Une année universitaire d’achevée. Le Pr Ahmed Tessa va bientôt boucler sa première année en tant que recteur de l’université Mouloud Mammeri de Tizi-Ouzou. Dans cet entretien, il fait le bilan de l’année précédente, parle de la préparation de la prochaine rentrée et évoque les problèmes de l’université.
La Dépêche de Kabylie : L’année universitaire est terminée. Comment l’évaluez-vous ?
Pr Tessa Ahmed : Nous avons fait une année stable. Nous n’avons pas enregistré des arrêts de cours très longs comme se fut le cas pendant les précédentes années. À titre d’exemple, les facultés de sciences et génie de constructions, connues pour leurs grèves logues et répétitives de pas moins d’un mois, cette année, ce n’était pas le cas heureusement. Cela dit, nous avons enregistré des perturbations au niveau des départements de pharmacie et médecine dentaire, mais c’était national. Les architectes, quant à eux, n’ont pas suivi la grève nationale. On a juste eu quelques arrêts de cours minimes. La norme du volume horaire, à savoir 14 séances, a été quasiment atteinte dans toutes les facultés. Tous les examens ont été faits dans beaucoup de facultés, reste pour d’autres le rattrapage qui se fera en septembre. On a une contrainte d’infrastructures qui fait qu’on soit obligés d’étaler les examens sur plusieurs semaines, comme c’est le cas pour les sciences économiques. Les deux facultés qui ont connu un léger retard sont les sciences économiques et sciences, dû à l’héritage de l’année passée. Le solde est pratiquement comme l’année dernière, à savoir une moyenne de 6 000 diplômés en septembre. On recevra en fonction des prévisions quelque 11 500.
La rentrée universitaire s’est faite dans des conditions très difficiles l’année dernière. Comment s’annonce la prochaine ?
Oui en effet, la rentrée dernière a été très difficile. Cette année, on espère réceptionner à temps les 2 500 places qui sont toujours en chantier.
Mais la réception était prévue pour juin dernier…
Cette année, le retard est dû à la crise financière. Le problème de payement. C’est-à-dire, l’Etat débloque peu à peu les crédits de payement, ce qui fait que les entreprises sont lentes dans la réalisation. Je dois souligner que le wali nous a beaucoup aidés pour accélérer le chantier de Tamda.
Vous allez les réceptionner quand alors ?
Je ne peux pas donner de date, mais j’espère que d’ici fin août et début septembre, ces places pédagogiques seront livrées. Sinon, comme l’année dernière, nous aurons une année difficile. Nous nous sommes préparés pour un effectif égal à celui de l’année passée. On risque d’avoir un retard dans le démarrage de l’année universitaire.
Ces 2 500 places, vous les avez prévues pour quelles spécialités ?
Déjà il faut savoir que tous les étudiants qui sont à Tamda resteront à Tamda jusqu’à la fin de leur cursus. Il faut signaler qu’enfin, on a eu l’agrément pour le département de géologie qui a fonctionné pendant des années sans qu’il y ait l’arrêté. Nous avons aussi proposé un institut technologique des sciences et sciences appliquées qui regroupe les filières technologiques. Nous avons proposé un institut silvo-agronomie. Institut des sciences financières et mathématiques appliquées. Tous les nouveaux bacheliers qui choisiront ces spécialités iront à Tamda. L’institut supérieur de langue amazighe restera à Hasnaoua tant que les enseignants et étudiants ne demandent pas, eux-mêmes, de se déplacer pour éviter tout conflit. On a aussi la ferme pilote avec un institut d’agronomie à Tamda, on a engagé une procédure judicaire pour régler le problème des oppositions.
Avez-vous les moyens pour réaliser tous ces projets, avec la crise financière ?
On va les réaliser. Pour chaque politique, il faut lui mettre des moyens d’action. On a une structure à Tamda qu’il faut occuper, il y a eu des propositions verbales. Quand j’ai pris le poste, j’étais dans une situation où il fallait que je régularise tout ça. Mais le hic, c’est qu’ils ont annoncé le gel de création des départements et instituts. J’ai posé le problème au niveau du ministère, on m’a alors informé que pour la création il n’y a aucun problème, mais on ne nous affectera pas de personnel.
Comment allez-vous faire alors pour le personnel ?
Cette année a été malheureuse au début, notamment avec les multiples départs en retraite. On a récupéré les postes en recrutant, lors de l’année 2016, une moyenne de 50 personnes. Pour 2017, 135 enseignants seront recrutés. Le concours aura lieu en mois de juillet, ce qui est en soi un avantage comparé aux années précédentes, lorsque le concours est programmé en octobre.
