«Je promets du propre»

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Youcef Guerbas prépare un nouvel album, prévu pour après le mois de Ramadhan. Chanteur, auteur et compositeur autodidacte, il s’est frayé une place dans la chanson au début des années 80. Dans cet entretien à cœur ouvert, il parle de sa vie, de ses chansons, de la scène musicale et d’autres sujets qui touchent directement à la vie d’un artiste.

La Dépêche de Kabylie : Peut-on avoir de vos nouvelles ?

Youcef Guerbas : Je viens de rentrer de France, toujours en activité, je prépare un nouvel album. Comme vous savez, l’année dernière il n’y a pas eu de nouvelles productions, mais mon album de 2016, le best of, où j’ai repris 14 titres de mon répertoire, a très bien marché. L’année dernière, je l’ai consacrée aux fêtes. Je voyage beaucoup, je fais des petites tournées, des grandes soirées privées, dans des salles.

Vous ne faites pas partie des chanteurs qui produisent beaucoup. Comment expliquez-vous cela ?

Le plus important c’est la qualité de la production et non la quantité. Ce n’est pas obligé qu’un chanteur sorte un album chaque année. Il y a des artistes qui attendent cinq ans, voire plus pour une nouvelle production. L’essentiel pour moi en tout cas, c’est de faire un travail respectable, des chansons qui vont durer. Des chansons que le public trouvera du plaisir à écouter et réécouter à chaque fois.

Votre dernier album, c’étaient des reprises de votre répertoire. C’est dû à quoi ? Un choix, un manque de moyens, ou peut-être d’inspiration ?

Non franchement ce n’est ni l’un ni l’autre. J’ai beaucoup de chansons, les anciennes notamment celles de 1994, 1996 à 2005, on ne les retrouve pas aujourd’hui sur le marché. L’objectif, donc, est de faire revivre ces chansons, les faire connaître par la nouvelle génération.

Si on revient à vos débuts, comment êtes-vous venu à la chanson, les chanteurs qui vous ont inspiré, votre parcours… Dites-nous tout ?

C’était dans les années 80, j’ai commencé doucement comme la majorité des chanteurs de l’époque. Je n’ai pas étudié la musique, je suis autodidacte. Je me suis jeté dans les bras du public, et il m’a accueilli. Je chantais de tout, beaucoup de styles. J’ai chanté des reprises au début, des chanteurs qui ont fait le bonheur de notre génération. Il y avait beaucoup de chanteurs dont je citerai Allaoua Zarouki, Ait Menguellet, Akli Yahyathen, Youcef Abdjaoui, Lounes Matoub… Ce dernier est mon préféré. Puis petit à petit, j’ai trouvé mon propre chemin que je poursuis à nos jours. J’écris les paroles de mes chansons et je compose la musique aussi. J’ai maintenant neuf albums sur le marché.

Vous qui avez côtoyé les grands, les maîtres de la chanson kabyle, comment trouvez-vous la scène musicale locale et nationale, aujourd’hui ?

Il y a beaucoup de changements. Me concernant, comme je suis encore jeune tout de même (rire), je fais partie des deux générations d’artistes, je les ai côtoyés de près. Vous savez, le chanteur est le reflet de son époque. On ne peut chanter ce qu’on n’a pas vécu, du moins, on ne peut pas se dissocier de notre réalité. Pour tout dire, les préoccupations, le mode de vie, les priorités d’avant n’étaient pas les même que celles d’aujourd’hui. C’est l’évolution et l’effet de la mondialisation auxquelles on ne peut échapper.

Etes-vous resté fidèle à votre style de départ ?

La chanson est universelle, et on ne doit pas se limiter quand il s’agit de l’art, de l’inspiration et de la production musicale. Tant qu’on vit on s’adapte et on suit ce processus, comme j’ai dit, inévitable de développement. Une chose est sûre, j’ai mon propre style.

En tant que chanteur, quelles sont les difficultés et les contraintes auxquelles vous faites face, dans votre parcours, au quotidien ?

