Les étals des librairies commencent à se garnir de plus en plus au grand bonheur des lecteurs, des étudiants et des chercheurs de tout horizon. Cependant, l’Algérie qui a enfanté les Mouloud Mammeri, Feraoun, Apulée de Madaure, Assia Djebbar, Kateb Yacine et tant d’autres, reste très loin derrière ses voisins tels que le Maroc, l’Egypte, le Liban, pour ne citer que ceux-là, en matière éditoriale. Ce retard important n’est sans doute pas sur le plan quantitatif mais également sur le plan qualitatif. Combien d’ailleurs sont-elles les maisons d’éditions qui disposent de commissions de lectures dignes de ce nom ? Cet état de fait favorise, plutôt impose le volet commercial au détriment du volet littéraire. Autrement dit, quiconque peut publier n’importe quoi, et chez n’importe qui, avec la bénédiction de l’argent, sous la formule édition à compte d’auteur.Cette formule d’édition, fait plus de mal que de bien à l’auteur et à la littérature elle-même, étant donné que la qualité du produit n’est pas soumise à la correction. Il en résulte de cela, une qualité dans la plupart des temps douteuse tant sur le plan graphique où des erreurs se glissent et trahissent la vigilance de l’auteur, ou encore, d’ordre littéraire. Ainsi, des textes – tous genres confondus -, notamment de poésie, de qualité qui laisse à désirer, se retrouvent sur les étals des librairies sans parfois, aucune mention de l’éditeur, ni de l’année de publication, et encore moins de numéro du dépôt légal ou d’ISBN. Pis encore, parfois, l’auteur ne passe même pas par l’édition, mais se contente de se faire éditer par un imprimeur. Cette formule fait tout pour dévaloriser la littérature, mais également l’auteur, car au-delà de la publication de son ouvrage, le vrai calvaire ne fait que commencer. Effectivement, il est contraint de faire du porte à porte pour écouler son «nouveau-né». Ce qui n’est certainement pas une mince affaire, puisqu’il est confronté aux railleries et réponses mesquines de certains libraires sournois et irrespectueux. Le champ de l’édition est sans nul doute un terrain quelque peu vierge et livré aux tentations les plus folles. Son exploitation responsable, professionnelle et objective, ne pourra que hisser la littérature algérienne au rang de ses confrères les plus avancés et elle permettra à coup sûr de sortir de l’anonymat de nouvelles plumes, jusque-là marginalisées, inconnues ou ignorées, comme cela se passe sous d’autres cieux. Hélas, le bricolage ne cesse ne sévir et régner en maître et la fin du tunnel n’est pas pour demain. A moins qu’un miracle ne vienne secouer le cocotier.
Salem Amrane