Abdenour Khiter est maire, élu FLN, de Kadiria depuis 2012. Docteur d’état en histoire moderne et contemporaine et enseignant universitaire, il a mis entre parenthèse sa carrière pour se consacrer à la politique et à la gestion des affaires de sa commune. Dressant son bilan, il estime avoir réalisé 70% de son programme, mais regrette toutefois de ne pas avoir disposé de plus de moyens pour faire plus.
La Dépêche de Kabylie : Kadiria a beaucoup souffert du terrorisme durant la décennie noire. Quel commentaire faites-vous en évoquant cette période ?
Abdenour Khiter : C’est une période qui a laissé des traces et causé beaucoup de dégâts. Le terrorisme a généré un immobilisme total du développement local. Plusieurs localités ont été désertées par leurs habitants. Talla Oughanim, Ouled Amara, El Guettar, Oulebane et Ouled Assem sont autant de localités qui ont été touchées. Des familles sont parties s’installer à Reghaia et même à Adrar.
Maintenant, la situation sécuritaire s’est améliorée, ce qui a permis la relance du train du développement…
Avec le retour à la normale, la vie a repris. Dans la ville, ces dernières années, il y a eu une extension urbaine et un retour de l’activité commerciale. Les zones rurales n’étaient pas en reste puisqu’elles ont bénéficié de l’inscription de nombreux projets de développement. On peut citer le projet du raccordement à l’eau potable et le programme ambitieux de l’habitat rural. Ce sont des facteurs qui ont favorisé le retour des populations locales et la reprise de la vie en milieu rural. Vingt kilomètres de routes ont été réalisés dans les zones de montagne ces quatre dernières années. Je citerai les 2,4 km réalisés à Beni Farha, 2,5 km à Ouled Laalem, 3 km à Oulebane et 4 km à Slala.
Mais ce retour des populations dans les villages reste timide. Beaucoup aimeraient s’y installer de nouveau mais les moyens d’accompagnement font toujours défaut…
Oui, il existe beaucoup d’insuffisances et celles-ci freinent un peu le retour des villageois dans leurs localités. L’absence de l’énergie électrique est un de ces handicaps. Pour les villages de Tala Oughanim, Ouled Amara et El Guettar, nous avons sollicité, dès 2013, les services de la DMI pour inscrire un projet pour la réhabilitation du réseau électrique, mais au jour d’aujourd’hui on n’a rien vu venir. Pourtant, il existe un chapitre spécifique dédié à ce volet au profit des zones désertées à cause de l’insécurité. Toutefois, malgré l’absence de routes, de l’électricité et du gaz, les gens sont quand même revenus et ont repris la construction de leurs maisons et se sont remis à travailler la terre. La vie a repris dans ces zones.
Le chef-lieu communal est mieux loti et a bénéficié ces dernières années d’importants projets de logements…
Nous avons bénéficié d’un programme considérable, mais la demande reste très forte. Dans le social, nous avons presque 500 unités en cours de réalisation dont 300 sont en voie d’achèvement. Le programme du logement rural avance lentement, mais nous avons pu réaliser plus de 400 unités. Il y a aussi 400 dossiers en attente. Le dossier n’avance pas au rythme souhaité. Nous avons aussi un programme de 350 unités de l’AADL. A ce sujet, après trois ans de retard, le projet a pu être lancé récemment. Le premier choix de terrain s’est fait sur une EAC mais les services de la DSA n’ont pas accompli les formalités de distraction. On a récupéré une autre assiette, jadis squattée par des citoyens, qu’on a mise à la disposition de l‘agence AADL. Les travaux ont enfin démarré. Dans le LPA, nous avons 50 logements. Tout est pratiquement prêt, mais il y a un peu de négligence de la part de l’agence foncière, le maitre de l’ouvrage. Cette dernière s’est engagée à lancer les travaux à la fin de janvier 2017, mais à ce jour elle n’a pas encore commencé. Au total, 1000 unités de logements ont été accordées à la commune, toutes formules confondues. La demande, elle, s’élève à 1 400 pour le social (LPL) et 400 pour le LPA et 400 demandes pour l’habitat rural. Dans le programme AADL, il est question de 250 unités.
Lors de sa récente visite dans la commune, le wali a insisté sur l’impératif de concrétiser les programmes de logements, existe-t-il des blocages ?
Le wali a soulevé le problème du programme AADL qui accuse un retard dans le lancement des travaux. Mais le problème est réglé. La commission a demandé un nouveau choix de terrain et j’ai confirmé au wali le choix d’un deuxième site. Les travaux du projet ont déjà débuté. Mon souhait c’est de voir ce projet AADL se concrétiser dans les délais impartis, de 26 mois. Il y a aussi les 420 unités du social en voie d’achèvement programmées pour la distribution, l’automne prochain.
