«On a interdit le lait en sachet aux cafetiers!»

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Ahmed Gamri, directeur du commerce de la wilaya de Bouira, annonce dans cet entretien quelques mesures exceptionnelles prises en ce mois de Ramadhan, pour la protection des consommateurs. Il fait également le point sur diverses questions concernant son secteur.

La Dépêche de Kabylie : Un point sur la situation du secteur du commerce dans la wilaya ?

Ahmed Gamri : Le tissu commercial à travers la wilaya de Bouira comporte près de 30 000 commerçants exerçant dans différents secteurs. Le secteur le plus important est celui du détail avec 14 000 commerçants en alimentation générale, boulangeries, fruits et légumes, produits laitiers et dérivés. Le secteur comporte également des unités de production en matière de biscuiterie, chocolaterie plus deux unités de production de lait pasteurisé au niveau de Kadiria et Aïn Lahdjar. Ces deux unités permettent la production de 36 000 litres de lait par jour. Il en existe une troisième à Toghza, commune de Chorfa, qui est spécialisée uniquement dans le lait de vache. Elle attend la commission ad-hoc des ministères du Commerce et de l’Agriculture pour savoir si elle bénéficiera d’un quota de poudre de lait auprès de l’ONIL qui sera défini par la suite. Voilà en résumé de quoi est constitué le tissu commercial de la wilaya. Je précise que la direction du commerce emploie 220 fonctionnaires au niveau de la wilaya de Bouira, dont 145 faisant partie du corps technique chargés de tous types de contrôle, le reste est constitué de corps communs chargés de l’administration.

Vous avez tracé un programme spécial pour ce mois de Ramadhan, pouvez-vous nous en parler ?

Pour ce mois de Ramadhan, nous avons programmé des actions spécifiques dans les commerces de détails, notamment les commerces d’alimentation générale, de viandes blanches et rouges et le suivi de la fabrication et de la distribution du lait pasteurisé. Un prélèvement est d’ailleurs effectué une fois par semaine dans les deux unités de production de lait. Dans le cadre du contrôle des pratiques commerciales, celui-ci est axé dans le même secteur d’activité, alimentation générale, fruits et légumes, essentiellement sur le marché couvert, ici à Bouira, où nous sommes intransigeants sur l’affichage des prix. De même que pour le contrôle de produits sensibles et de large consommation et des produits subventionnés par l’Etat dont les prix sont fixés, notamment le lait pasteurisé, le sucre et la semoule. Ceci est notre objectif pour la première quinzaine du Ramadan. Pour la seconde quinzaine, qui coïncide avec l’Aid El Fitr, notre activité sera axée sur l’habillement et le textile et les chaussures, en plus des autres secteurs d’activités tels l’alimentation générale et les produits sensibles dont nous vérifions systématiquement la qualité. Nous avons organisé également une permanence de nuit avec des brigades nocturnes au niveau du chef-lieu de wilaya, qui cible les cafétérias, les crèmeries, les fast-foods qui sont contrôlés en matière d’hygiène durant les soirées. Nous avons également un numéro vert 10-20, mis en service depuis presque un mois par le ministère du Commerce, et les consommateurs peuvent nous contacter pour signaler tout problème avec les commerçants. A chaque plainte, nous dépêchons une brigade pour s’enquérir de la situation signalée. Nos brigades travaillent incognito et leurs éléments se présentent comme de simples citoyens, afin de prendre le contrevenant sur le fait. Par ailleurs, nous effectuons régulièrement des actions de sensibilisation au niveau de la radio locale de Bouira et nous avons deux séances d’une heure chaque semaine pour défendre et garantir la protection du consommateur. Dans cette optique, nous avons procédé au renforcement de la brigade mixte commerce-agriculture qui effectue trois sorties par semaine. Cette brigade est spécialisée dans le contrôle des abattoirs de la wilaya et les boucheries, pour les viandes blanches et rouges. Nous avons enregistré une saisie de 18 kg de viandes rouges que nous avons remis à l’APC de Kadiria pour le restaurant ‘’Iftar’’. Une autre brigade mixte, commerce-santé, a été mise en place et activée la semaine dernière. Elle est chargée du contrôle des produits pharmaceutiques et de l’activité des pharmaciens.

Qu’en est-il de l’éradication du commerce informel, votre principal cheval de bataille ?

Pour le commerce informel, nous avions recensés 37 points de vente et en avons éradiqué 31. Il en reste 6 qui entachent encore la wilaya. Dès qu’on éradique un point, il réapparait le lendemain. Je vous donnerai l’exemple du point de la route menant vers Sour El Ghozlane où les gendarmes interviennent régulièrement pour chasser les commerçants informels, mais dès le départ des forces de l’ordre, les cageots de marchandises refont leur apparition. Idem sur la RN15 dans la localité de Chorfa pour la vente de poulets sur pied.

