Les 6 martyrs du 15 mars 1962

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Par S. Ait Hamouda

Les instituteurs Ali Hamoutène, Mouloud Feraoun, Max Marchand, Robert Eymard, Salah Ould Aoudia et Marcel Basset ont été assassinés par l’organisation paramilitaire, l’organisation de l’armée secrète (l’OAS), le 15 mars 1962, à une poignée de jours du cessez-le-feu, dans la cour du centre social où il était en réunion avec ses collègues qui ont été tous visés par la bête immonde. Le 27 novembre 1960, écrivait Mouloud Feraoun dans son journal : « Il faudrait que nos enfants sachent à quel point leurs ainés ont souffert, à quel prix ils héritent d’un nom, d’une dignité, du droit de s’appeler Algériens sans courber la tête comme le frêle roseau de la fable. On devrait pouvoir réunir une multitude d’histoires relatant les milliers de drames. Les milliers de morts, les clameurs de rage, les torrents de larmes et les mares de sang qui auront marqué comme des stigmates cette terre où nous avons eu le malheur de naître et qu’on veut nous enlever comme si nous étions des bâtards. Il serait bon qu’on sache tout cela plus tard et qu’on se dise : «Après tout, nos pères avaient tout de même beaucoup de mérite et nous pouvons en être fiers». Ces six Inspecteurs de l’Éducation nationale étaient réunis dans le centre social Château-Royal à Ben Aknoun. Ils discutaient des mesures en faveurs des enfants les plus en difficulté. Un commando revêtu de tenues léopard survint, les fit sortir dans la cour et les abattit à coup de mitraillettes. Le lendemain, l’écrivain pied noir Jules Roy, écrit dans L’Express : «Le bas d’un mur criblé de balles et éclaboussé de sang noir dans la cour d’une villa mauresque sur les collines d’El Biar, c’est tout ce qu’il reste de l’attentat contre les six inspecteurs français et musulmans des centres sociaux condamnés à mort par l’O.A.S. Six hommes qui consacraient leur vie à sauver des gosses, donner un métier à des misérables et soigner des malades. Les hommes qui ont tué Mouloud Feraoun ou qui se sont réjouis de sa mort ne peuvent plus être mes frères et je ne les connais plus. Pourquoi Mouloud Feraoun ? Parce que, ayant reçu le don d’écrire, il avait, lui, un raton, l’audace de l’exercer. Parce qu’il osait conter son enfance pauvre et son pays, son attachement à ses amis et à sa patrie, et que cette liberté représentait à elle seule un outrage intolérable et une provocation à l’égard des seigneurs de l’O.A.S». Ils ont, Mouloud Feraoun et ses compagnons, donné leur vie en holocauste à la liberté, à la dignité, à l’humanité, à l’Algérie. Le 14 mars 1962, Mouloud écrivait : «À Alger, c’est la terreur. Les gens circulent tout de même et ceux qui doivent gagner leur vie ou simplement faire leurs commissions sont obligés de sortir et sortent sans trop savoir s’ils vont revenir ou tomber dans la rue». Le lendemain, Mouloud Feraoun est exécuté par un commando de l’OAS, avec cinq autres responsables de centres sociaux. Aujourd’hui qu’on se remémore sa disparition, qu’on sache lui rendre l’humble hommage qu’il mérite, lui l’humble, le martyr…

S. A. H.

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