«Les élus ont besoin de l’appui des experts»

Partager

Le président de l’APW de Tizi-Ouzou, Youcef Aouchiche, parle dans cet entretien de l’état des lieux qui prévaut au niveau de la wilaya et dévoile les principaux axes du plan d’action de l’assemblée.

La Dépêche de Kabylie : Sur quoi est basé votre programme de développement de la wilaya de Tizi-Ouzou ?

Aouchiche Youcef : Notre plan de développement à moyen terme est en cours d’élaboration. Il sera présenté lors de la prochaine session ordinaire de l’APW. Ce plan retracera les objectifs, les moyens à mobiliser et les étapes de mise en œuvre des différentes actions que nous envisageons d’entreprendre. Il prendra en compte, à la fois, les actions sectorielles et les initiatives de développement local à travers une approche qui se veut participative, intégrée et durable. Ceci dit, nous allons aussi prendre en compte les actions de développement communautaires des villages et l’engagement de la société civile. Il est temps de concevoir des plans inclusifs de développement économique et social, en partant du bas, c’est-à-dire à partir des spécificités territoriales et de la valorisation de nos ressources. Notre ambition consiste à créer une dynamique locale solidaire et consensuelle visant à faire participer, efficacement, l’ensemble des acteurs locaux dans le processus de développement de notre wilaya. C’est à travers cette approche que les revendications et les besoins sociaux, économiques, culturels et environnementaux vont être pris en charge. Dans cette perspective je vous annonce que l’APW sera dotée d’un conseil économique, social et environnemental et d’un comité d’accompagnement des collectivités locales qui serviront d’un cadre de réflexion et de concertation au service du développement de notre wilaya. Les élus ont besoin de l’appui des experts, de la société civile et de l’université, en vue de faire un diagnostic réaliste sur l’état du développement au niveau de notre wilaya et concevoir par la suite des programmes adaptés pour apporter les solutions adéquates. Le développement est l’affaire de tous. J’insiste, notre approche est réaliste, inclusive et participative.

Lors de la dernière session, vous aviez déclaré que la wilaya de Tizi-Ouzou enregistre un retard énorme en matière de développement. Qu’avez-vous prévu pour redresser la situation ?

Effectivement, notre wilaya enregistre un retard, surtout en matière de développement productif. L’environnement global de notre wilaya est pratiquement répulsif, c’est pour cette raison que des actions urgentes doivent être entreprises par le pouvoir central afin de débloquer la situation. A ce propos, nous demandons un fonds pour le développement des zones montagneuses qui, à l’instar des fonds de développement du Sud et des Hauts plateaux, devrait contribuer, en plus de l’inscription et de la réalisation des projets structurants, à améliorer l’intégration économique territoriale des zones rurales et montagneuses. Un tel fonds aura un rôle important à jouer pour l’agriculture de montagne, l’industrie artisanale, le tourisme solidaire, etc. Un régime fiscal préférentiel pour notre wilaya, l’inscription d’un pôle d’excellence de l’industrie agro-alimentaire, l’inscription et la réalisation d’un port sec, d’un parc des expositions des entreprises, d’un marché de gros de fruits et légumes… sont des actions parmi tant d’autres qu’il faudrait entreprendre en vue de relancer la roue du développement au sein de notre wilaya. Ensemble, nous devons relever le défi de l’attractivité en vue de créer les meilleures conditions de développement qui permettent l’implantation d’un outil de production et de réalisation performant. Certes, la mission est difficile, mais pas impossible, avec de la mobilisation et la volonté de tous les acteurs. C’est un défi que nous devons relever, nous n’avons guère le choix. La population nous a fait confiance, nous n’avons pas le droit à l’erreur. La wilaya de Tizi-Ouzou doit sortir de cette situation. Les ressources existent, la volonté aussi, il suffit de les mettre au service des bonnes causes.

Quelles sont les actions prioritaires que vous envisagez d’entreprendre ?

Notre action ciblera l’ensemble des secteurs, mais il y a des urgences qui exigent que des priorités soient établies, afin de relancer le développement de notre wilaya et répondre aux aspirations de nos concitoyens. Il s’agit notamment d’améliorer l’accès de la population aux services sociaux de base (santé, éducation, eau, électricité gaz, logement, etc.) et de débloquer la situation de l’investissement productif sans lequel aucun développement n’est envisageable. Il s’agit aussi de prendre en charge effectivement le secteur de l’agriculture et du tourisme qui peuvent générer autant d’emplois que de richesses. Pour le moment, nos efforts sont focalisés sur les projets structurants en cours de réalisation, afin de faire respecter les délais de leur livraison, ainsi que sur le dégel de l’ensemble des projets structurants inscrits à l’indicatif de notre wilaya. Dans le cadre du plan de développement, nous envisageons l’inscription de plusieurs autres projets structurants dans différents domaines.

Les quelques projets structurants en cours de réalisation accusent beaucoup de retard. Que fera votre assemblée afin d’accélérer la cadence des travaux ?