Une nouvelle faculté de médecine pour l’université ! Un projet désormais accordé…
Oui juste il faut préciser que l’ancien conseil d’administration a affecté ce projet à Tamda, parce qu’il se dit qu’il y aura un CHU. Nous, nous avons décidé de le maintenir à Hasnaoua, car il y sera à proximité du CHU. Quand il y aura un nouveau CHU, voire un nouveau découpage administratif, ça sera une autre paire de manches. La réalisation se fera par partie. Dès demain (ndlr, hier), on commencera l’étude.
Vous en êtes où avec la préparation de la prochaine rentrée universitaire ?
La prochaine rentrée universitaire est prévue pour le 17 septembre, pour les premières années. Concernant les facultés qui ont accusé du retard, elles vont probablement démarrer fin septembre. Pour les nouveaux bacheliers, on commencera d’abord par la campagne d’information. La campagne de sensibilisation se fera du 26 juillet au 1er août. Les préinscriptions sont prévues du 1er au 5 août et les inscriptions définitives entre le 10 et le 14 septembre.
Elle s’annonce comment alors la nouvelle année ?
Je reste optimiste. Il y a la transparence et la clarté, donc il n’y aura pas de problèmes.
Quels sont réellement les problèmes auxquels fait face l’université de Tizi-Ouzou ?
On a beaucoup de problèmes et ils sont objectifs. Le budget déjà. Quand on a des étudiants dont les sorties doivent être pises en charge mais ce n’est pas fait, ils font une grève. Quand on a des équipements qui doivent être mis à la disposition des étudiants, quand on a des documents à remettre aux étudiants et que ce n’est pas fait à temps. Quand l’étudiant passe toute une journée pour un recours. Les étudiants font des grèves pour ça. Donc, voilà l’administration est aussi responsable. On a le budget qui n’a pas évolué depuis 2012. Les revendications sont fondées mais dès qu’on voit une action, on parle de politique. On a fêté à l’université toutes les activités et on n’en a eu aucune dérive. Les étudiants sont conscients.
L’université de Tizi-Ouzou a beaucoup été perturbée par les changements de recteurs auparavant…
Oui la stabilité est la clé de tout. Me concernant, je suis là pour un mandat, je ne peux pas rester plus. J’espère avoir la chance de mener ma mission à bout et mettre en œuvre ma feuille de route et des mécanismes. Au sein de mon actuelle équipe, il y aura de la relève. Ils sont tous impliqués dans la gestion et associés à la décision.
Vous avez parlé d’une charte d’éthique. Vous en êtes où avec son établissement ?
On a fait plusieurs séances de travail. À présent, on est arrivés à la synthèse des propositions. L’année prochaine à la rentrée, le syndicat des enseignants ira vers eux pour défendre leur charte. L’administration va accompagner toutes les composantes. On ira vers des réunions, des assemblées générales pour expliquer le bien fondé de cette charte. On lance un débat, on est ouverts à la rectification, compléter et autres. Viendra la prochaine étape qui est le règlement intérieur pour toute l’université, toujours dans le respect des libertés et des règles.
Vos objectifs pour la prochaine année universitaire ?
Déjà démarrer l’année dans de bonnes conditions. En tout cas, ma méthode est connue : dialogue, concertation et transparence. Je serai sur le terrain comme se fut le cas pour l’année écoulée, pour veiller au bon fonctionnement des choses et pour régler les problèmes. C’est ce qui donne des résultats et tout le monde a compris. Continuer dans la dynamique créée.
Quelle place aujourd’hui pour l’université Mouloud Mammeri à l’échelle nationale et internationale ?
Je ne m’occupe pas trop du classement. L’année dernière, je pense qu’on était à la 5ème place. Pour cette année, je ne sais pas. Je fais un travail à long terme. Il faut qu’il y ait des assises. Il faut qu’on avance et dans deux ou trois années, on pourra reparler des résultats. Cette année, on a décroché 16 bourses.
Une année à la tête de l’université, comment l’évaluez-vous ?
J’ai trouvé beaucoup de conflits, j’ai hérité d’une situation difficile sur tous les plans. Les choses s’améliorent. Comme je l’ai déjà dit, c’est un travail à long terme, et on en reparlera dans quelques années. Ça sera fait dans la stabilité et la durée. À titre d’exemple, j’ai trouvé une dizaine de thèses bloquées ici à cause de conflits personnels.
Entretien réalisé par Kamela Haddoum.