De nouveau le désespoir

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Le dénuement, les affres du terrorisme, l’austérité de sa nature, et l’indifférence générale qui l’accablent ont fini par avoir raison de sa population, habitée, désormais, par une seule idée quasi unanime : se faire la malle vers des cieux plus cléments. «Nous voulons quitter la région pour ne plus y revenir», réclamait, hier samedi, sur les ondes de la Radio Soummam, un citoyen du village, se plaignant de l’attitude de la plupart des secours, qui selon sa version des choses, ont déjà mis les voiles. Succombant au sentiment d’abandon, il n’a eu paradoxalement ni aigreur, ni hostilité, se limitant à livrer, au demeurant avec un terrible détachement, le besoin de tous de se mouvoir ailleurs et de dire, comme on lève un drapeau de résignation, ne plus en pouvoir. Le séisme, après coup, prend l’allure du «malheur de plus», celui, qui non seulement a ébranlé la terre mais aussi la conviction qu’un jour «les choses pourront s’améliorer», commentera, Said Mahious, membre d’une association locale. Enserré au pied des contreforts montagneux des Babors, à 60 km à l’est de Béjaïa, la présence du hameau en cette latitude est déjà iconoclaste, presque un détail au menu d’une nature, dont tous les éléments sont à la fois rudes, froids et en permanence agressifs. En dépit d’une végétation luxuriante et des sources d’eau abondantes, les paysages sont austères, accablés par l’élévation vertigineuse des montagnes qui semblent défier le ciel et leurs couleurs bioxydes, ocres et argileuses. Un no man’s land, fait de collines infinies, de sentiers inachevés et de terres incultes. Seuls signes de vie, des jardins potagers essaimés et d’impavides troupeaux de chèvres gambadant sur la route déserte.«La plupart des familles qui en ont eu la possibilité ont fui les lieux depuis longtemps», fera remarquer quelques semaines avant le séisme, le secrétaire général de la commune, M. Benlounis, qui récite telle une litanie, toutes les difficultés des habitants de la région. Logement, assainissement, routes, transport, etc. Autant de besoins criards dont la carence entretient chaque jour qui passe le sentiment d’avoir échoué dans la mauvaise galère et par conséquent l’envie de fuir.En ces lieux, en effet, c’est toute la commune de Tamridjt avec ses quatre villages qui semble exténuée. Il n’est point besoin au demeurant de plonger dans les mystères de l’arithmétique économique et encore moins de quêter sur les occupations juvéniles ou leurs loisirs. «C’est une forfanterie, la nature d’elle-même en apporte les réponses», dira M. Mahious.Mais ce n’est pas tout. La région a vécu dans sa chair les affres du terrorisme. Et ce n’est que maintenant, avec le retour de la sécurité, que les langues commencent à se délier. «Beaucoup de drames sont encore tus», s’accorde-t-on à dire, même si certains événements polarisent la mémoire collective. Les femmes assassinées dans les champs, les attaques et la destruction des antennes communales et postales, le saccage des écoles, les vols, les rackets…. en sont de cela, alimentant chaque jour les chroniques et les mémoires des foyers. «On n’arrive pas à oublier», dira M. Draoui, un ancien Patriote affirmant que le souvenir est alimenté par le mal-vive et sa dureté.Le séisme a manifestement replogé le village dans le désespoir. Seul parade pour en sortir : un plan de secours d’urgence.

F. Souhil

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