Là où les milliards ne suffisent pas

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Situé à environ 8 km de M’Cisna, chef-lieu communal, Ighil meloulène est un village rural peuplé de 500 âmes, niché sur la cime d’une colline à quelques 900 m d’altitude. Son isolement plonge dans la détresse une population vivant dans le dénuement où la misère sociale atteint, on ne peut dire mieux, des proportions alarmantes. On nous a indiqué que la quasi-totalité de la population vit que de la pratique de l’agriculture, en dehors de ce créneau, il n’existe en réalité aucune autre activité. C’est pourquoi d’ailleurs, ce village a été le seul dans la commune de M’Cisna à bénéficier d’un soutien de l’Etat de grande envergure pour différents projets de développement des activités agricoles.Le samedi 04 février, il y avait une grande foule sur la placette du village, attendant, Rachid Bénaïssa, ministre délégué chargé du développement rural, venu inspecter un projet global de 19 000 000,00 DA accordé par l’Etat pour insuffler une dynamique à ce village qui sombrait auparavant dans une profonde léthargie. C’est un projet du PPDR dont ont bénéficié plusieurs agricultures touchant aussi bien la mise en valeur des terres par des plantations d’arbres fruitiers, que les mesures d’accompagnement telles que l’ouverture ou l’aménagement de pistes, l’entretien ou le fonçage des puits, les constructions de bassins d’eau pour l’irrigation, la réalisation de digues pour endiguer les ravinements et les affaissements de terrains… Ce projet rentre dans le cadre du développement rural des populations vivant dans des villages enclavés situés en zones montagneuses. Ighil Méloulèneillustre parfaitment ce cas.“Le ministre délégué a bien fait de venir pour constater que malgré ce programme spécial accordé par l’Etat à notre village qui commence d’ailleurs à porter ces fruits, beaucoup reste à faire pour sortir de l’enclavement total notre hameau”, nous ont déclaré les villageois très satisfaits de la considération et des marques de sympathie que leur a accordé leur hôte du jour qu’ils ont accueilli d’ailleurs avec un bouquet de fleurs. Un burnous blanc symbolisant toute l’hospitalité de ces hommes généreux lui a été offert pour la circonstance. Aussi, lui et les membres de la délégation qui l’ont accompagnés, ont été conviés, dans une ambiance festive et conviviale, à une collation où seuls les produits agricoles du terroir leurs ont été présentés pour la dégustation : figues sèches, huile d’olives, lait caillé et galette traditionnelle. Néanmoins, profitant de cette occasion plusieurs intervenants lui ont fait part des insuffisances que recèle leur village rendant difficile la vie des citoyens. Dans ce cadre beaucoup de requêtes lui ont été remises. Un citoyen venu d’Iazouzène, un autre village beaucoup plus éloigné et également enclavé de la commune, lui avait dit ceci : “avant de planter des arbres, qui est une bonne chose bien sûr, l’Etat doit songer aussi et avant tout à planter d’abord les hommes. Rongés par le mal de vivre dans les contrées reculées, ils fuirent vers la ville”.De l’entretien que nous avons eu avec la population locale, beaucoup ont relaté sans détours, les difficultés incommensurables qui rendent la vie dure aux citoyens. A priori, l’on nous a signalé que sur la cinquantaine d’agriculteurs que compte ce village, seuls 14 fellahs ont bénéficié de l’aide, beaucoup étaient sceptiques sur la véracité du projet et ont renoncé à s’inscrire.Aujourd’hui, quant ce programme a commencé à donner ses fruits, plusieurs de ces agriculteurs ont en effet regretté de “n’y avoir pas participé”, nous explique-t-il. Concernant les projets non retenus dans le cadre du PPDR que les villageois ont demandé d’intégrer dans ce programme spécial, ce responsable dira : “Nous avons consigné tout ce qui a été demandé dans un mémoire adressé à la wilaya afin qu’il soit présenté à la commission pour approbation. Nous sommes