La doyenne du aarch Iwakuren «Na Awicha Arab» a fêté son 104ème anniversaire vendredi dernier, date qui coïncide avec l’un des plus anciens rituels de Kabylie « Amagger n’ Tafsut ». Elle est toujours en pleine forme sachant que c’est elle même qui nous a accueillis devant le seuil de sa porte en se déplaçant à l’aise avec tous ses sens en alerte. Née en mars 1914 au village Tadert Lejdid dans la tribu Iwakuren en haute montagne dans la commune de Saharidj, notre doyenne a pas moins de 82 petits et arrière-petits-fils. Elle nous relata dans un bref récit ce qu’a été sa vie durant sa jeunesse en affirmant que son époux est décédé avant la naissance de sa fille cadette Louiza en 1942. Selon elle, son époux ne lui laissa comme héritage et ressources que quelques lopins de terre composés d’oliveraies et figueraies qu’elle s’est mise elle même à cultiver pour élever ses 04 filles et subvenir à leurs besoins en offrant en parallèle ses services aux villageois dans les travaux réservés aux femmes tels que la poterie, le tissage, le bois de chauffage en aidant aussi dans les campagnes de fenaison moyennant rémunération en nature. Notre hôte ne perdra rien des règles d’hospitalité en offrant café et friandises aux invités tout en veillant à leur confort, ce qui dénote de sa bonne présence d’esprit mais aussi d’une mémoire intacte. Durant l’entretien, elle nous relata un fait marquant de ses souvenirs de guerre de libération lorsque le village a été soumis à un bombardement intensif en 1956 et qu’en fuyant comme tous les villageois, elle s’est retrouvée devant un maquisard blessé qu’elle traîna sur une longue distance pour le mettre à l’abri dans les rochers et le soustraire ainsi aux parachutistes de l’armée coloniale. Ces derniers ont, pour rappel, déclenché une opération de ratissage après l’intense pilonnage au mortier du village. Elle resta avec lui pour le soigner de son mieux jusqu’à la fin du ratissage avant qu’il ne soit récupéré par ses compagnons de combat. Un exploit qui lui a valu d’être remarquée par les officiers de l’ALN qui la sollicitèrent pour contribuer à la guerre de libération par le ravitaillement et les renseignements. Na Awicha bien entourée des siens vit à l’heure actuelle à Raffour avec sa fille cadette qui est aux petits soins avec elle. À 104 ans, elle jouit encore de toutes ses facultés physiques et mentales. On nous apprend que ses plats préférés sont le couscous arrosé de lait et tous les plats traditionnels. Une réception en son honneur à laquelle les proches et la famille ont été invités a été organisée vendredi dernier. Na Awicha garde encore un article dans un cadre décoré que «La Dépêche de Kabylie» lui a consacré lorsqu’elle a bouclé ses 100 ans en 2013. Elle nous lâcha avant de prendre congé d’elle un adage kabyle » Awi yedren ardh imghuregh anda iyihwa adh qimegh » soit un souhait formulé par les jeunes femmes de jadis soumises à une véritable séquestration avec une liberté très réduite de vivre jusqu’au troisième âge pour être libres de leurs mouvements.
Oulaid Soualah