Le bon usage des antibiotiques par les médecins et les vétérinaires et l’émergence d’inquiétantes bactéries multi-résistantes ont été la priorité des thèmes développés dans la trentaine de communications présentées, hier et avant-hier à l’auditorium du campus d’Aboudaou, lors des deuxièmes Journées internationales d’infectiologie organisées, conjointement, par le service d’infectiologie du CHU et la faculté de médecine de l’université Abderrahmane Mira de Béjaïa. Des professeurs et des praticiens, venus d’Algérie, de France et du Niger, ont communiqué, durant ces deux journées, autour des antibiotiques, de l’antibiorésistance et les infections nosocomiales, ce qui est en réalité la thématique de cette manifestation scientifique. Réparties en six séances, ces conférences ont traité des infections, de la prescription des antibiotiques, leur marché et leur consommation, ainsi que de la résistance bactérienne à ces derniers. Après l’inauguration protocolaire et la conférence introductive du professeur Nouasria, c’est son confrère, le professeur en infectiologie, S. Mesbah, ancien directeur central au ministère de la Santé, qui a étalé son intervention sur le marché des antibiotiques en Algérie en soulignant que le chiffre d’affaires du médicament connait, au niveau mondial, une croissance alors que celui des antibiotiques est relativement stable. Le marché du médicament, informera l’orateur, représente, en Algérie, une part de trois milliards d’euros, dont 55% sont importés, alors que l’objectif est d’atteindre un taux de 70% de production locale. Les Algériens, comme leurs voisins tunisiens, occupent le Top 10 des grands consommateurs d’antibiotiques dans le monde. Il parlera aussi de la qualité de l’industrie pharmaceutique forte de 147 unités de production, dont la majorité pour les médicaments est concentrée sur une gamme de produits à forte rétention et demeure dépendante des produits d’importation, et donnera également les chiffres de 150 grossistes et 10 000 officines au niveau national. Toutefois, le professeur dira que «le marché des antibiotiques demeure peu connu en matière de besoin que de consommation. En conclusion, celui-ci insistera sur la nécessité de faire une réflexion stratégique de l’approche nationale et le lancement urgent d’un véritable programme en matière de communication, de sensibilisation et de formation». Lui succédant au micro, sa consœur, le professeur Korichi, dissertera autour des mécanismes de résistance aux antibiotiques des bactéries en tant que nouveau défi. Elle développera l’antibiotique depuis la production de la pénicilline, en 1940, pour insister sur l’évolution des résistances bactériennes, lesquelles sont survenues suite à la consommation excessive des antibiotiques, en rappelant que l’antibiotique est une substance naturelle synthétique ou chimique qui a un rôle antibactérien, c’est-à-dire tuer la bactérie. Elle parlera, également, de la classification des antibiotiques selon la cible, tout en expliquant la résistance bactérienne. «Les principaux mécanismes sont au nombre de quatre», soulignera la conférencière. Il s’agit de l’inhibition enzymatique, la réduction de la perméabilité cellulaire, l’altération des sites de liaison ciblés par l’antibiotique et la pompe à efflux ou l’hyper-expression. Ces deux communications de la première séance ont résumé l’axe principal de cette rencontre scientifique. Durant la deuxième journée, la conférence animée par le professeur Gaci sur les bactéries multi-résistantes sous le thème «Doit-on sérieusement s’inquiéter ou rester raisonnablement mesuré, c’est-à-dire ni alarmiste ni indifférent», a été d’un apport considérable à l’assistance. Il cernera, durant son intervention, la problématique, l’épidémiologie, le dépistage et le diagnostic, ainsi que la prise en charge. Il dira que les antibiotiques existaient bien avant leur découverte par l’homme, et il enchaînera en s’étalant sur l’historique, à savoir l’existence tout d’abord d’une dizaine d’épidémies dans l’histoire de l’homme que l’antibiotique a pu vaincre en parvenant à réduire le taux de mortalité des patients atteints. «On est passé de 300 à 20 morts pour 100 000 habitants», conclura-t-il. Toutefois, pour ce professeur, le livre des maladies infectieuses et toujours ouvert. Approché, le professeur Nouasria, président du comité d’organisation, dira que ces journées sont consacrées essentiellement aux antibiotiques et à la résistance bactérienne. Ceci est dû,; selon lui, «à la surconsommation d’antibiotiques», dont le montant des remboursements en Algérie communiqué par la CNAS a été, pour 2016 par exemple, supérieur à 18 milliards de dinars. «L’automédication en antibiotiques alors qu’ils ne doivent être prescrits que pour les infections bactériennes mais pas pour les infections virales, doit être bannie», conclura notre interlocuteur. En un mot, le but de ces journées est d’arriver à sensibiliser à la promotion de l’hygiène hospitalière et au bon usage des antibiotiques pour réduire les résistances bactériennes, les infections nosocomiales et les coûts de consommation des antibiotiques. La mobilisation semble être urgente car le risque sanitaire et économique est majeur.
A. Gana

