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L’enfer des résidents

Lundi 31 juillet, 9h du matin. Le mercure affichait déjà 40°C à l’ombre. Quand nous arrivons devant les premières baraques de fortune, il n’y avait presque personne.

Quelques instants après, nous pénétrons en plein cœur de ce bidonville qui surplombe l’hôpital Krim Belkacem. Il est composé d’une vingtaine d’habitations précaires, recouvertes pour la plupart de bâches en plastique, de tôles en zinc sur lesquelles sont déposés comme contrepoids des pneus usagés, des blocs de pierres et divers objets. Certainement pour éviter que le vent ne les emporte en hiver. De prime à bord, on peut déjà imaginer la dure vie que mènent ces pauvres citoyens qui, au début des années 90, avaient fui leurs villages et tout abandonné à cause des terroristes. Ils ne trouvèrent comme solution que de s’installer dans ce site, notamment parce qu’il se trouve à quelques centaines de mètres de la caserne militaire. Ils ne s’attendaient certainement pas à ce que leur transit dure des années. Cela fait presque vingt ans qu’ils sont là. Nous aperçûmes un groupe de personnes qui discutaient entre eux. Nous les approchâmes.

Vivre sous la tôle à 50&deg,; c’est l’enfer

«Nous sommes les damnés de la terre. Nous ne fermons plus l’œil depuis que nous avons entendu que le marché de la ville a été ravagé par les flammes. Nous craignons qu’un feu prenne dans les alentours de nos gourbis», dira un premier interlocuteur. En effet, le site est cerné d’herbes folles. Et les pneus sur les ‘’toitures’’ ne sont pas pour rassurer. Si un feu se déclarait, chose que personne ne souhaite, ce serait une catastrophe. Et puis, il y a ces dizaines de câbles électriques qui s’enchevêtrent dans le ciel parce que tout le monde a recouru aux branchements anarchiques. Un autre habitant ajoutera : «On n’en peut plus. C’est la misère. On n’a rien. Certains d’entre nous n’ont même pas de réfrigérateurs. Et avec la température qui atteint ces jours-ci les 50&deg,; on suffoque, on brûle. La nuit, on est envahis par des nuées de moustiques et autres insectes. Il y a même des serpents qui pénètrent jusque dans les chambres. Nous n’avons jamais souffert de chaleur comme cette année et ce n’est que le début. Nous appréhendons également les orages qui éclateront inévitablement après ces fortes chaleurs, comme ce fut le cas les années précédentes, où les torrents de pluie nous ont carrément délogés». Au loin, nous voyons des enfants déguenillés, une image qui rappelle Les Misérables de Victor Hugo, plein de Gavroches et de Cosettes. Les habitations sont tellement chaudes comme des fournaises qu’ils préfèrent jouer dehors, sous un ciel de plomb. Ils s’amusent comme ils peuvent avec des jouets qu’ils ont confectionné eux-mêmes.

A quand le relogement de ces familles ?

Certes, ces familles ont été recensées. Les différentes enquêtes menées par les services sociaux de l’APC les ont classées comme résidents d’habitat précaire. Elles sont justement sur les listes des bénéficiaires de logements en cours de réalisation dans le cadre de la résorption de l’habitat précaire : des immeubles en voie d’achèvement juste à quelques centaines de mètres du bidonville. «Nous attendons toujours que ces logements soient achevés. Comme vous constatez, ils n’avancent pas. Depuis la dernière visite du wali dans notre région en novembre 2016, on dirait que rien n’a été fait. Des décisions ont même été prises pour qu’ils soient achevés avant cet été. Mais nous craignons de devoir passer ici encore plusieurs hivers et étés», regrettera une autre personne. En effet, les logements en construction avancent à pas de tortue et nous apprendrons que c’est parce que les entreprises réalisatrices n’ont pas été payées depuis belle lurette. D’autre part, les VRD n’ont même pas encore été lancés. On croit savoir que ceux-ci attendent leur financement. Sur les lieux, nous avons remarqué que certains immeubles sont carrément à l’arrêt. C’est dire que la délivrance de ces pauvres familles n’est pas pour demain. «Les journées sont longues, le temps s’étire et nous ne voyons pas le bout du tunnel», dira un autre membre du groupe. «Nous sommes en danger de mort. Nous appelons toutes les autorités y compris le Président de la République à jeter un regard vers nous. Quand occuperons-nous des logements comme les autres Algériens que nous voyons tous les jours à la télé quitter leurs bidonvilles pour vivre dignement dans des appartements neufs ?», s’exclame un autre résident des lieux. Le bidonville dit «De l’hôpital» attendra donc encore un peu avant d’être éradiqué. Quant aux responsables locaux, ils disent pourtant toute leur volonté d’en finir définitivement avec cette cité comme, d’ailleurs, les autres cités de recasement datant de l’ère coloniale. «Plus de quatre cents logements sont prévus pour toutes les familles vivant dans des baraques», a-t-on indiqué.

Amar Ouramdane

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