Sombres perspectives pour l’artisanat

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Depuis les temps les plus reculés, les paysans de Fenaia ont exploité et transformé les ressources naturelles de la localité, pour en faire un moyen économique de subsistance, mais aussi un produit culturel, caractérisé par une esthétique singulière.

Il en est ainsi de la poterie, autour duquel était articulé tout un pan de l’économie locale et qui traduisait le niveau technique, le savoir-faire et l’imaginaire de toute la communauté. Ce patrimoine économique ancestral est, aujourd’hui, en pleine déliquescence. Le métier d’artisan ne fait plus recette. «Les gens, surtout les jeunes, s’en détournent systématiquement. Ils préfèrent d’autres métiers, plus gratifiants financièrement et plus valorisants aux yeux de la société», relève, non sans regret, Md Akli qui compte parmi la poignée d’artisans-potiers de Fenaia qui s’échinent encore, contre vents et marées, à préserver et maintenir le métier en vie. Authentiques et innovants, ses produits portent admirablement la marque sigillée de la mémoire populaire. Et pourtant, ils trouvent difficilement preneur. «On ne peut plus vivre décemment, en vendant des objets d’artisanat, fussent-ils de qualité irréprochable. Pour s’en sortir, il faut nécessairement exercer une activité parallèle», soutient notre interlocuteur. Plus de 70 ans au compteur, mais toujours bon pied bon œil, un autre gardien de cet héritage mémoriel collectif atteste que c’est par pur amour du métier qu’il continue à user ses vieux jours de sa passion fétiche. «Le métier de potier n’est pas le plus court chemin vers la richesse, c’est plutôt une voie de garage qui n’a pas d’avenir. C’est pour cette raison que le flambeau n’est pas près d’être repris par les jeunes. Ces derniers n’ont d’yeux que pour le gain facile et le profit immédiat», regrette-t-il. Les errements et les excès de l’économie rentière ont, dans leur processus de sabordage de l’ancienne économie, bradé et phagocyté ce que le terroir a de plus authentique et de plus précieux : le produit de la culture et de la mémoire ancestrale. Fabriquées essentiellement à partir de la glaise, les belles poteries de Fenaia, rehaussées par les décors qui les tapissent, sont concurrencées, déloyalement s’entend, par des produits d’’importation. Ersatz d’artisanat d’origine douteuse et empruntant d’improbables circuits, avant d’atterrir sur le marché local. «Nous sommes envahis par ces produits industriels, de médiocre qualité, et qui plus est sont présentés comme des produits de l’artisanat», s’emporte un artisan potier. C’est, pour ainsi dire, la bataille du pot de…terre contre le pot de fer, qui plombe une activité, déjà lestée de pesanteurs diverses. Pour sauver l’activité artisanale de l’extinction, nos interlocuteurs plaident pour une dynamique d’intégration dans la sphère économique et une jonction avec les autres secteurs. «Les pouvoirs publics se doivent d’intervenir, pour protéger les artisans, valoriser le métier, prendre en charge le volet formation, organiser le circuit de commercialisation, instaurer des mesures d’incitation fiscale, encourager et accompagner l’investissement dans ce créneau», suggère un artisan.

Nacer Maouche

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