Aujourd’hui, la région de M’Chedallah compte deux clubs: l’ULM (Union des lutteurs de M’Chedallah), ex-JSM, et l’IRB Chorfa, deux véritables machines à fabriquer des championnes. Dans cet entretien, Moufida Boukrif a bien voulu revenir sur ses débuts dans cette discipline qui l’a conduite à devenir la sélectionneuse de l’EN féminine de lutte.
La Dépêche de Kabylie : Qui est Moufida Boukrif et comment s’est-elle retrouvée lutteuse ?
Moufida Boukrif : Tout a commencé dans les années 1990, exactement en 1996. J’ai débuté, en catégorie minimes, dans un club composé, en majorité, de membres de ma famille, les Boukrif. Il y avait mon frère, mes deux cousins, ma sœur, deux voisines… Le club comptait un total de neuf filles, que des Boukrif ! La lutte est une longue histoire de famille qui dure depuis plus de vingt ans, un sport familial par excellence. Ma première participation à une compétition officielle à l’échelle nationale fut en 1997. Avec les autres filles du club JS M’Chedallah, nous avons réalisé un parcours des plus remarquables : un sans-faute. S’agissant de mes débuts en sélection nationale, ils remontent à 2000 (catégorie junior). J’ai pris part au championnat d’Afrique juniors qui s’est déroulée à Alger où j’ai terminé vice-championne d’Afrique. Une année plus tard, j’ai rejoint les seniors, avec lesquels j’ai participé au championnat d’Afrique qui s’est déroulé en Égypte. Là j’ai terminé à la cinquième place. Même classement lors des jeux africains d’Alger en 2007. Puis, j’ai fait une halte après avoir raté mon Bac et rejoint, par la suite, l’Institut des sports d’Aïn Benian pour suivre une formation de deux années. En 2009, exactement au mois de décembre, on me convoque pour prendre en charge la sélection nationale «jeunes».
La lutte est un sport à succès dans la région de M’Chedallah. N’avez-vous pas essayé de toucher d’autres communes de la wilaya ?
Ce n’est pas évident à cause du manque de moyens, notamment, le tatami spécial lutte qui n’est, en aucun cas, celui du judo ou d’autres sports de contact et de combat. Pour cette discipline, il faut des tapis spéciaux pour pouvoir ouvrir d’autres sections. On ne peut encourager la création d’autres sections, sachant bien qu’elles buteront sur le problème du tatami.
Durant toute votre carrière de lutteuse, avez-vous déjà songé à décrocher ?
Oui, il y avait énormément de problèmes durant mon parcours qui m’ont poussée, à un certain moment, d’arrêter de pratiquer la lutte pendant des mois à cause de problèmes personnels. Après un bon moment, j’ai dû reprendre du service après que le président de la FALA (Fédération algérienne de luttes associées), M.Chebbah, m’a convoquée pour un stage de sélection nationale.
Peut-on connaître le palmarès de la sélection nationale depuis que vous-êtes à sa tête?
Ma première participation en compétition continentale fut en 2014, avec quatre cadettes. On est revenues avec deux médailles d’or et une de bronze. Une des médaillées d’or, en l’occurrence Kaddour Khadidja, s’était même qualifiée aux jeux olympiques de la jeunesse en Chine. Une chose est sûre, c’est que lors de chaque participation en championnat d’Afrique on n’est jamais revenues bredouilles. On décroche à chaque fois, tout au moins, une médaille d’or.
Parlez-nous maintenant de la dernière participation de la sélection nationale en championnat d’Afrique ?
On vient justement de rentrer du Nigeria où l’on a pris part au championnat d’Afrique qui s’est étalé du 7 au 11 février 2018. Une compétition lors de laquelle la sélection nationale (filles et garçons, toutes catégories confondues) a raflé la mise avec au total 37 médailles (17 en or, 10 en argent et 11 en bronze). Il faut savoir que le niveau était très élevé. On a participé avec 12 filles, dont deux de Bouira : Khellal Lina (junior, 57 Kg), du club IRB Chorfa, qui a décroché la médaille d’or, et Boukrif Houria de l’UL M’Chedallah qui a termine à la sixième place. La compétition était serrée avec les lutteuses nigérianes et surtout égyptienne. Cela n’a pas empêché Khellal Lina de réaliser un excellent parcours en gérant combat par combat. Ce fut vraiment incroyable, elle a su gérer son énergie et sa force physique pour éviter la fatigue et les blessures, c’est digne d’une grande championne.
Cela fait plus de deux décennies que vous êtes sportive d’élite, puis sélectionneuse nationale. Qu’est-ce que cela vous a apporté ?
Beaucoup de choses. Ce sport m’a permis de nouer des relations, basées sur le respect mutuel, avec d’autres acteurs du milieu sportif, que ce soit au niveau national ou international, notamment, les entraîneurs qu’on rencontre lors des compétitions.
Pas de regret ?
Pas du tout, au contraire, la lutte m’a permis de m’épanouir davantage.
Un message aux femmes concernant la pratique sportive ?
Les femmes doivent suivre leur instinct, savoir ce qu’elles veulent et faire tout pour atteindre leurs objectifs. Mais pour cela, il faut de la confiance en soi et le soutien de l’entourage. Avec le soutien de la famille et l’assurance, les femmes réussiront, sans aucun doute, ce qu’elles entreprendront. Je les encourage surtout à pratiquer une activité sportive, c’est important pour la santé en premier lieu. J’en profite pour exhorter les pouvoirs publics à les accompagner en leur facilitant l’accès aux infrastructures sportives.
Entretien réalisé par M’hena A.