Malika Matoub était, hier, l’invitée de l’association «Tighilt nagh», du village Tighilt Mahmoud, dans la commune de Souk El Tenine, pour animer une conférence thématique sur «L’œuvre de Lounès au service de l’identité». En réponse à une question relative à l’avancement de l’enquête sur l’assassinat du rebelle, Malika dira sans hésiter : «Le procès de 2011 était une mascarade. Les deux assassins présentés n’ont rien à voir avec l’assassinat de Lounès. Pour tirer une affaire pareille au clair, on devait d’abord faire une véritable enquête et surtout une étude balistique, chose qui n’a pas été faite. Notre famille et la fondation ne cessent de demander une étude balistique et une véritable enquête, mais nous sommes isolés, personne n’est à nos cotés, ni les hommes politiques, ni les notables, ni les associations ni aucune ligue des droits de l’homme. Du coup, je considère l’affaire de l’assassinat de mon frère non-aboutie. Nous devons tous exiger une véritable enquête et une étude balistique pour élucider cet assassinat. A présent, l’affaire est toujours en suspens». Avant l’intervention de Malika Matoub, la chorale du village a gratifié l’assistance d’une belle reprise de la célèbre chanson de Farid Ali «Ayemma sbar ur ttru». Le poète du village, Bouam Mohamed, a ensuite ému le public en lisant un de ses poèmes dédiés à l’amazighité. Une minute de silence fut observée à la mémoire de Lounès Matoub, d’Ouahab Rachid (une des victimes du printemps noir) et de l’ensemble des martyrs de la démocratie. Malika Matoub, invitée à tenir sa conférence, reviendra sur l’œuvre du rebelle jusqu’à son assassinat, soulignant l’omniprésence de la revendication Amazigh dans toutes ses œuvres. Malika passera en revue le parcours de son frère de 1978 à 1998, en passant par le printemps de 80, octobre 88 et l’ouverture politique, en 91 avec la montée de l’islamisme, de l’intégrisme et la généralisation de la peur, la grève du cartable en 94 et en 96 lorsque le terrorisme commença à faiblir grâce notamment la mobilisation de la Kabylie contre ce fléau qui a menacé l’existence du pays. «Comme durant la guerre d’Algérie, la Kabylie s’est sacrifiée, mais comme à l’indépendance, elle a subi le même sort une fois le terrorisme vaincu. Nous n’avons rien eu en contrepartie. Notre identité a été occultée et ignorée, beaucoup de mères ont souffert, comme disait Lounès», dira-t-elle. Elle ajoutera : «Durant toutes ces périodes, le rebelle a donné une place de choix à la reconnaissance identitaire dans toutes ses chansons. Son rêve c’était de voir enfin Tamazight devenir langue nationale et officielle». La conférencière rappellera un de ses vieux souvenir : «Le chemin de Lounès était truffé de danger, mes parents lui demandaient d’éviter ce sujet, mais il répondait : Je suis conscient du danger mais si je ne le fais pas, qui va le faire ?». La conférencière poursuivra : «Lounès était unique en son genre, il a porté tout haut la revendication amazighe et a fait de l’officialisation de Tamazight le cheval de bataille de tous les Amazighs. Maintenant que le déni identitaire a été rectifié, il convient de mettre les moyens nécessaires pour la promotion de cette langue plusieurs fois millénaire. Ce ne sont pas quelques paroles sortie d’une bouche mal intentionnée et qui ignore jusqu’à l’histoire de la terre qui la porte et qui la nourrit, qui va empêcher Tamazight d’avancer».
Hocine Taib
