Edition d’un coffret de double CD en France

Partager

Le collectif Tiwizi vient d'éditer en France un coffret de double CD intitulé Izlan n at wagrakal ou chants païens de Kabylie.

Vingt-huit artistes ont participé à cette œuvre titanesque et menée de main de maître par Ameziane Kezzar, écrivain, auteur et poète prolifique et de renom. Il nous replonge avec gaité dans notre univers le plus lointain et nous renoue avec notre héritage méditerranéen. La méditerranée ne fut pas seulement un espace d’échanges commerciaux mais aussi le berceau de grandes civilisations qui ont façonné le monde d’hier et d’aujourd’hui, et donc un vecteur d’idées, de cultures et de croyances. L’espace berbérophone en général et la Numidie en particulier s’est imprégné et a adopté cette richesse intellectuelle. Il a en outre participé et contribué de façon évidente à l’enrichir. Les exemples sont légion mais on peut citer Apulee de Madaure qui est reconnu comme le premier romancier avec son livre « L’ane d’or ». Cette œuvre pionnière poursuit un double objectif. Le premier comme l’affirme ses auteurs est d’ordre généalogique. En d’autres termes, cela consiste à nous faire voir l’étendue de nos racines. Nous sommes les dépositaires d’un mode de vie qui vient de loin. Ce travail est la confirmation que la musique et les chants berbères sont avant tout païens, au sens premier du terme, c’est à dire intimement liés à la nature et aux éléments. L’homme a toujours voulu reproduire les sons de la nature environnante. En effet, la nature produit des sons comme les vagues des mers, le souffle du vent, le crépitement du feu, le chant des oiseaux ou le rythme de la pluie. Et les humains ont toujours voulu reproduire ces sons. Le deuxième objectif, c’est la modernité. C’est la condition sine qua non pour ne pas rester à la marge de l’histoire. Être moderne, ce n’est pas uniquement gober tout ce qui est nouveau, voir l’imiter, mais c’est une attitude qu’ont peut avoir à l’égard des choses. Cette modernité que nous suggère cette œuvre est d’oublier le poids des dogmes et des traditions qui nous ont été dictés depuis des siècles. «Nous voulons d’un nouveau monde qui, au tréfonds de lui-même, reliera ces influences: celle de Rome avec ses institutions, ses lois, sa philosophie, celle de la Grèce, qui nous a donné le véritable universel: la science pure. Et celle de la France avec les Lumières qui nous ont appris « l’œil critique »». Peut-on lire dans la présentation de cet album. A première vue, le titre peut choquer les gardiens de l’orthodoxie musulmane et les faux- prophètes, et dieu sait combien ils sont nombreux de nos jours, mais cette démarche s’inscrit dans une perspective d’une renaissance et d’une revivication de la pensée kabyle. Un pan entier de notre culture et de notre identité, à savoir la dimension méditerranéenne a été occulté, effacé et réduit à néant pour laisser place à une histoire et une identité construite. C’est une dépossession culturelle et historique dont les berbères, en général, sont victimes depuis des siècles et une véritable escroquerie intellectuelle. Cette œuvre est sans nul doute un point de lancement de la construction et de la réappropriation de notre identité qui s’appuiera essentiellement sur notre héritage méditerranéen. «Un retour aux sources. Remettre la Kabylie dans son milieu naturel. Celui d’Homère, d’Apulée et Périclès qui invitait chacun au VI siècle avant Jésus-Christ à devenir ce qu’il est : deviens ce que tu es….en apprenant.», peut-on lire dans la préface de ce double CD. Dans la chanson phare de cette œuvre qui porte le nom de Tiwizi (solidarité) et chanté par Iflis, elle résume parfaitement l’état d’esprits et les objectifs de ses promoteurs: Le brouillard s’estompe Voilà le soleil de retour Et nous, tous ensemble allons au champs C’est le printemps Il est temps d’ouvrir les portes Aux hirondelles et aux chants Tous ensemble nous détournerons Le cours des rivières Nous arroserons les près Qui donneront du blé Nos yeux s’égaieront Ce jour-là À la vue des fleurs qui pousseront Au bord des étangs Tous ensemble Nous dresserons des murs Contre les vents sournois Le feu qu’ils attiseront se retournera Et brulera la main criminelle Nous protégerons Ce jour-là nos forêts Nous ne récolterons plus des cendres Mais plutôt de l’eau fraîche Tous ensemble nous mettrons Un terme aux idées de la mort Nous allumerons les flambeaux de la vie Pour embellir nos corps souffrants La montagne nous portera sur son faîte Ce jour-là Elle nous donnera le regard Et les ailes de l’aigle Le projet Tiwizi Si ce double album est sorti en France, il n’en est pas de même ici au pays. Le problème récurrent dont souffrent beaucoup d’artistes ainsi que la distribution, surtout que ce double disque est destiné à un public connaisseur donc pas commercialement attractif, est la cause principale de ce retard. Nous espérons un dénouement rapide à ce problème surtout que les recettes iront à la construction des lieux de culture en Kabylie. Des théâtres romains et des lieux propices à recevoir du monde pour des activités artistiques.

M. I. B.

Partager