Les citoyens d’Igounane-Ameur ferment la mairie

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Dès la matinée, une foule formée de plusieurs centaines de citoyens s’est regroupée à l’entrée principale de la mairie, en face d’eux un délégué de ce village, à l’aide d’un mégaphone harangue la foule, alors que le fonctionnement de la mairie est totalement paralysé. Les protestataires se sentent méprisés par certains élus. Lors du sit-in du samedi dernier, qui a été mal géré par les responsables de cette APC qui, d’ailleurs, ont provoqué l’ire des citoyens de ce village de près de 3 000 habitants.Leurs revendications sont : le revêtement de routes, la réhabilitation de leur foyer de jeunes sinistré depuis 2001, en plus du discours, des banderoles sont suspendues sur la clôture de cette mairie. Ils accusent l’APC d’avoir sanctionné leur village dans la répartition des 2 milliards du PCD de cette commune.“Cette mairie est un bien du peuple”, “ils doivent respecter la démocratie”, “nous avons marre de l’injustice, des discours creux et des fausses promesses” sont, entre autres, les phrases prononcées par les délégués du village dans les prises de parole.Quelques dizaines de minutes après, M. Sellah, le maire de cette commune, arrive. On l’accueille avec des applaudissements et on lui fraye un chemin pour s’exprimer. Le comble, la foule éprouve du respect pour ce maire mais leurs détracteurs sont certains élus. Le maire dans sa prise de parole, reconnaît devant la foule, le caractère légitime de leurs revendications et que ce village souffre d’enclavement.“Je vous donne ma parole que vos revendications seront prises en charge en priorité”, déclare le maire, à l’endroit de la foule.Il déclare qu’il vient de voir le chef de daïra de Ouaguenoun et ce dernier lui a déclaré que le problème des routes sera soumis, pour sa prise en charge dans le cadre du plan de développement sectoriel (PSD). Des cris fusent de la foule : “Nous ne doutons pas de votre sincérité, mais le problème c’est les autres élus…”.Les autres élus arrivent successivement. Sur place, ces prises de parole se sont transformées en un meeting et un duel entre groupes d’élus. L’odeur politique se fait sentir lorsqu’ils s’accusent mutuellement. Sur place, l’ambiance est digne d’une campagne électorale. Au son du mégaphone s’est mélangé le bruit des moteurs des voitures qui passent difficilement. Devant cette situation, des citoyens élèvent leurs voix pour les rappeler à l’ordre. “Pas de politique, nous voulons uniquement la prise en charge de nos problèmes pour alléger notre quotidien”, déclarent des citoyens à l’endroit des élus.Un représentant des transporteurs déclare : “Si vous ne prenez pas en charge le problème des routes, vous aurez prochainement devant vous 14 villages au lieu d’un, car tout le monde souffre”.Un sexagénaire s’exclame : “Vous n’avez rien à nous dire tant que vous ne solutionnez pas nos problèmes”, et d’ajouter : “Notre protestation est une énergie qui émane de la société. Vous auriez du la capitaliser au lieu de la redouter ou la mépriser”.Le maire a proposé à ce qu’on cède l’accès et à inviter les villageois à dégager une délégation qui se réunira avec les élus.La rencontre à laquelle nous avons participé a eu lieu dans la salle des délibérations de la mairie et a duré plus de 3 heures.Tous les élus étaient là. La rencontre a permis à toutes les parties en conflit, de s’exprimer. L’on a assisté à des polémiques vives entre les élus. En face, la délégation des citoyens assiste médusée.Les délégués d’Ignane Ameur leur rappellent la gestion participative que les élus ont promis durant la campagne électorale, mais dans l’établissement du PCD, les citoyens n’ont pas été invité. Le maire affirme que les circonstances et les délais dans lesquels le PCD a été arrêté ne leur permettaient pas. Il a promit qu’à l’avenir le rapprochement avec la société sera concrétisé. Par ailleurs, un élu tient à nous préciser que, contrairement à ce que nous avons rapporté dans notre article de dimanche dernier, le 7e projet du PCD ne concerne pas le village Ignane Ameur.Après que tous les sacs de colère aient été vidés, la sérénité revient dans la salle. Comme solution, le maire s’est engagé à constituer une délégation d’élus élargie aux délégués de ce village. Ladite délégation agira à partir de demain. Elle proposera à la direction des travaux publics (DTP) et aux autres services de la wilaya ainsi qu’au wali de Tizi Ouzou, en vue de prendre en charge ces doléances dans un cadre sectoriel.“Dans ce cas, nous sommes avec vous et nous vous soutenons pleinement”, déclarent les représentants de ce village.D’autres citoyens, par méfiance, exigent l’établissement sur le champ d’un PV qui officialisera cet engagement.A la fin de la rencontre, à la surprise de tous, le chef de daïra de Ouaguenoun rentre dans la salle. Ce dernier a prononcé un discours qui a réconforté les présents. Il leur a déclaré que le PCD reste un mécanisme de développement très limité, malgré que son montant ait été suffisamment revu à la hausse ces dernières années, pour la wilaya de Tizi Ouzou, particulièrement. Sur cela, il a déclaré que d’autres créneaux de financement existent à l’exemple du plan sectoriel qui peut combler le manque du PCD. Après la demande des élus et des membres du village, le chef de daïra s’est déclaré prêt à accompagner la délégation qui soumettra les revendications aux responsables de la wilaya, en vue de leur prise en charge définitive.Il est 14 h passées, les présents quittent la salle dans le calme. A notre sortie, la foule est toujours présente à l’entrée de la mairie. Un citoyen nous interpelle et déclare : “Nous croyons à la vertu du dialogue. Nous restons disciplinés et déterminés. Nous avons pris acte de ces engagements, mais nous attendons leur concrétisation”.

Mourad Hammami.

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