolte impossible à exprimer se disputent leurs destins. Dans leur déchirement, dans leur égarement, dans leur déshérence, ils arrivent cependant à donner un sens à leur vie». C’est l’histoire relatée dans le nouveau roman de l’écrivain Amar Ingrachen ‘’Le temps des grandes rumeurs’’, sorti aux éditions Franz Fanon au mois d’octobre dernier. «C’est une histoire, en fragments, de la banalité», dira l’auteur. Evoquant les personnages de son roman, il ajoutera : «En fait, l’homme a tendance à compliquer les choses, à appréhender le monde dans sa complexité. Les personnages de mon roman, presque tous, portent un regard très décomplexé sur le monde. Ils essaient de l’appréhender dans sa spontanéité, sa banalité, sa nudité. Le personnage principal du roman, qui est aussi narrateur, n’est pas un héros. C’est un être normal, qui se pose des questions très banales, sur son être, son quotidien, ses projets, ses idéaux, ses engagements politiques, etc. De plus, c’est un personnage qui n’a aucune conviction. Comme tous les autres, il doute de tout». «Si je devais résumer mon roman en deux mots, je dirais : doute et banalité. Doute, parce que tous les personnages ne croient en rien tout en se montrant disposés à épouser les causes qui leur paraissent conjoncturellement justes. Banalité, parce que dans leur engagement, les personnages ne mettent pas en avant des convictions, une foi en quelque chose, etc. C’est leur subjectivité qui leur dicte leur comportement et c’est au nom de celle-ci qu’ils font tout ce qu’ils ont à faire. Le fait d’avoir, pour chacun deux, perdu l’essentiel de ce qu’il avait, la vie est devenu pour eux une série de rendez-vous manqués et ils la vivent comme si c’était leur irréfragable destin», ajoutera-t-il. «Le roman est écrit d’une façon éclatée, un peu comme Nedjma. Il ne s’agit pas là d’une volonté de ressembler à Kateb Yacine, mais simplement d’exprimer à travers ce type d’esthétique, le désordre du monde, aussi bien le monde intérieur que chacun de nous porte en lui que le monde extérieur qui nous entoure, qui nous conditionne, qui nous agresse parfois, qui nous aguiche d’autres fois», conclut M. Amar Ingrachen, qui est, pour rappel, un journaliste, chercheur et écrivain, né en 1986. Diplômé en Lettres modernes, il s’intéresse aux questions liées aux changements sociaux et politiques, aux élites et à la mémoire. Il a aussi coordonné l’ouvrage collectif «Quelle transition démocratique pour quelle Algérie».
Kamela Haddoum.
