Le village Bouikni, dans la commune de Béni Maouche, compte parmi les plus reclus et enclavés de cette circonscription rurale. La population n’en finit pas de boire le calice jusqu’à la lie, tant le dénuement et la misère se conjuguent à tous les temps. Dans ce no man’s land surgi au milieu de nulle part, le temps semble comme figé, suspendu. Seule une poignée d’irréductibles, l’esprit de clocher solidement rivé au corps, continuent de s’accrocher vaille que vaille à cette crête désolée et ouverte aux quatre vents. «La composante humaine de notre village est faite essentiellement de personnes de 3e âge et de retraités qui tiennent, en dépit de l’adversité, à leurs vieilles pierres et à leurs champs d’oliviers», affirme un sexagénaire rencontré à l’entrée du village. Ce microcosme rural, à l’image de bien des contrées de l’arrière pays, a perdu de son attractivité. L’économie rurale, fondée sur l’activité agropastorale, est en état de survie temporaire, dès lors qu’elle n’intéresse plus grand monde, et encore moins la nouvelle génération, prise dans la spirale de la modernité. Celle-ci n’aspire qu’à faire carrière dans les métiers plus gratifiants et valorisants aux yeux de la société. «Celui qui a à cœur de construire son avenir, doit impérativement s’expatrier. Y renoncer, c’est se condamner irrémédiablement à une vie de damné», dispose un jeune, la vingtaine, qui ne cache pas sa tentation de mettre les bouts, à la première occasion. Notre interlocuteur dit en avoir assez de musarder dans la vacuité, et déclare n’avoir que faire des venelles de Bouikni et de quelques copains d’infortune. «Il faut comprendre ces jeunes qui prennent le chemin de l’exode, voire de l’exil. C’est une voie de salut, le chemin de la réussite et de l’ascension sociale. La majorité de nos enfants nous ont donné la preuve par quatre», affirme un homme d’un certain âge. Et d’enchaîner, interrogatif : «Que peut-on espérer à Bouikni, quand l’eau potable manque cruellement, quand il faut faire des kilomètres pour pouvoir accéder aux soins de base et les autres prestations de service public ?».
N. M.