toujours dans l’attente de la décision que prendra cette dernière”. Abordant dans le même contexte, certains sont allés même jusqu’à dénoncer le refus des services agricoles de satisfaire leurs demandes individuelles pour l’acquisition de cheptel ou du matériel agricole. “Nous avons sollicité en tant que jeunes des crédits et des aides pour l’acquisition d’ovins, de bovins et de matériel agricole auprès des services agricoles ou des banques publiques qui ont rejeté nos demandes”, se lamente, Belharet Kamel, un jeune chômeur qui ne décolère pas.Beaucoup d’insuffisances ont été mis en exergue par nos interlocuteurs qui n’étaient pas avares de propos. A commencer par la route qui mène au village pour laquelle presque personne ne se souvient de son dernier aménagement qui remonte, semble-t-il, à très loin. Son état de dégradation avancé a considérablement affecté les automobilistes, notamment les transporteurs de marchandises et de voyageurs, selon un transporteur. “Il est quasiment impossible de compter les nombres de crevasses et de saillies”, tempête Beztout Abdellah, qui a du mal à contenir sa colère. les ruelles aussi sont dans un état lamentable. Très étroites, elles sont boueuses en hiver et poussiéreuses en été. “Les femmes pour leurs accouchements et les malades, nécessitant des évacuations, nous les transportons sur des civières jusqu’à la grande route sur une distance d’environ 800 m”, témoign Djoudi Khoudit, qui poursuit en citant d’autres carences comme l’eau provenant d’un forage réalisé par l’Etat il y a 3 ans, lequel n’arrive plus à satisfaire la population. “On nous donne en hiver 1 heure tous les jours dans la semaine et en été, nous restons parfois jusqu’à 15 jours sans ce précieux liquide”, affirme-t-il. n’arrivant pas à contenir son amertume, il désigne du doigt au loin une décharge publique située à 1 km de la localité et de surcroît au bord de la grande route, rassemblant toutes les ordures ménagères des villages de la commune. Cette décharge n’étant pas du goût de la population a fait l’objet de moult démarche auprès de la daïra pour sa délocalisation, si l’on en croit le plaignant. “Cela fait 4 ans que nous demandons sa délocalisation, mais en vain”, regrette-t-il. Il évoque aussi la mosquée qui fonctionne sans un imam. “les imams refusent de s’établir dans le village à cause du logement de fonction frisant l’effondrement. Les villageois n’ont pas les moyens pour sa réfection et l’Etat ne veut pas lui dégager une enveloppe budgétaire. Le dernier imam affecté est parti depuis 2 ans”, se désole-t-il. Même le manque de transport et la cherté du billet ne sont pas laissés de côté. “Nous payons le billet à 40 da pour le trajet Seddouk-Ighil-Méloulène, ce qui est exorbitant pour les citoyens, pour la plupart démunis”, renchérit-il. L’absence d’un centre sanitaire qui pénalise la population a aussi son placé parmi les problèmes soulevés. “Nos malades se déplacent jusqu’au chef-lieu communal pour une injection, des soins infirmier ou une visite médicale, casquant la somme de 400,00 DA la course”, ait-il soutenu. Enfin, il n’a pas terminé sans aborder la morosité qui ronge les jeunes en mal de loisirs. Il nous montre du doigt une petite pièce en construction à l’entrée du village. “Les citoyens ont fait une quête pour construire un semblant de foyer de jeunes très exigu. Nous avons enfoui le pactole dans le terrassement et les fondations et nous n’avons plus avec quoi continuer. Nous souhaitons que les autorités locales nous accordent une subvention pour finaliser les travaux, si véridiquement ils inscrivent dans leur agenda l’épanouissement des jeunes en zones rurales comme une priorité”, déclare-t-il.Certe, le projet du PPDR accordé à la localité est bénéfique à plus d’un titre de par les emplois et les richesses qu’il va générer, mais il demeure que beaucoup reste à faire pour sortir ce village de l’ornière.

L. Beddar

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