Chronique d’une réhabilitation

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Le lancement prochain d’une chaîne de télévision en tamazight, annoncé par le directeur de l’ENTV, augure une nouvelle étape dans le processus de la réhabilitation de cette dimension de l’identité nationale. Ce dernier avait été inauguré en avril 1995, à l’époque du président Zeroual. Avant cette date, aucun texte officiel ne faisait référence ni à la langue ni à la culture amazighe. Pour la première fois dans l’histoire, tamazight a fait l’objet d’un décret présidentiel dans lequel un certain nombre de mesures inhérentes à la prise en charge institutionnelle et scientifique de l’amazighité avait été consigné. Après des années du lutte, le président de la République annonce officiellement que l’Etat prendra en charge l’enseignement de tamazight, qui devient effectif à partir de la rentrée scolaire 1995. Dès lors, le berbère est enseigné dans 16 wilayas et dans des écoles publiques. Chose qui était une utopie quelques mois auparavant au vu de l’interdit qui frappait cette langue, pourtant parlée par des millions d’Algériens. Ce n’était pas la seule mesure prise à l’époque par le président Zeroual. Ce dernier avait annoncé, dans le même décret, la création du Haut-Commissariat à l’amazighité (HCA). Cette institution, à caractère bicéphale, est rattachée à la présidence de la République. Elle était composée à sa création de vingt-cinq membres d’une part et d’autre part de cadres ayant effectué des formations scientifiques dans le domaine amazigh, dont la mission était d’organiser des activités culturelles et scientifiques dans le domaine. La troisième et dernière mesure importante prise en avril 1995 consistait en le lancement à partir de juin de la même année d’un journal télévisé en berbère chaque jour sur l’ENTV, à 18 h. Ces acquis avaient été salués par une grande partie de militants de la cause berbère depuis particulièrement le Printemps berbère de 1980. Certains observateurs avaient toutefois émis des réserves, qualifiant ces mesures de “poudre aux yeux”. Ces décisions historiques avait été prises suite à une série de négociations entre les représentants du MCB et des représentants de la présidence de la République, à leur tête Ahmed Ouyahia, à l’époque conseiller du président Zeroual. Depuis, la revendication amazighe, prise dans l’étau des luttes partisanes, n’a pas connu d’évolution particulière, en dehors d’un certain nombre d’activités culturelles et scientifiques initiées par le HCA. Ce dernier a organisé d’importants colloques sur la langue berbère, dont le plus important est “le Colloque international sur l’identité amazighe face aux défis de la mondialisation” tenu à l’hôtel Soummam de Boumerdès en juillet 2002. Ce colloque avait vu la participation d’un nombre considérable d’universitaires algériens et européens. Le HCA organise aussi le Salon national du livre et du multimédia amazigh annuellement à Bouira et le festival du film amazigh. Suite aux événements du Printemps noir en 2001, au cours duquel des manifestation violentes avaient eu lieu, entraînant la mort de dizaines de personnes, d’autres mesures avaient été prises, dont la plus importante est la constitutionnalisation de la langue amazighe comme langue nationale sans référendum populaire. Le président Bouteflika avait pourtant annoncé dans un meeting à Tizi Ouzou qu’une telle mesure ne pouvait être prise sans le consentement de la majorités des Algériens. Le changement du contexte avait conduit le président à soumettre la question uniquement aux deux Chambres parlementaires. Les députés et les sénateurs avaient approuvé cet amendement constitutionnel. Les députés du RCD et du FFS avaient boycotté la session où tamazight fut votée langue nationale. Cette décision politique a également été applaudie et considérée comme un pas de géant dans le recouvrement dans le discours officiel, à tous les niveaux, par rapport à la question. Les responsables, ministres et autres, usent d’un discours sans ambiguïté quand il s’agit de se prononcer sur ce sujet. La création de la chaîne télé en berbère vient couronner ce processus. Cette nouvelle mesure revêt une importance capitale lorsqu’on sait le rôle que jouent les média lourds.

Aomar Mohellebi

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