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L’informel en expansion

Le marché informel a décidément de beaux jours devant lui. Son expansion n’a d’égal que l’impuissance des pouvoirs publics à l’éradiquer, du moins, à le contenir. Dans la région de Sidi Aïch, qui est loin d’être un cas isolé, il règne en maitre. Une petite immersion dans cet univers insondable, a permis de tâter le pouls d’une activité en plein boum. On se rend vite à l’évidence que le dispositif de normalisation fiscale volontaire, mis en place par les pouvoirs publics, a eu l’effet d’un coup d’épée dans l’eau. La contrebande, qu’on affuble par fausse pudibonderie de «marché informel», fait toujours plus d’émules, est-on sommé de constater. «La sphère du marché noir attire des cohortes de jeunes et de moins jeunes, laminés par le chômage. Ils trouvent dans ce marché underground, la seule alternative, pour échapper au désœuvrement et gagner de l’argent», explique un homme d’un certain âge, installé derrière un éventaire de bric et de broc, à l’entrée du marché hebdomadaire de la ville. Evoquer avec ces commerçants une éventuelle insertion dans l’économie formelle, revient à tirer des plans sur la comète. En effet, pour rien au monde, clament-ils, ils ne s’aviseront à s’affranchir de l’emprise de l’informel, en troquant leur activité contre une autre, fut-elle des plus valorisantes. Et pour cause, «l’informel a forgé mon identité et m’a sauvé de la précarité pécuniaire. Il me procure un sentiment de liberté qui n’existe nulle part ailleurs», confesse un vendeur de vêtements d’occasion. Un autre contrebandier, installé une centaine de mètres plus loin, avoue, sur une pointe de suffisance, que son activité génère de juteux dividendes. Avec en sus, le privilège de ne pas être assujetti à l’impôt. «Il y a de l’argent en plus, et les tracas du fisc et ses ponctions en moins. En sus, il n’y a, ni l’ombre d’un supérieur pour vous harceler, ni une quelconque autorité pour vous contrôler», souligne un jeune diplômé, fraichement reconverti dans le négoce informel. En somme, une sorte de revanche pour ces jeunes sur leur propre sort, et sur les pouvoirs publics, lesquels sont incapables de leur assurer un avenir prospère, avec un emploi stable et valorisant. Avec son lot d’anarchie, d’insalubrité et d’insécurité, le squat du trottoir de l’accotement des axes routiers ou de tout autre espace public a encore de beaux jours devant lui. Les jeunes ne se font pas prier pour s’y investir et échapper au naufrage social.

N. Maouche

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