Le commerce du chardonneret bat son plein

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Le chardonneret est l’un des plus beaux oiseaux de la méditerranée. Les Bougiotes l’ont depuis longtemps apprivoisé et ont en fait un emblème de la région. En se baladant dans les rues de Béjaïa, particulièrement dans la haute-ville, il y a pleines de cages d’oiseaux accrochées sur les balcons des maisons, sur les devantures des magasins et même sur les toits des voitures en stationnement. Les Bougiotes apprécient énormément la beauté et le chant de cet oiseau depuis des lustres. Son plumage multicolore et le rythme de ses chants procurent des moments de plaisir sans égal. Il y a encore quelques décennies, les adolescents allaient du côté de «Bougie-Plage», des «Oliviers» ou des «Aiguades» pour en chasser. Sans lui faire de mal, il suffisait de placer un chardonneret dans une cage à un endroit déterminé, installer des tiges enduite d’une préparation spéciale à base de chewing-gum, et d’attendre que les oiseaux pointent, attirés par le chant de celui qui se trouve déjà dans la cage. Ainsi, chaque famille ou presque avait son «Meqnine». Les enfants grandissaient ainsi avec cet animal qui faisait partie de leur environnement. Mais depuis quelques années, la pollution atmosphérique a rendu cet oiseau de plus en plus rare. Ce qui a donné l’idée à quelques spéculateurs d’en faire un vrai gagne-pain, malgré sa protection officielle par la loi, et l’interdiction de sa vente. Sami Menguellati, coiffeur à la rue du «Vieillard» et spécialiste de cet oiseau, regrette cette situation. Dans son magasin, il a plusieurs chardonnerets dont il prend soin. Il dira savoir reconnaître ses différents types et situer son origine en regardant la couleur de son plumage et en écoutant son chant. Les amis le consultent pour toute question relative à cet oiseau : soins, mue, accouplement,… «Actuellement, le prix d’un chardonneret peut aller jusqu’à 30 000 dinars sur le marché, alors qu’il est interdit à la vente». Quand on va au marché des Babors dans le quartier d’El Khemis, on trouve en effet un véritable commerce de cet oiseau. Leur origine, quand ils ne sont pas pris dans les collines et montagnes entourant la ville de Béjaïa, est de la haute vallée de la Soummam. Sinon, ils sont carrément importés du Maroc où l’oiseau trouve les conditions idéales pour sa survie. Car en effet, il migre de l’Espagne pour faire sa pondaison dans des conditions climatiques plus propices. «À Tunis, raconte Samir, un chardonneret a été vendu à 10.000 euros». C’est dire combien cet animal est prisé, et son chant hautement apprécié. A signaler qu’au marché d’El Harrach, où il existe un véritable commerce de ces oiseaux, comme celui des canaris, entre autres, certains éleveurs, sans scrupules, n’hésitent pas à pratiquer des méthodes scandaleuses, pour forcer les oiseaux à chanter, notamment en leur crevant les yeux ou en leur cassant une aile. La douleur les fait hurler, et leur hurlement s’exprime sous forme de chant appelé «le chant de la mort». Cette cruauté est ainsi partagée par beaucoup, regrette Samir. «Le hic, c’est que la loi, qui est censée être mise en pratique par les autorités compétentes, n’est pas mise en œuvre et personne pour le moment n’a été condamné pour ces pratiques barbares. Il suffirait pourtant de condamner quelques braconniers pour donner l’exemple, et espérer un début de prise de conscience par les clients qui ne se soucient guère du devenir de ces êtres vivants, qui ne font que nous rendre la vie plus agréable», déplore notre interlocuteur.

N Si Yani.

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