Tichy Haf, ou l’espoir sans cesse ajourné

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Le 22 décembre 1992, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté une résolution déclarant le 22 mars de chaque année “Journée mondiale de l’eau”, à compter de l’année 1993. Cette résolution invitait les Etats à consacrer ce jour à la concrétisation d’actions du genre sensibilisation du public par une information aussi large que possible, à travers la publication, la diffusion de documentaires, la tenue de conférences, de tables rondes, de séminaires… liées à la conservation et au développement des ressources en eau.La Journée mondiale de l’eau 2006 sera consacrée au thème “L’eau et la culture”, sous l’égide de l’UNESCO, la communauté internationale est invitée, à l’occasion, à se pencher sur la réalisation d’actions concrètes, en associant enseignants et élèves.Le secteur de l’hydraulique de la wilaya de Béjaïa dispose de ressources hydriques prouvées de près de 426 hm3 dont 106 hm3 en eaux souterraines et 320 hm3 en eaux superficielles. Près de 212 hm3 sont effectivement mobilisés et relèvent surtout des eaux du barrage de Kherrata (110 hm3 et les eaux souterraines (102 hm3). Pour son stockage, il existe 831 réservoirs pour une capacité de 152 525 m3, 42 retenues collinaires qui, bon an mal an, engrangent 1 865 000 m3, 800 sources sont par ailleurs captées pour un débit journalier de 76 194 m3.La wilaya reçoit une dotation moyenne, en période normale de 50 à 130 l/j et le taux de raccordement du réseau, avoisine les 90%. Le réseau est long de 3 176 km et les zones isolées, pas encore raccordées, sont desservies par des puits et des sources.En matière de pluviométrie, la moyenne que reçoit la région pour fluctuante qu’elle est, ne s’en situe pas moins aux alentours de 900 mm/an, ce qui est appréciable pour une moyenne nationale bien plus faible. Pour compléter le tableau, l’hydrographie de la région fait ressortir les oueds d’importance inégale : l’oued Soummam, long de 90 km, l’oued Agrioun 80 km, l’oued Djemaâ 46 km et l’oued Zitoun 30 km, tous pollués au demeurant.La production et la distribution d’eau potable relèvent de l’Edemia/WB, implantée dans 6 centres et 10 villes et des régies communales. Toutes ces structures doivent être reversées, dans un avenir proche, à l’Algérienne des eaux (ADE).Mal desservie ou plutôt pas assez, eu égard à ses potentialités, la wilaya de Béjaïa dort sur des réserves aquifères fabuleuses, mises en évidence par des photos satellites prises par les Américains. Béjaïa-ville qui reçoit dans le meilleur des cas, de l’eau potable deux fois par jour et pour quelques heures seulement, dispose d’un réseau AEP obsolète, datant tout du moins, pour l’ancienne ville, de l’ère coloniale. Ce qui fait dire à certains citoyens, pinces sans rire, en guise de boutade que “ce qui se déverse sur la chaussée est plus important que la flotte qui coule des robinets”. Ils ne croient pas si bien dire ! Il arrive même à Béjaïa de recevoir une eau à l’odeur putride ou nauséabonde résultant d’un mélange, pourtant improbable, d’eau potable et d’eaux usées. Quant à sa composante, hautement calcaire, elle relève déjà de l’anecdote ! L’Edemia fait certes ce qu’elle peut, avec des moyens souvent dépassés, mais les ratios internationaux sont loin d’être ce qu’ils devraient être.La situation des oueds plus que préoccupante, pour cause de pollution ajoutée à l’envasement du seul barrage en fonction, dans la région, celui de Kherrata, font que la situation n’est pas aussi reluisante que ne tentent de le faire accroire, certains responsables en charge du secteur. Des déficits sont enregistrés à Darguina, Aït Smaïl, Taskriout, Tizi N’berber, Feraoun, Chellata, Béni Melikèche, Tamokra et Draâ El Caïd.Il serait autant incongrue que maladroit à la seule évocation de l’eau, de faire l’impasse sur le projet, le méga-projet pharaonique par le temps mis à ne pas l’achever, le barrage de Tichy Haf ! Lancé il y a 20 ans, ce gigantesque ouvrage d’art est présenté comme la solution miracle à tous les problèmes d’alimentation en eau potable, puisque destiné à pourvoir aux besoins des populations du couloir Akbou-Béjaïa, sur 22 communes au total, d’une longueur de 71 km, son débit serait de 3,99 m3/s. Ce volet AEP mis à part, une partie des eaux du barrage serait transférée sur Bouira pour l’irrigation, conférant ainsi à l’ouvrage une dimension inter-régionale. Au bout du compte, après avoir usé plusieurs sociétés et moult responsables, Tichy Haf continue à alimenter le cauchemar de populations, en proie à une méfiance, somme toute légitime, à l’endroit des promesses et des projets, dont le moins que l’on puisse dire, est qu’ils disposent de délais extensibles à l’infini.Quant au barrage d’Oued Dass, sur la côte Ouest, bien qu’il ait été déclaré d’utilité publique, il n’est pas prêt de voir un début d’entame des travaux.La direction de l’hydraulique approchée et soumise à la question sur notre arlésienne, Tichy Haf, se déclare optimiste, mais d’un optimisme mesuré. “Chat échaudé craint l’eau froide”, affirme l’apophtegue ! La partie adduction à partir de l’ouvrage devrait, contractuellement parlant, démarrer fin octobre 2006 et les délais de livraison ne seraient pas loin de 2 ans. Les travaux sont confiés à une société italienne qui s’est adjoint les services d’un partenaire national, l’ETHB Haddad de Tizi Ouzou et sont placés sous la responsabilité directe de l’ANB, avec toutefois un droit de regard concédé à la direction de l’hydraulique. Voilà de quoi réjouir des populations qui, à force d’attendre, sont devenues des adeptes de St-Thomas, ne croyant que ce qu’ils voient. Les retombées attendues par la mise en fonction de Tichy Haf, sont difficilement quantifiables. Une certitude cependant : le spectre de la soif, à défaut d’être éradiqué, sera atténué.L’eau, enjeu des conflits futurs, se raréfie. De plus, elle est inéquitablement répartie. La sécheresse durable de certaines contrées de notre continent contraste fortement avec les inondations itératives de l’Europe. L’eau, source de vie, doit impérativement être utilisée de manière rationnelle car son gaspillage relève d’un crime contre l’humanité. Faisons de telle sorte qu’on ne puisse pas léguer à notre descendance un monde désertique, sans eau. Il y va de la survie de l’espèce !

Mustapha Ramdani

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