On a beaucoup de difficultés effectivement. Certains pensent qu’être chanteur est une partie de plaisir. La réalité est autre, c’est un parcours plein d’embuches et un combat au quotidien. Quand on est dans ce milieu, on sacrifie beaucoup. Il y a des difficultés d’ordre financier, pour produire les albums, d’autres pour le choix des chansons, pour l’écriture…

Le problème des producteurs, posé par beaucoup de chanteurs, vous en pensez quoi ?

Oui s’en est un. Tu présentes un album, fruit de ton travail durant peut-être des années, une fois à leur niveau, certains te disent que ces chansons ne marchent plus de nos jours.

Avez-vous été confronté à ce genre de situations ? Avez-vous modifié ou changé des chansons pour répondre à la demande de producteurs ?

Oui honnêtement au début de ma carrière, j’ai vécu ça. Quand j’ai enregistré la chanson «Lahdia», dans les années 2000, on m’a clairement dit que ce style est ancien et que je devais modifier. J’ai trouvé beaucoup de difficultés pour trouver un producteur et j’ai dépensé beaucoup d’argent, mais je n’ai pas cédé et la chanson a très bien marché au final. Avec le temps, l’expérience et le nom que j’ai pu me faire sur la scène, les producteurs eux-mêmes se rapprochent de moi pour me demander s’il y a du nouveau.

En parlant de nouveau, vous avez parlé d’un album en préparation, plus de détails ?

Oui en effet, je prépare un nouvel album de huit chansons. Les thèmes sont de mon propre vécu. Je chante l’amour, la séparation, la déception, des choses qui me touchent de près et que d’autres vivent ou ressentent. Ceux qui connaissent ma vie, mon histoire vont comprendre. J’ai moi-même composé les paroles et la musique. Normalement, il y aura des duos dans cet album. L’enregistrement c’est au cours de la semaine. Je promets du propre et un bon travail à mes fans espérant être à la hauteur et les satisfaire.

Pour ceux qui ne vous connaissent pas, c’est quoi l’histoire de Guerbas ?

C’est un bonhomme qui a vécu et vit en Kabylie. C’est juste depuis dix ans que je sors à l’étranger. J’aime vivre ici parmi les miens. Pour l’amour, c’est toujours la déception, enfin, des hauts et des bas, je dirai. Je raconte et c’est au public de découvrir.

La sortie de cet album est prévue pour quand ?

A priori, après le mois de Ramadhan, mais je n’ai pas la date précise pour le moment.

Des galas prévus pour cette année ?

J’ai beaucoup de fêtes prévues. à l’occasion du 20 avril, on m’a sollicité mais j’ai déjà des engagements. Je ferai deux galas, avec d’autres artistes.

Justement beaucoup de chanteurs parlent de marginalisation des artistes (ils ne sont pas appelés aux galas) et parlent d’un monopole de certains.Qu’en pensez-vous ?

Non je ne le pense pas. Me concernant, la Direction de la culture de la wilaya de Tizi-Ouzou fait toujours appel à moi pour des occasions et je ne refuse pas. En dehors des galas du Ramadhan, on travaille gratuitement, je participe aux hommages, galas de solidarités et toutes les activités caritatives. Je suis toujours présent et je ne demande jamais d’argent. D’ailleurs, ce genre d’événement est ouvert à tout le monde, je ne vois pas comment parler de marginalisation.

A part la musique, vous faites quoi dans la vie ?

Moi je vis de ma musique, et ça marche bien. Celui qui travaille sérieusement avec dévouement et convictions réussit.

La chanson kabyle est-elle sur la bonne voie ?

On ne peut pas dire que la chanson kabyle n’est pas en danger. Le risque y est du côté de certains. On constate de plus en plus l’usage de paroles d’autres langues, mais d’un autre côté, certains sont rassurants. Il y a beaucoup de paroles «kabylisées», introduites dans les chansons, qui, à mon sens, ne sont pas adaptées à notre culture et à nos traditions. «Je t’aime à la folie, je suis fou de toi», pour moi, c’est inapproprié à la chanson kabyle. Mais je respecte les chanteurs, c’est la nouvelle tendance. Me concernant, je n’ai pas le droit à l’erreur et je n’ai pas le droit de décevoir mon public. Le message que je passe à travers mes chansons c’est un message d’espoir, de sensibilisation, d’amour et de fraternité.

Entretien réalisé par Kamela Haddoum.

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