Autrefois très sollicité, le mythique maréchal-ferrant ne vient plus à présent au marché de Boudjima. Son travail n’intéresse plus grand monde aujourd’hui. Ce n’est pas à cause de la disparition de plus de la moitié de l’espace du marché avalé par le béton qu’il ne vient plus, mais c’est parce que son métier n’est plus vraiment utile. Il est de moins en moins rentable pour celui qui l’exerce. Le métier de maréchal-ferrant ne fait hélas plus vivre ! Les vieux se souviennent bien de cet homme de petite taille à la casquette ou coiffe bleu ciel. Il prenait place chaque jeudi, dès l’aube, sous un vieil eucalyptus. Il avait une petite chaise couverte d’un tissu d’une couleur indéfinissable. Son matériel était constitué d’objets contendants, de petits clous spéciaux et de petits marteaux et marteaux arrache-clous. On devait prendre rendez-vous une semaine avant, car les bêtes de somme, à l’époque, étaient nombreuses et très utilisées. Il était aussi malséant pour un homme respectable de laisser son âne ou son cheval sans fers. Aller au marché sans que son mulet ne soit menu de fers clinquants neufs était inimaginable pour la réputation. La place de cet artisan a disparu sous le béton, mais son souvenir est encore vivant hantant les allées qui séparent les bâtiments. Les animaux les plus indomptables deviennent par le miracle d’une caresse de cet homme, tout doux et se laissent docilement ferrer. Son travail était très nécessaire pour la bonne santé de l’animal très utilisé dans les villages. Autrefois, sans routes ni automobiles, les gens n’avaient pour moyen de transport et de locomotion que leurs bêtes de somme. Pour parcourir les chemins escarpés, l’âne ou le mulet devaient être bien entretenus, c’est-à-dire, bien nourris et bien ferrés aussi. Les anciens disent que personne ne peut prendre sa place, car, engloutie par le béton, elle n’a à présent d’existence que dans leurs souvenirs. Et même si un autre venait, les vieux savent qu’il n’aura jamais le talent de leur ami. C’est avec beaucoup d’émotion et de nostalgie que les vieux de Boudjima l’évoquent encore, ils savent que leur maréchal-ferrant ne reviendra plus, qu’il est parti à jamais avec son temps. Le monde a changé et les gens n’ont plus besoin de bêtes de somme. Les routes sont aujourd’hui bitumées et la voiture a pris le relais. Les gens ne vont plus pour ferrer leurs «montures» mais pour leur «gonfler les quatre pieds» et là n’est pas la vocation de notre inénarrable maréchal-ferrant. Cet honorable métier mérite d’être sauvegardé et sauvé de l’extinction pour l’authenticité de nos villages. Des pays industrialisés préconisent de redonner vie à ce métier en l’insérant dans les activités touristiques. Dans le cadre du tourisme «vert», il est possible de mettre à la disposition du touriste des lieux et des sites où il pourrait se déplacer à «l’ancienne» à dos de bêtes de somme. C’est là un moyen de faire revivre le maréchal-ferrant, même si cela ne fera pas revenir le sien au marché de Boudjima.
Akli. N.
