Edition, ce parent pauvre de la culture

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Aussi, comme la France n’est ni du gâteau ni la porte d’à côté, les férus de la magie des mots, qui ne peuvent résister à l’envie de se faire connaître, vont jusqu’à s’endetter pour imprimer à leur compte leur écrits. D’autres, faute de moyens, se contentent, en attendant des jours meilleurs, de ranger soigneusement leurs feuillets dans les tiroirs. Le plus ancien éditeur sur la place de Béjaïa, M. Salah Talantikit, déclare que si son entreprise ne s’intéresse nullement à l’édition d’un nouveau roman ou d’un recueil de poèmes, c’est parce que cette opération culturelle et commerciale à la fois, requiert beaucoup d’argent au départ et tarde à donner des fruits.Abondant dans le même sens, le directeur de Madani Editions, M. Mourad Madani, spécialisé dans l’édition du livre d’art, soutient que pour bien vendre un livre, il faut d’abord le faire connaître au public, mais souvent, et c’est là le problème, la promotion d’un produit revient plus cher que sa production. Il ajoute que dans ce pays où le lectorat est réduit à sa plus simple expression, il faut être financièrement aisé et mentalement détraqué pour oser investir dans l’édition de livres. Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à voir le nombre de librairies qui se reconvertissent en magasins de cosmétiques ou en fast-food ; même l’ancienne librairie de la SNED située en plein cœur de la ville de Béjaïa, est en phase de devenir un restaurant.Le seul éditeur de Béjaïa à qui il faut tirer le chapeau bien bas, parce qu’il laisse une lueur d’espoir aux jeunes auteurs, est Mohand Chérif Zirem, directeur des Editions Zirem, basées à Akfadou. Journaliste et lui-même écrivain, le directeur de cette maison créée en 2005, après avoir édité son propre roman “La Vie est un mensonge”, et d’autres œuvres tirées du patrimoine universel, comme “Misère de Kabylie”, “Reportage d’Albert Camus sur la Kabylie des années 40 ” ou “Le Meurtre et autres nouvelles” de John Steinbeck et “Seconde lettre pour l’Algérie” de Toqueville, le voilà qui envisage de donner leur chance aux jeunes écrivains et aux poètes. Son plan de charge prévoit, également, la réédition d’ouvrages traitant de l’Algérie et de la Kabylie. Il ambitionne aussi de coéditer dans un proche avenir, avec des maisons d’éditions étrangères, des textes rares pour les mettre à la disposition des lecteurs algériens. Créées en 91, après avoir été durant 48 ans simple imprimerie, les Editions Talantikit se sont déjà constituées un catalogue d’une centaine d’ouvrages dont beaucoup font partie du domaine public, comme “Le Rouge et noir” de Stendhal, “Madame Bovary” de Flaubert, “Le Petit Prince” de Saint Exupéry, ainsi que les trois romans de Mouloud Feraoun avec leur traduction en arabe. Chacun de ces livres est tiré en moyenne à 2 000 exemplaires qui s’écoulent convenablement. “Le Petit Prince” bat le record des ventes parce qu’il fait partie du programme des CEM.L’autre activité importante des Editions Talantikit concerne les livres du para-scolaire, c’est-à-dire des guides proposés par les professeurs pour aider les élèves à bien préparer, dans les différentes disciplines, leurs examens du Bef ou du Bac.Concernant les ouvrages en tamazight, le catalogue des Editions Talantikit en renferme trois : “Dictionnaire français-tamazight” d’Aârave Benyounès, “Les Berbères d’hier et d’aujourd’hui” du même auteur et “Les Proverbes berbères de Kabylie” de Tahar Hammadache.Et à l’intention des enfants, les Editions Talantikit proposeront très prochainement une série de livres en arabe, français et en tamazight. Extraits du patrimoine universel, ces livres sont la propriété intellectuelle des dessinateurs qui les ont illustrés.Quant à l’édition à compte d’auteur, M. Talantikit indique dans ce cas précis, que l’éditeur n’intervient pas en tant que tel et sa responsabilité n’est nullement engagée. Son rôle se limite à imprimer le manuscrit tel que présenté par l’auteur. Question prix à payer par l’auteur, il explique que pour un livre de 192 pages en format 15/22, par exemple, le prix serait de 83 DA par exemplaire et ce prix unitaire ne commencerait à baisser qu’au-delà de 2 000 exemplaires.Evitant les sentiers battus, les Editions Madani, créées en 98, optent pour le livre d’arts, la carte postale et les supports modernes de communications tels le CD et le DVD.Leur livre-phare intitulé “Béjaïa” comprenant 144 pages et 197 illustrations entièrement en couleur a permis, dira M. Madani, avec une pointe de fierté, à beaucoup d’étrangers, qui l’ont eu entre les mains, de bien connaître Béjaïa et de vouloir la visiter. D’ailleurs, à chaque fois qu’un opérateur économique de la wilaya reçoit une délégation étrangère, il ne manque pas de commander un grand nombre d’exemplaires de ce livre pour les offrir aux membres de la délégation.Mourad Madani, le directeur de la maison d’éditions, spécialiste dans la réalisation du livre d’art et de la photo, a en projet la production de 8 ouvrages sur 8 villes historiques d’Algérie, semblable à celui de Béjaïa. Ces villes sont : Alger, Constantine, Tlemcen, la Kabylie, le Sahara, Sétif, les Aurès et Béjaïa.Mais la banque qui a financé une partie du projet, confond un peu l’édition et la culture, avec les autres activités économiques à rendement immédiat, puisqu’elle réclame le remboursement du prêt, avant même que le produit ne soit mis sur le marché.Les responsables qui ont le pouvoir politique et financier du pays, commente M. Madani, doivent prendre conscience que le peuple n’a pas seulement besoin de manger et de boire. Il a aussi besoin de se cultiver. D’abord, pour ne pas se laisser berner par le premier venu et ensuite pour s’épanouir et se développer.Et pour cette raison, l’édition estime M. Madani, doit retenir l’attention des responsables chargés de la culture et celle des opérateurs économiques, car les subventions et les sponsorings accordés à la culture sont un bon placement pour tous.Pour revenir à l’édition proprement dite, il y a lieu de noter qu’en plus du livre d’art qui est sa spécialité, la maison d’édition Madani a aussi mis aux profits des élèves qui préparent le Bef et le Bac une quinzaine de livres para-scolaires. Dans le domaine des cartes postales, elle a diffusé un million d’exemplaires représentant une centaine de sites. Enfin, concernant l’audiovisuel, elle compte actuellement deux CD tirés à 6 000 exemplaires chacun, intitulés l’un “Béjaïa sous la neige” et l’autre “Souvenirs de Béjaïa”.

B. Mouhoub

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