Les jeunes de plus en plus touchés à Bouira

Partager

La wilaya de Bouira, comme d’autres wilayas du pays, enregistre chaque année de nouveaux cas de cancers avec, toutefois, une prédominance remarquée pour le cancer du sein qui devance de loin les autres formes de cette maladie.

C’est ce que révèle le docteur Hani Boualem, médecin spécialiste en épidémiologie et chef de service de la prévention à la DSP de Bouira. «En plus de l’avancée fulgurante du cancer du sein chez la femme, on remarque que les personnes atteintes sont de plus en plus jeunes comparativement aux autres pays, à l’instar de la France ou de l’Europe. C’est un phénomène qui, chez nous, se déclare auprès des femmes âgées entre 30 et 40 ans, alors qu’ailleurs, le cancer est pris en charge à partir de 55 à 65 ans, soit un décalage incompréhensible de 10 ans. La précocité du cancer du sein en Algérie ne s’explique pas pour le moment», révèle le docteur Hani. Pour ce spécialiste, le programme national de lutte contre le cancer entamé en 2015 et qui s’étale jusqu’en 2020 permet de prendre en charge les cancéreux, mais un dépistage précoce demeure en l’état des choses une priorité : «Dans le cadre du programme national de lutte contre le cancer, l’Algérie s’est dotée d’unités d’oncologie à travers les 48 wilayas, de cellules d’accueil et d’orientation des cancéreux, des laboratoires d’ANAPATH au niveau de chaque wilaya pour leurs prises en charge. Des services qui constituent un lourd fardeau pour les caisses de l’État», souligne le docteur Hani. Ce responsable auprès de la DSP de Bouira souligne qu’une fois le cancer détecté, la femme risque l’ablation du sein, des séances pénibles de chimiothérapie, des actes chirurgicaux, des séances de radiothérapie, sans parler du traitement pour l’hormonothérapie.

«Le dépistage doit se faire de manière précoce»

«Au niveau de la DSP, nous insistons sur la prévention qui est un acte facile, peu couteux et directement lié au dépistage précoce du sein à partir de la trentaine. La population ciblée est composée de femmes ayant des antécédents familiaux, celles dont la maman ou les tantes auraient été touchées par le cancer du sein, de l’ovaire ou de l’intestin. Ces personnes doivent se faire dépister soit par l’autopalpation, soit par une surveillance avec une mammographie. C’est un geste qui n’est pas onéreux, qui est simple et accessible à tout le monde. En plus, avec l’augmentation de la couverture médicale dont nous disposons au niveau de la wilaya de Bouira, consulter est une pratique routinière. Il faut savoir qu’il n’y a pas un hameau où il n’y a pas une unité de soins. Un autre facteur important est la prédominance de médecins femmes par rapport aux hommes dans ces unités. Donc, une consultation périodique auprès de ces femmes médecins est chose aisée. Il n’y a, de ce fait, aucune appréhension de la part des patientes voulant être auscultées et elles pourront même apprendre à pratiquer l’autopalpation.

873 cas de cancers enregistrés en 2015

Toute modification constatée comme l’apparition d’un nodule, rétraction du mamelon sont des signes qui doivent alerter la patiente et faire un dépistage pour éviter l’évolution vers la métastase en évitant les aléas de la chirurgie et de la radiothérapie», indique le docteur Hani Boualem. Actuellement, la DSP est en train de valider les données de 2016 avec les systèmes de collecte et de codage, et selon notre interlocuteur, le dépistage demeure la priorité de l’heure. Ainsi, en matière de statistiques au niveau de la wilaya de Bouira, il a été recensé pour l’exercice 2015, une incidence des cancers de 113 nouveaux cas pour 100 000 habitants. Il s’agit là de données validées, assure-t-on. Au cours de cette même année, 873 cas de cancers ont été enregistrés. De ces données, il ressort que la femme est la plus affectée par le cancer du sein en première position, ensuite le cancer colorectal qui touche la gent masculine et en troisième position le cancer de la tyroïde. «Pour l’homme par contre, alors que l’on s’attendait à une élévation du taux de cancer bronchique ou pulmonaire avec le tabac, c’est le cancer colorectal qui dépasse de loin les autres et il est en train de faire des ravages. Nous sommes, donc, obligés de changer nos habitudes alimentaires. D’ailleurs, nous allons axer sur les EPSP pour effectuer les prochaines campagnes de dépistages précoces en prévention primaire. Nous avons tiré la sonnette d’alarme à plusieurs reprises, par le coordinateur national qui est le professeur Zitouni et par l’ensemble des coordinateurs des registres du cancer. Je peux vous affirmer que le cancer du sein est une épidémie. Nous avons tendance à parler d’épidémie dans d’autres maladies transmissibles, à savoir les fièvres typhoïdes ou autres mais aujourd’hui, l’Algérie a fait un grand saut en matière de maîtrise de ces maladies. Toutefois, il demeure ces maladies de la civilisation des pays développés à savoir le cancer, les maladies chroniques comme le diabète et l’hypertension et surtout le cancer du sein. Pour le curatif, il est vrai que les malades sont pris en charge par l’État mais nous ne souhaitons pas arriver à ce stade car c’est couteux et onéreux, pénible pour le malade et ses proches sur le plan psychologique. C’est pour cela que nous aimerions que le dépistage précoce se fasse régulièrement. Vous savez, les résultats d’une campagne se récoltent généralement 7 à 10 ans après», détaille le docteur Hani.

«Des analyses périodiques pour une meilleure prévention»

Pour les responsables de la DSP de Bouira, afin d’épargner la génération montante d’un éventuel cancer, il faut agir dès maintenant : «À travers le territoire de la wilaya, nous avons une excellente couverture en matière médicale, avec l’implantation des unités de soins. Il faut absolument que les femmes profitent de ces structures afin d’apprendre les gestes de l’autopalpation ou se faire faire une palpation, afin de détecter un éventuel cancer du sein. La mammographie révélera après les suites à réserver au traitement. Le cancer colorectal est une autre maladie très simple à détecter. Il suffit de voir s’il existe l’apparition de sang dans les selles. Si c’est le cas, il faut immédiatement penser au cancer colorectal. Le test à faire ne revient même pas à 10 dinars à la collectivité locale et il suffit d’un prélèvement des selles et de voir macroscopiquement les résultats avant de faire des examens supplémentaires. Vous savez, il y a une moyenne de 10 ans, de la première cellule jusqu’à son développement, pour qu’une tumeur évolue en avant de devenir métastase. Il y a des choses simples, accessibles et à la portée de tout le monde pour veiller sur sa santé. Un bilan systématique annuel est préconisé, surtout s’il y a des antécédents familiaux chez les cancéreux. Ces analyses ne reviennent pas chères du tout même auprès des laboratoires privés et de la sorte on peut s’épargner beaucoup de souffrances», conclut le docteur Hani.

Hafidh Bessaoudi

Partager