Fête païenne par excellence, Amenzu n’tefsut (la fête du printemps) tire ses origines des tréfonds de l’Histoire. Elle cristallise toute l’authenticité des pratiques anciennes et des valeurs qui fondent l’identité multiséculaire du peuple amazigh. La célébration de cette fête, qui a transcendé les siècles, dénote de l’intérêt que l’on porte encore à la périodicité de saisons et à la saisonnalité des produits du terroir. La nature, dans toute sa diversité, est, pour ainsi dire, élevée au rang de sacralité. Pour les gens de la terre que sont nos ancêtres, on ne peut concevoir l’existence en dehors de cet écrin de Dame nature, avec lequel on vit en bonne intelligence et en totale harmonie. Le choix de cette période du calendrier agraire amazigh, pour célébrer le retour du printemps, n’est pas fortuit. Le 28 février (furar) marque le point de rupture, la ligne de démarcation entre la fin de l’hiver et l’avènement du printemps. Il signe la reprise de la vie après une longue période d’hibernation et de repos végétatif. Tel un malade qui se relève de son grabat, la nature reprend ses droit, toute de poésie vêtue. Partout, elle étale sa robe diaprée et sa floraison chamarrée, aux effluves odorants. Fête d’agapes et de réjouissances dans la convivialité et la bonne humeur, Amenzu n’tefsut revêt, dans la mémoire populaire, une charge symbolique, toujours aussi prégnante. Si le festin est généralement organisé autour d’un couscous aux légumes agrémenté d’œufs durs, le thapsia (aderyis) en est la vedette incontestable et incontestée. Vivace par son système radiculaire profondément incrusté dans le sol, le thapsia colonise à profusion prairies, étendues champêtres et bosquets. Il végète aussi dans les vallons, sur les talus et jusqu’aux abords des routes de campagne. Le thapsia a la réputation d’être une plante médicinale aux multiples vertus. Les vapeurs issues de la cuisson des racines ont une action apaisante sur les affections des voies respiratoires supérieures. La médecine traditionnelle lui reconnaît des propriétés antalgiques et sédatives dans les pathologies rhumatismales. Dans la pharmacopée locale, la plante est utilisée comme tonifiant et purgatif. Les Grecques s’en servaient comme antidote contre le venin de serpents !
N Maouche

