À l’heure où les autorités clament orbi et urbi, vouloir faire de la culture du blé leur dada favori, avec pour ligne de mire la couverture totale des besoins nationaux, force est de constater que cette filière stratégique marque progressivement le pas. C’est du moins le cas pour la wilaya de Béjaïa où les surfaces dédiées à la culture du blé et des autres graminées comme l’orge et la vesce-avoine, se rétrécissent au fil des ans. «En l’espace d’une quinzaine d’années, les périmètres emblavés sont passés de 10 mille hectares à seulement 6 200 ha pour la campagne de labours-semailles 2016/2017, soit un manque à gagner d’environ 45%», nous apprend une source de la direction des services agricoles (DSA). Par le truchement de différents programmes de développement, a indiqué notre source, l’état a consenti de gros efforts d’investissement et d’accompagnement des agriculteurs, à l’effet de booster cette filière. La fourniture d’intrants, comme les fertilisants et la semence certifiée, l’appui de la pratique de l’itinéraire technique dans la conduite de la culture, l’instauration d’un guichet unique et l’octroi d’un crédit de campagne (RFIG) à des taux avantageux, sont autant d’actions de soutien en direction des agriculteurs. Néanmoins, les effets escomptés n’ont pas été à la hauteur des attentes. Pire : les espaces réservés à l’emblavement n’ont jamais cessé de décliner au fil des campagnes. L’explication avancée est toute simple : l’équation renferme une variable aléatoire qui échappe à toute emprise, en l’occurrence l’aléa climatique. Facteur de production clé, s’il en est, le climat a, pour ainsi dire, joué un vilain tour aux agriculteurs et faussé tous les calculs. Pour une culture de type pluviale, la sécheresse prolongée de cette dernière décennie a eu l’effet d’un cataclysme. Bien des agriculteurs l’ont appris à leurs dépens. «Tant qu’il n’y aura pas une irrigation d’appoint pour compenser le déficit en précipitations atmosphériques, la céréaliculture sera de plus en plus délaissée», suppute un agriculteur d’El Kseur. «Il faut avoir une sacrée dose de témérité pour oser investir à fonds perdus. J’en connais qui se sont engagés dans une campagne de labours-semailles et, au final, ils n’ont même pas pu rembourser le crédit contracté auprès de leur banque», soutient un autre agriculteur de la région de Fénaia, qui dit avoir reconverti une bonne proportion de ses terres en arboriculture fruitière. Le cas de cet agriculteur n’est pas unique, apprend-on. En effet, échaudés par des échecs à répétition, bien des fellahs ont fini par se résoudre à opérer une reconversion dans l’oléiculture et l’agrumiculture notamment. «Ce sont des filières qui ont désormais le vent en poupe, car elles sont moins exigeantes, moins risquées et surtout plus rentables à terme», souligne un ex céréaliculteur reconverti.
N. Maouche