Béjaïa se souvient de Djamel Amrani

Partager

l Tu chérissais la mer et Béjaïa s’en souvient. Le printemps affleurait en ce mois de mars et la sarabande des saisons s’arrêta pour toi. La beauté des choses demeurera mais sans toi! La grande place ne te baignera plus de lumière et les effluves de la mer ne traverseront plus les murs de l’hôtel Etoile pour toi. Les montagnes impavides qui longent la baie se passaient la nouvelle de ta venue. Et je jure que j’entendais leurs murmures, leurs échos, quand du balcon de cette place tu portais ton regard meurtri et tendre sur cette beauté des choses. Tu arrivais à Béjaïa le pas lent et lourd de tous tes exils intérieurs. “Orphelins de nous-mêmes”, me disais-tu, toi le socle de l’indicible, quand nos êtres fatigués défaisaient ce monde au comptoir du Berbère. Ta démarche majestueuse dans les ruelles de cette ville se confondait à la majesté du mont Gouraya et tu en débusquais la poésie à chaque coin de rue. Ta poésie, la poésie tu la déclamais souvent à Béjaïa. Durant toutes les périodes, les fastes et les tragiques, en compagnie des humbles avec lesquels tu partageais des tranches de vie. Les planches du théâtre se souviennent encore de ta parole déclamée le 13 février 2000, en hommage à Azzedine Medjoubi, l’artiste assassiné, car… à chacun son millénaire. “Il est des villes comme des femmes fatales”, disait Kateb Yacine. Tes fugues élisaient Béjaïa comme ville de chute. Le répit de tes douleurs, quand Alger te laissait choir, l’avait élue comme port de jouvence et… tu repartais vers Alger mu par la quête de “l’inaccessible étoile”. “Nous n’irons plus au bois pour cueillir la violette”. Il ne me restera que l’Oxalis par ces temps où les saisons se perdent.Porter paroleEn des lieux de déshérence, Porter souffleSur les nuits de nos agonies,Et faire se germer les étoilesDans notre regard exsanguePour retrouver les chemins de lumière

Pour toi Djamel, Tahar Arezki

Partager