Par S. Ait Hamouda
Matoub est le poète qui ne meurt pas. Il était, il est et il sera un ménestrel à jamais, plein de talent, bourré d’inspiration, inondé de poésie à subjuguer les gens qui l’écoutent. Il avait, juste avant sa mort, sans doute par prémonition, parcouru sa ville, Tizi-Ouzou, de long en large, pour lui faire ses adieux. Et puis, pour son dernier repas, il fit un détour par l’hôtel «Le Concorde» où il prit, en compagnie de sa femme et de ses belles-sœurs, son ultime ‘’crevettes en sauce’’, avant de prendre la route pour son trépas. Il conduisit sa voiture, ne rencontrant personne sur son chemin. Il ne disait mot, à part ses rengaines, que tout le monde comprenait et se les répétait, jusqu’au moment indicible, où la mitraille le surprit. Il venait de croiser la mort. Il tirait, ils lui tiraient dessus, mais à la fin il reçut les balles qui l’envoyèrent à ce à quoi il aspirait, au dessus de tout. Mourir pour ses idées. Mais Matoub n’était pas de ceux qui voulaient partir de vieillesse, il la voulait cette fin. Pleine de noblesse, de bravoure et de sacrifice parce qu’il en a fait le choix. Et aussi il la préféra à la vie. Matoub a choisi sa mort nonobstant l’œuvre de sa vie. Elle fut immensément riche et incommensurablement vaste, il s’adressait au commun des Algériens, par ses vers et ses compositions d’outre-tombe. Il a chanté comme d’autres priaient et se courbaient sans jamais plier. Il advenait qu’il entonnait un chant, qui se voulait combat, qui se voulait bataille, qui se préconisait résistance tout simplement pour se montrer tel qu’il était, en un mot comme un chanteur que nous voulions, certes, célèbre, mais sa célébrité il ne la voulait pas outre mesure. Après sa mort, toute sa ville et sa région le pleuraient, mais lui rendaient l’hommage qu’il méritait, mais il s’en foutait, il a demandé à ceux qui l’aiment, les démocrates, qu’ils couvrent son corps des couleurs nationales, pour entrer dans la légende et que la légende lui ouvre ses bras.
S. A. H.