«Dans 3 ans, Il n’y aura plus d’argent pour importer»

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«Il faut être conscient qu'il y a le feu à la maison. Hormis la balance commerciale énergétique qui est à l'avantage de l'Algérie, toutes les autres balances sont déficitaires».

C’est en ces termes que le ministre du commerce, M. Benmeradi Mohamed, a tiré la sonnette d’alarme sur la situation économique du pays. Pour mieux illustrer ses propos, il précisera dans un entretien accordé à l’APS, que «95 chapitres du tarif douanier sur 99 existants sont déficitaires, et ce avec tous les pays du monde, y compris le monde arabe», dira-t-il. Le ministre va encore plus loin, avertissant que «si le gouvernement reste passif par apport à cette situation, dans deux ou trois ans nous n’aurons plus les ressources financières pour importer quoi que ce soit y compris les céréales. Nous avons perdu en trois ans 50% de nos réserves de change, soit 44 milliards dollars». Le gouvernement, dans sa tentative de redresser la barre, a pris plusieurs mesures dont celle de la suppression de 851 produits à l’importation. Il précisera toutefois que la mesure est temporaire et sera levée dans 2 à 3 ans. «La mesure de suspension de l’importation de ces produits permettra de libérer les capacités nationales de production», dira-t-il, «sachant que la majorité des usines algériennes ne tournent qu’à seulement 20% ou 30% de leurs capacités réelles…», a-t-il précisé. Avec cette démarche, le gouvernement espère, selon le responsable, gagner 1,5 milliard dollars sur une année. Il précisera que parmi ces produits, 451 sont agricoles et agroalimentaires, 400 sont industriels dont l’importation a couté 1 milliard de dollars en 2016. Selon lui, d’autres mesures visant à rééquilibrer les deux balances seront prises prochainement. M. Benmeradi fait le diagnostic du problème de l’économie algérienne. «Il réside dans le fait que des opérateurs, par méconnaissance de ce qui est produit dans le pays ou pour des objectifs inavoués, préfèrent importer les intrants alors qu’un certain nombre est produit localement», dira-t-il. Et d’ajouter : «Ceux qui sont en train de contester cette mesure sont ceux qui activent dans des filières que nous avons totalement protégées, puisque nous avons interdit l’importation du produit fini. Donc déjà nous leur avons offert un marché sur un plateau». Dans sa politique, le gouvernement vise à encourager la production locale, mais pour cela, selon le ministre, «les entreprises locales apprennent à ce qu’une bonne partie des intrants soit produite localement. C’est ce que nous voulons. En créant ce choc (à travers la suspension d’importations), nous allons encourager les entreprises algériennes à développer leur production et à utiliser les intrants produits localement». Le ministre fera savoir à propos que son département «prépare un rapport pour le gouvernement sur la situation du commerce extérieur de 2017 dans lequel nous allons expliquer pourquoi un déficit de plus de 11 milliards de dollars a été enregistré et pourquoi les importations n’ont pas baissé suffisamment. Et puis surtout nous allons faire, pour la première fois, une évaluation de long terme à partir de l’année 2000 et étudier ce qui s’est passé dans l’économie nationale. Nous allons étudier les raisons qui ont fait que la part de l’économie nationale dans la couverture de la demande nationale n’a fait que baisser». Le constat alarmant concerne l’industrie. Le ministre observera : «On va droit dans le mur, quand le pays exporte 4 produits industriels et en importe 100». Concernant la cause de ce déséquilibre flagrant et les difficultés d’endiguer les importations en dépit des différentes mesures prises durant ces toutes dernières années, M. Benmeradi explique qu’elles sont nombreuses, citant en premier lieu «le système de subventions indirectes et involontaires des importations». En deuxième lieu, il relève le problème de «la persistance des importations à un niveau élevé et l’incapacité du secteur industriel privé de réaliser la diversification et de contribuer, significativement, à la couverture de la demande nationale». La production industrielle du pays demeure «faible et basique», selon le premier responsable du secteur du commerce. Chargeant le privé, le ministre jugera : «Nous avons pensé, pendant très longtemps, que le secteur privé allait faire dans la diversification, mais le gros de ses investissements a été réalisé dans les services et le bâtiment, mais très peu dans l’industrie».

Kamela Haddoum.

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