La saison oléicole s’est prolongée cette année dans certaines régions de la wilaya de Tizi-Ouzou jusqu’à fin mars, voire début avril pour certains.
Ce qui est synonyme d’une bonne saison et d’une production importante d’huile d’olive. Toutefois, les propriétaires des huileries crient leur désarroi car leur produit ne se vend pas suffisamment. Leur stock se compte par milliers de litres. Les acheteurs privés ne font que des achats par petites quantités. Le pouvoir d’achet des ménages a tellement diminué et le prix d’huile, assez élevé, ont fait que les ventes ne soient pas importantes. Les stocks d’huile constitués par les oléifacteurs risquent ainsi de perdre beaucoup car la qualité d’huile se dégrade et devient avec le temps acide et donc impropre à la consommation. L’absence des services agricoles qui pourraient acheter toutes les quantités par la mise en place d’un système de collecte, comme cela se fait pour le lait cru, les dattes, l’orge et le blé, complique la tâche des producteurs et des transformateurs. À la longue, c’est toute la filière qui risque de prendre un mauvais coup. Les propriétaires d’huileries risquent, en cas de non rentabilité, mettre la clé sous le paillasson et même les paysans qui ne vivent que de la récolte auront du mal à joindre les deux bouts. Ce qui pourrait provoquer un séisme économique au niveau de la wilaya de Tizi-Ouzou car celle-ci est connue pour être leader de cette filière à l’échelle nationale. En l’absence d’un projet de l’Etat pour la labellisation du produit, sa commercialisation et son exportation, la filière oléicole risque fort de diminuer, ainsi, son apport à l’économie régionale et nationale se fera plus ressentir. Le temps du pétrole est, dit-on, révolu. Il faut chercher d’autres ressources mais on tarde à passer à l’application au risque de mettre fin à un patrimoine et à une richesse qui nous vient des temps anciens. Les feux de forêt, l’indisponibilité d’espaces commerciaux pourraient, si rien n’est fait rapidement, provoquer la chute de la filière. Certains propriétaires d’huileries reconnaissent à l’unanimité que rien n’est fait pour encourager la production oléicole.
La récolte a été bonne mais…
Un propriétaire d’une huilerie moderne de la commune de Mechtras, donnera ses impressions quant à la saison oléicole notamment la production, la commercialisation et les perspectives de la filière. «Nous avons entamé la saison à partir du 2 décembre 2017. Notre huilerie travaille en h24 avec une équipe de neuf ouvriers. Nous arrivons à broyer 150 quintal/jour. La production d’huile par quintal d’olives tourne en moyenne à 23 litre. Ce qui nous fait une production journalière de 3500 litre par jour. Nous prélevons le dixième, soit 350 litre/jour car les paysans paient en huile, rare sont ceux qui règlent en argent. Notre stock est d’une grande quantité. Les ventes se font timidement et par petite quantité. Les consommateurs n’achètent que 5, voire 10 litres d’huile, le prix est de 650 DA et bien-sûr les consommateurs, à cause de la chute de leur pouvoir d’achat, ne peuvent plus acheter par grandes quantités. Du coup, on se retrouve avec des stocks énormes. Ajouter à cela, si ces stocks ne sont pas écoulés avant la prochaine saison, c’est notre faillite qui serait inévitable. En plus, nous sommes concurrencés par l’huile de Tunisie, d’Italie et de Grèce», fait-il savoir. Et d’enchainer : «Les services agricoles sont appelés à mettre un mécanisme de collecte pour nous protéger de la faillite et pour aussi maintenir cette activité. L’Etat pourrait bien acheter toute la production et la revendre. Nous autres producteurs n’avons pas les moyens de la stocker ni de la vendre rapidement (…) Nous avons acquis cette huilerie dans le cadre de l’ANDI (agence nationale du développement industriel), nous avons un prêt à rembourser et à présent on y arrive pas car notre produit n’est pas vendu». Un autre propriétaire d’une huilerie moderne, du côté des Ouadhias, relèvera les mêmes difficultés. «La récolte et la production ont été bonnes mais la commercialisation ne suit pas. Les ventes restent faibles, une grande partie de notre production est en stock. L’Etat doit mettre les mécanismes pour récupérer toute cette production. Si on met la clé sous le paillasson, la filière va régresser. Espérons que ce ne soit pas le but recherché», dira-t-il. À Mâatkas, une commune oléicole par excellence, c’est le même son de cloche. «Le marché de l’huile d’olive est en perte de vitesse. La production de la saison est dans les réservoirs. Les acheteurs se font rares. Il faut absolument que les services de l’agriculture fassent quelque chose pour nous éviter la faillite. Une huile stockée pendant une année ne se vendra plus jamais, sinon à des prix dérisoires», déplorera un propriétaire d’une huilerie traditionnelle. Il devient clair que les producteurs et mêmes les petits paysans sont en difficulté car certains d’entre eux n’ont d’autres ressources que le produit de leur oliveraies. Le chômage, toujours galopant, a contraint de nombreuses familles à revenir à la paysannerie et à la récolte des olives en attendant des jours meilleurs. Hélas, le produit ne se commercialise plus comme avant. «Tous les membres de la famille sont mobilisés, depuis le début du mois de décembre, pour ramasser tous mes olives. L’objectif est atteint mais l’essentiel n’est pas venu, je me retrouve avec des centaines de litres d’huile non vendus», regrettera un paysan de la commune de Tirmitine. Pendant que la crise économique due à la chute du prix du baril de pétrole étreint le pays, et où le discours officiel est en quête d’autres richesses pour faire face à la conjoncture actuelle, on assiste à l’abandon des richesses disponibles et des produits du terroir comme c’est le cas de la filière oléicole. Au lieu de mettre les mécanismes pour labelliser le produit, le commercialiser et l’exporter, on abandonne les producteurs à leur triste sort. Pour rappel, la wilaya de Tizi-Ouzou dispose de près de 300 huileries. La production prévue pour cette année est de 13 millions de litres, informe-t-on.
Hocine T.