La wilaya de Bouira, à vocation agricole, tente de diversifier ses ressources dans le secteur, en multipliant les filières. Avec l’élargissement des périmètres irrigués, cela est désormais possible, avec en objectif la création d’une troisième saison dite «primeur» pour la pomme de terre. C’est ce qu’explique le premier responsable de la DSA de Bouira à travers cet entretien.
La Dépêche de Kabylie : Peut-on dire qu’avec l’élargissement des périmètres irrigués, les superficies agricoles sont exploitées à 100% ?
M. Ganoun Djoudi : Oui, actuellement, et selon le programme tracé, l’ensemble des périmètres irrigués est opérationnel, Il reste juste une partie du côté de M’Chedallah, environ 1 600 hectares, qui doit être irriguée à partir du transfert d’eau du barrage de Tichy-Haf dans la wilaya de Béjaïa. Celui-ci a connu certaines oppositions de la part de propriétaires terriens dans la wilaya de Béjaïa. Mais concernant les travaux au niveau de la partie relevant de Bouira, ils sont quasiment achevés. Il reste juste le raccordement sur le tronçon de Tichy-Haf. Au niveau d’El Esnam, le périmètre est fonctionnel à 100%, à Ain Bessem il y a une réhabilitation du périmètre et cette opération tire à sa fin, on peut dire que le taux actuellement est à 80%. Les superficies qui sont irriguées à partir des trois barrages de Tilesdit, Oued Lekhal et Koudiet Acerdoune avoisinent les 8 000 hectares. Au niveau de Koudiet Acerdoune, dans les localités de Lakhdaria et Kadiria, les superficies sont irriguées à partir des lâchers d’eau du barrage. Nous tenons à remercier les responsables du ministère des Ressources en Eau, car à chaque fois que nous avons formulé une demande d’approvisionnement en eau pour l’irrigation, ils nous l’ont accordé. Ce qui veut dire que nous disposons d’eau pour l’ensemble des périmètres, soit près de 27 millions de m3 par an. Il faut que les agriculteurs comprennent cependant que cette eau doit être utilisée rationnellement, en privilégiant l’irrigation le soir ou le matin, en évitant les heures de grandes chaleurs, c’est-à-dire entre 11h et 17h. C’est le moment de la journée où la chaleur cause une très forte évapotranspiration. Nous tenons d’ailleurs des réunions de travail avec les responsables de l’ONID, de la DRE, pour leur expliquer ce phénomène. Nous avons également fait des journées techniques au profit des agriculteurs pour leur permettre de connaitre les bienfaits de l’utilisation d’une eau de manière rationnelle et au moment opportun. La wilaya de Bouira recèle des potentialités hydriques très importantes, et rares sont les wilayas qui disposent de trois barrages. Cette année nous avons d’ailleurs utilisées des irrigations d’appoint pour les céréales. Toutefois, il faut toujours sensibiliser les agriculteurs pour qu’ils apprennent comment rationnaliser l’utilisation de cette ressource en évitant le gaspillage. Cette année, la wilaya de Bouira a bénéficié d’une bonne pluviométrie. A partir du mois d’octobre 2016 jusqu’à avril 2017, on a eu près de 475 millimètres. Avec cette quantité de pluie, il y a eu une très bonne répartition, surtout concernant le cycle végétatif de la céréale. Il y a eu des précipitations au mois d’octobre ce qui a permis une bonne préparation du sol, après au moment des semis, ensuite à la végétation, à la montaison et pour le grossissement du grain. On peut dire que nous sommes satisfaits de la répartition et de la quantité d’eau de pluie, ce qui laisse présager une excellente saison avec un meilleur rendement par rapport aux autres années précédentes. Selon les estimations, on peut dire que pour les blés on dépassera les 30 quintaux à l’hectare, ce qui n’est pas le cas des années précédentes où l’on avait entre 18 et 19 quintaux seulement. Pour ce qui est des rendements, on vient juste de commencer à faire de l’échantillonnage, d’ici le milieu du mois de juin on aura des estimations de rendements exactes. Il y a des équipes à pied d’œuvre actuellement et des sites ont été choisi par satellite à travers toute la wilaya, nous n’aurons qu’a faire des recherches de ces points par GPS. Les dernières statistiques démontrent que la wilaya de Bouira est classée 14ème à l’échelle nationale en matière de rendement en céréales. Cette année pour ce qui est de la campagne moisson-battage, on a mis en place un dispositif, avec tous les partenaires : la CCLS, la BADR… Il y a eu l’installation du comité de suivi par arrêté de M. le wali qui permettra de prendre en charge la durée de toute la campagne céréalière. Les agriculteurs, cette année, ont bénéficié des engrais à prix référentiels de 20%, ils ont aussi bénéficié des crédits pour l’achat des intrants. Le nombre de dossiers RFIG passés devant le comité est de 571 dossiers, ceux-ci auront à prendre les intrants, engrais, semences et autres produits auprès de la CCLS et rembourseront après avoir récolté leurs produits. D’une manière générale, on peut dire que cette année est une bonne année.