Les retards sont même excessifs. Les lenteurs administratives et bureaucratiques, ainsi que le plafonnement des crédits de paiement, ont aggravé les conditions de leur réalisation. Nous accordons un intérêt particulier à l’amélioration de la cadence de réalisation de ces projets. C’est pour cette raison que nous avions inscrit ce point à l’ordre du jour de la dernière session ordinaire de l’assemblée. Nous en avons débattu en toute responsabilité, en situant les défaillances, les manquements et les entraves qui ont causé ce retard. L’ensemble des directions concernées ont été interpellées. Des engagements ont été pris pour la réception de ces projets dans des délais fixés à nouveau. Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour les faire respecter. Nous sommes en train de suivre de près et avec beaucoup d’intérêt les chantiers du stade, de la pénétrante vers l’autoroute Est-ouest, du téléphérique de la ville de Tizi-Ouzou, du CAC et du barrage de Souk N’Tleta. Des sorties sur le terrain seront organisées périodiquement pour suivre la cadence de réalisation. Le projet de l’EPH de 60 lits à Ouadhias n’a atteint qu’un taux de 45 %, alors que ceux d’Aïn El Hammam et de Bouzeguène ne sont pas encore lancés. Il faut intervenir là aussi pour concrétiser le plus rapidement ces projets que des centaines de milliers de nos concitoyens attendent pour accéder à une meilleure prise en charge en matière de soins.

Qu’en sera-t-il des projets gelés ?

Ces projets sont plus que vitaux pour notre wilaya. Le nouveau CHU, la clinique mère-enfant et les 5 EPH. A ce propos, nous avons déjà rencontré le ministre de la Santé par le biais de la commission santé, hygiène et environnement de l’APW. Nous avons demandé le dégel immédiat de ces projets. Nous estimons que notre wilaya doit être accompagnée pour rattraper le retard, causé en partie par les différents événements qu’elle a vécus durant une longue période. Notre wilaya doit être épargnée par les mesures de gel, de restrictions budgétaires et d’austérité. Le pouvoir central doit tenir compte d’un certain nombre de paramètres et de spécificités territoriales et engager un plan de mise à niveau de notre wilaya.

L’investissement reste le segment le plus générateur d’emplois et de richesses, donc de développement. Où en est-il et comment attirer les investisseurs ?

Il est clair que l’on ne peut parler d’une dynamique de développement sans parler de la situation de l’investissement. Actuellement, force est de constater que l’investissement productif de richesses et d’emplois est quasi absent dans notre wilaya, celle-ci est, à l’état actuel, un territoire répulsif, à cause de plusieurs facteurs complexes qui en font l’effet d’une spirale, surtout depuis une décennie. La wilaya de Tizi-Ouzou a enregistré presque 70 délocalisations d’entreprises durant ces derniers 10 ans. Le chiffre est révélateur d’un processus de désinvestissement et d’appauvrissement qui est d’ailleurs confirmé par le montant des recettes budgétaires, en l’occurrence la taxe sur l’activité professionnelle (TAP). Notre Wilaya est en dessous de la moyenne nationale en termes de ratio d’entreprise par habitant. En plus, la majorité des entreprises recensées par le CNRC activent dans les services, le commerce et le secteur des BTP. Cette situation ne peut plus durer. Notre assemblée est disposée à accompagner toutes les énergies dans ce sens. Nous allons travailler pour rendre notre wilaya attractive, d’autant que le potentiel humain est disponible. L’APW a déjà accompli un travail dans ce sens, elle a délibéré pour la récupération et l’assainissement du foncier industriel, dans l’optique de le mettre à la disposition des vrais investisseurs. Nous allons aussi œuvrer pour régler les contentieux existants au niveau de la zone de Souamaa, comme nous allons veiller à la concrétisation des zones de Draâ El-Mizan et de Tizi Gheniff qui, une fois opérationnelles, seront d’un grand apport à l’économie de la région et à son développement.

La 6e édition du Concours Aissat Rabah est en préparation. Avez-vous introduit des changements ?

Absolument. Le nombre de villages lauréats a été revu à la hausse, il sera de dix au lieu de huit. Le montant de la subvention a été augmenté, le barème de notation a été révisé et il est désormais exigé que 20% de la subvention accordée aux villages lauréats soient consacrés à des projets en relation directe avec la protection de l’environnement. Notre ambition est d’atteindre une meilleure mobilisation et d’augmenter le nombre de participants à l’édition de cette année. Je saisis d’ailleurs cette opportunité pour lancer un appel aux comités de villages et à l’ensemble de nos concitoyens, afin de se mobiliser pour la réussite de cette 6e édition, d’autant que la procédure a été simplifiée. Par ce concours, nous voulons organiser notre société et l’associer dans la dynamique de protection de l’environnement. Je saisis aussi cette occasion pour déplorer le rejet par le contrôleur financier des subventions de l’APW accordées aux associations à caractère environnemental. Les responsables concernés doivent y remédier car cela va à l’encontre de la politique de protection de l’environnement. J’aimerais aussi signaler qu’une cérémonie de distribution de matériel orthopédique et de matériel motorisé est prévue pour le mois de juillet prochain. Un montant d’un milliard de centimes est réservé à cette opération au profit des personnes en situation de handicap.

Entretien réalisé par Hocine T

Partager