Vous en êtes à votre dernière année de mandat à la tête de l’APC, quel a été votre apport au développement de la commune ?
En AEP, nous avons pu raccorder une dizaines de villages ruraux et lancer la réalisation de réseaux au profit des populations de sept villages. L’opération a été financée grâce au jumelage des projets PSD et PCD. Nous avons raccordé la partie nord de la commune au réseau Koudiat Acerdoune. Il s’agit des villages Beggas, Beni Khalfoune, Ghedidoua et El Morhania. Nous avons aussi réalisé trois ou quatre opérations de raccordement au réseau d’assainissement à Ouled Boukhlef, Ouled Laalem et Aïn Oulmane. Nous avons également rénové le réseau électrique dans trois ou quatre localités. Pour le gaz de ville, nous avons raccordé deux localités, à savoir Ziraoua et Ghidioua. En outre, nous avons réalisé une trentaine d’études dans divers secteurs (routes, AEP, assainissement). S’agissant de l’aménagement urbain, nous allons achever entièrement l’aménagement de la ville avec les trois opérations toujours en cours de réalisation. Ces opérations concernent les cités El Badr, les routes du marché et du lycée et la route menant au cimetière des chouhada. Une fois ces trois opérations achevées, l’aménagement de la ville sera entièrement terminé. Par ailleurs, on a réalisé durant ce mandant trois stades (2 de type matico et un autre communal). Le nouveau stade communal a coûté 10 milliards de centimes. La ville a bénéficié d’une piscine semi-olympique d’un montant de 22 milliards de centimes et d’une salle spécialisée dédiée aux arts martiaux pour un montant de 3 milliards de centimes. Nous souhaitions réaliser une Maison de la culture et une auberge de jeunes, mais nous n’avons pu le faire. C’est notre seul regret. Sinon, nous avons proposé un projet de réalisation d’une zone d’activités (ZAC) et jusqu’à maintenant l’opération est suspendue. Nous avons proposé deux sites, mais nous attendons depuis 2014. Pourtant, le PAW (Plan d’aménagement de la wilaya) nous donne la priorité d’avoir une ZAC. Mais les responsables de l’investissement au niveau de la wilaya trouvent qu’il est plus judicieux de procéder à des extensions des zones existantes dans la daïra plutôt que d’en créer de nouvelles. Le paradoxe c’est que les deux autres communes de la daïra (Aomar et Djebahia) possèdent des ZAC, alors que la commune du chef-lieu de daïra non. En évoquant le PAW, celui-ci nous donne aussi la priorité de disposer d’un CET, mais ce n’est pas non plus le cas.
Etes-vous satisfait du travail accompli à la tête de l’APC ?
Malgré les difficultés qu’on a rencontrées, nous sommes satisfaits du travail accompli. On a imposé la loi et pu récupérer certains biens de l’APC. La gestion administrative et l’équilibre budgétaire ont été maîtrisés. Ceci fut possible grâce aux efforts de toute une équipe de jeunes. C’est le fruit d’un travail de groupe. Durant ce mandat, nous avons apporté beaucoup de choses aux écoles primaires. Nous en avons quatorze (14) et toutes ont bénéficié de travaux de réhabilitation qui ont touché les cours, l’étanchéité, le chauffage et l’eau potable. Nous avons réhabilité des écoles qui étaient à l’abandon depuis 10 à 15 ans. C’est le cas de l’école Haddouche Aomar, sise à la périphérie de la ville, un établissement touché de plein fouet par le terrorisme et déserté, mais qui a été entièrement réhabilité et rouvert. Grosso modo, je peux vous dire que nous avons pu réaliser 70% de nos objectifs. Mais on aurait pu faire mieux si on avait à notre disposition plus de moyens. Avant, la commune recouvrait deux (2) millions de dinars en recettes fiscales et maintenant on a dépassé le milliard de centimes. Avant, ce qui intéressait la municipalité ce sont les rentes générées par le marché hebdomadaire, mais actuellement on recouvre les loyers des locaux de jeunes, ceux des logements de fonction de l’éducation, la taxe d’ordures ménagères (TOM), les droits d’exploitation momentanée de la route et même les taxes d’exploitation du stade communal. On a pu rénover certains biens du patrimoine communal (locaux, buvette et crèche). La crèche nous rapporte par exemple 30 millions de centimes par an et la buvette un montant de 20 millions de centimes par an. Les locaux de la recette des impôts génèrent des rentes de l’ordre de 17 millions de centimes par an. Ce n’était pas chose aisée, mais on l’a quand même fait.
Entretien réalisé
par Djamel Moulla