Oued Ighzer Amokrane, littéralement -le Grand ruisseau- décline un spectacle des plus désolants d’amont en aval. Drainant un chapelet de collines boisées, le cours d’eau n’est plus que l’ombre de lui-même. Soumis à un étiage sans précédent, consécutivement à un long épisode de sécheresse, l’écosystème fait office d’exutoire croulant sous les immondices. Les berges de l’oued, autant que son bassin d’écoulement, prennent des allures de décharges à ciel ouvert. Des ordures ménagères aux rejets inertes, en passant par les déchets encombrants et bien d’autres saletés, le site autrefois foisonnant de vie, est victime d’une outrageante profanation. Partout où l’on pose le regard, on en prend plein les mirettes. En effet, l’agression de l’écosystème ne s’arrête pas là loin s’en faut : le cours d’eau est ostensiblement souillé par des eaux résiduaires d’origine domestique et industrielle, déversées sans vergogne. Dans cet élan de mépris de la nature, des riverains n’ont rien trouvé de mieux que d’empiéter sur le lit majeur, en y aménageant des aires de parking pour véhicules. Toute honte bue, d’autres quidams ont procédé à l’annexion d’une partie du site attenant à leur propriété. Une sorte d’expansion matérialisée par des haies en cactus et autres objets hétéroclites. Pour parachever cette œuvre de destruction intensive, le ruisseau fait régulièrement l’objet d’extraction de matériaux alluvionnaires. Les stigmates de cette exploitation effrénée sont particulièrement visibles à hauteur de son embouchure avec l’Oued Soummam. Ceux qui ont encore souvenance du passé de cette merveille de la nature, n’en reviennent pas, tant le contraste est saisissant : «Durant les années 70, ce milieu était foisonnant de vie. Il abritait une multitude d’espèces de poissons et de batraciens. Ses eaux limpides servaient d’abreuvoir pour le bétail et pour irriguer des cultures saisonnières. On se permettaient même de s’y baigner et d’y taquiner le goujon», se remémore sur un ton nostalgique teinté d’amertume, un sexagénaire habitant à un jet de pierre du cours d’eau.
N. Maouche