Le jour d'avant la liberté

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Nous parlons d’un temps que les moins de soixante ans ne peuvent pas connaître. Ce fut un temps où la mort était omniprésente, la misère quasi présente, les maladies sans médecins, ni hôpitaux, l’école sélective et les loisirs un luxe. Les militaires en tenue léopard, paradaient mitraillette au poing et poignard au ceinturon, narguant les vieillards, les femmes et les enfants. Les caïds «emburnoussés», «guenours» en fils de chameau et «gandours» de soie, menaient leurs compatriotes au gibet. Des gardes-champêtres en chéchia «stamboul», tenue kaki et revolvers à piston pour faire peur aux voleurs de pommes. Les daïras (adjoint de caïd) accoutrés modestement mais mieux habillés que les pauvres Algériens. Les douars, les machtas, les toudar, la Kabylie, les Aurès, l’Oranie, l’Algérois, étaient peuplé d’infra humains, d’à peu près hommes colonisés qui n’avaient aucun droit, ni ne pouvant revendiquer leur humanité non reconnue par le colon. Il était un temps dont peu de gens se souviennent aujourd’hui. Un temps d’enfer, où nous allions à l’école pieds nus, la calotte nous retroussant les oreilles, des pantalons rapiécés et des burnous qui nous protégeaient mal du froid qui nous cisaillait le visage. Le nez qui coulait et nous n’avions pas de mouchoirs pour nous essuyer. Les pans de nos burnous servaient de torchons pour nous soulager du trop de morve que nous ne pouvions pas renifler. C’était le temps des vaches maigres où l’Algérie était occupée par la France. Et la France n’avait aucun respect pour les colonisés que nous étions. Elle torturait, elle combattait, elle exilait, elle emprisonnait, elle amenait aux corvées de bois, elle nous jetait des hélicoptères, nous exploitait, elle faisait suer le burnous des Arabes, la cravache parlait le seul langage que les bicots comprenaient. Et puis en ce temps-là nous étions des enfants déjà adultes, nous pigions ce qui nous arrivait, et rangions nos freins en attendant… que nous ayons l’âge de rejoindre la montagne. Puis vint l’indépendance un 3 juillet, puis vint l’orgie, puis vint la liberté, puis vinrent les réjouissances qui vont avec…

S. A. H.

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