L’absence de marchés de proximité ne contribue-t-elle pas à la prospérité de l’informel ?

Nous avons un problème d’exploitation de certains marchés de proximité, comme celui de Draâ El Bordj. Des commerçants refusent de rejoindre les box qui leur ont été attribués. Franchement, on ne comprend pas leur attitude. Ils prétendent qu’il n’y a pas de clients, mais les 6 commerçants qui exercent sur place et y travaillent à longueur d’année ne s’en se plaignent pas. Ces commerçants réfractaires pensaient qu’ils allaient bénéficier de locaux pour les revendre par la suite, mais ils ont trouvé la procédure infaillible, puisque s’ils n’ouvraient pas leurs commerces dans un délai d’un mois, la direction du Commerce récupèrerait systématiquement le local. De ce fait, ils ont abandonné. Pour le marché d’Oued D’hous de la ville de Bouira, nous rencontrons un autre problème. Les commerçants sont les propriétaires des fonds de commerce, nous avons fait avec eux deux réunions, une ici au siège de la direction du commerce et une au siège de l’APC de Bouira. Plusieurs de ces commerçants veulent changer d’activités, dont un qui veut réaliser une station de lavage graissage pour véhicules et qui a demandé qu’on lui octroie un garage au centre-ville. Ils nous ont fait des demandes écrites qui sont actuellement au niveau de l’APC de Bouira qui tranchera. Toutefois, je peux affirmer que l’éradication des points noirs du commerce informel a été plus efficace avec la réalisation de marchés couverts, dans le cadre Batimetal et le programme «Marchés couverts» du ministère du Commerce. Pour ce programme, nous faisons face à des lenteurs de procédures au niveau des communes pour les attributions. Dans d’autres localités, nous avons procédé à leur affectation, mais les jeunes ne veulent pas rejoindre l’aire de négoce. Nous avons réceptionnés et livrés aux communes 8 marchés de proximité dans le programme Batimetal. Dans un autre programme, dans le cadre des PCD, nous en avons 8, 2 ont été réalisés et 2 réceptionnés. Il faut savoir aussi que pendant le mois de Ramadan, nous faisons face à des activités commerciales spécifiques, comme des jeunes qui vendent de la zlabia et autres confiseries orientales sur les trottoirs.

Doit-on s’attendre à des pénuries de pain ou d’autres denrées de large consommation les jours de l’Aïd ?

Pour le pain, je peux vous garantir d’ores et déjà une disponibilité à 100%. Concernant la permanence des commerces pour les deux jours de l’Aïd El Fitr, nous avons réquisitionné 40% des 14 000 commerçants, dont 141 boulangeries, au niveau des 12 chefs-lieux de daïras et dans les communes. Je dois vous signaler qu’au lendemain de chaque permanence, les boulangers réquisitionnés viennent à notre direction pour se plaindre de mévente. Pour le lait, en toute sincérité, le problème se posera toujours et il y aura assurément des perturbations. Je vous ai dit que la wilaya de Bouira dispose d’une production de 36 000 litres par jours, alors que les besoins dépassent les 260 000 litres/jour. Aujourd’hui, on s’approvisionne comme on peut et on atteint entre 165.000 et 168.000 litres/jour. Pendant le mois de Ramadan, le lait est utilisé pour différents desserts et autres mets culinaires et la demande augmente en conséquence. Nous avons d’ailleurs mis en place une opération de contrôle spéciale pour les cafetiers pour leur interdire l’utilisation du lait pasteurisé en sachet. Ce lait est destiné aux ménages, car le commerçant lui peut se rabattre sur le lait de vache UHT ou le lait en poudre. Cette problématique se pose depuis longtemps et demeurera en l’état, tant que le quota de la wilaya de Bouira ne sera pas revu à la hausse par les autres laiteries avoisinantes dont nous dépendons. D’ailleurs, dans le cadre du CALPIREF, nous demandons aux investisseurs de privilégier l’investissement dans la transformation de lait, en créant une unité de collecte de lait cru pour le transformer ensuite en poudre. Cela ferait disparaitre la vente concomitante qui devient monnaie courante où l’on oblige le consommateur à acheter un sachet de lait à 50 DA pour qu’il puisse en avoir un à 25 DA. A l’usine, on oblige le distributeur à écouler le lait cru et cela se répercute sur le détaillant puis sur le consommateur. Cependant, hormis le lait, pour les deux jours de l’Aïd, tous les produits de large consommation seront disponibles et nous avons établi un programme de permanence qui, depuis plus de 4 ans, a fait ses preuves.

Entretien réalisé par Hafidh Bessaoudi

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