Où en est-on avec la culture de la pomme de terre ?
La superficie réservée annuellement à la pomme de terre au niveau de la wilaya de Bouira est de 5 000 hectares. 3 000 hectares pour ce qui est de l’arrière-saison et 2000 hectares pour celle de saison. Il y a deux périodes pour la récolte, et nous, en tant que techniciens, nous sommes en train de sensibiliser les agriculteurs pour créer une troisième saison qui sera celle de la pomme de terre primeur. La région de Bouira est une région gélive, mais ces dernières années on a constaté qu’il y avait moins de gelée. Durant cette période où il n’y a plus de pomme de terre, nous avons recours au déstockage du SYRPALAC. C’est pour cette raison qu’avec l’adhésion des producteurs de pomme de terre nous allons créer une autre saison destinée à la pomme de terre primeur. On a fait des regroupements pour leur demander de décaler légèrement l’arrière-saison par rapport à la saison pour créer cette période intermédiaire qui sera propice pour la primeur. Une saison qui se situera entre la fin janvier et la fin du mois d’avril. C’est à ce moment qu’il y a un certain flottement de pomme de terre et c’est pour cela que le ministère de l’Agriculture à tendance à aller vers le déstockage de la production des tubercules auprès du SYRPALAC. Comme vous le savez, la wilaya de Bouira est toujours retenue pour le programme national alimentant les stocks de régulation de pomme de terre, durant les périodes charnières. Cette année, nous avons eu près de 80 000 tonnes de pommes de terre stockées. Nous avons épuisé le stock il y a de cela une dizaine de jours et cette opération de déstockage a joué positivement son rôle pour la régulation des prix. Après un pic de 80 dinars durant cette jonction entre les deux productions et aujourd’hui, la pomme de terre fraiche de saison fait 40 DA. Pour ce qui est des arrachages de la semence pour la saison, nous allons entamer le tri sur la parcelle. Une partie sera réservée pour le renforcement du marché pour consommation et celles de calibre moyen, et selon les normes techniques de semence, sera stockée pour l’arrière-saison. Au niveau de la wilaya de Bouira, on a 11 semenciers, établissements de semences et plus d’une quarantaine de producteurs, avec certains qui font jusqu’à 200 hectares de pomme de terre. D’ailleurs, nous sommes classés 6ème à l’échelle nationale en matière de production de ce tubercule.
Et concernant la place de l’olivier ?
Pour l’olive, la wilaya de Bouira est bien lotie avec un potentiel estimé à plus de 37000 hectares d’oliviers à travers toute la wilaya, dont 27 000 hectares en production. Cette année, la production d’huile était de l’ordre de 7 millions d’hectolitres. Toutefois, l’oléiculture se fait de manière ancestrale et c’est pour cela qu’à chaque fois nous organisons des journées de sensibilisation et de vulgarisation au profit des oléiculteurs afin de mener à bien l’entretien de leurs vergers et parfaire la production oléicole. Il faut faire de telle sorte que l’on produise une meilleure huile. De la récolte, en passant par les conditions de stockage, les conditions de trituration et les conditions de conditionnement de l’huile et dans quels contenants sont autant d’étapes qui doivent être revues et améliorées. Il y a encore beaucoup d’efforts avant de parvenir à notre objectif qui est d’avoir une huile de qualité à Bouira. On a essayé de créer au niveau de certains centres de formation professionnel des journées de formation au profit des personnes intéressés par ce créneau oléicole. Nous avons choisi ces centres pour éviter des déplacements coûteux aux oléiculteurs et je remercie la DFP, ainsi que M. le wali pour ses orientations, afin que l’on puisse toujours se rapprocher au maximum des populations. C’est pour cela qu’on a essayé d’organiser ces journées de formation à l’échelle locale au profit des producteurs d’olives. Des journées de vulgarisation ont également été organisées au niveau des APC, avec l’encadrement de la DSA, pour les sensibiliser sur l’entretien des vergers et sur la récolte et la trituration. Cela a payé, puisque pour cette année nous avons eu des rendements d’huile d’olives avec des pics variant entre 27 et 30 litres par quintal.
Il y a donc 10 000 hectares d’oliviers qui ne sont pas encore productifs ?
Ces derniers années, il y a eu des plantations d’oliviers, une campagne menée depuis 2013 à ce jour, avec près de 10 000 hectares plantés, dont 47 000 oliviers rien que pour cette année, et ce à travers plusieurs communes de la wilaya. Ce qui fait que leur production n’a pas encore commencé, il faudra attendre 6 à 7 ans avant de pouvoir faire des récoltes d’olives sur ces arbres. C’est cela qui explique la différence entre le parc oléicole actuel évalué à 37 000 hectares, dont 10 000 nouvellement plantés, et les 27 000 hectares en production.
Entretien réalisé par Hafidh Bessaoudi

