Le fleuve de la Soummam, né de la confluence de l’oued Sahel et de l’oued Bou Sellam à Akbou qui se jette à Bgayet, est actuellement le fleuve le plus sale en Algérie.
D’immenses monticules de déchets, des sacs plastiques, des gravats jonchent les rives et, selon les habitants, une odeur nauséabonde s’en dégage jour et nuit. Pas étonnant, quand on sait que les usines de la région ainsi que les eaux usées de la population locale y sont déversées quotidiennement en toute impunité. Les perturbations environnementales dues aux activités anthropogéniques se multiplient dans de nombreuses régions du globe et entraînent la pollution des eaux.
Le cas édifiant de la Soummam illustre parfaitement ce cas de figure. Cette pollution est importante et cause un grand problème régional et local de santé publique. En cause, la croissance démographique et les rejets des industriels locaux concourent à renforcer cette pollution effrénée qui semble prendre une tournure funeste. La pollution des eaux menace directement la santé de milliers de personnes. Les populations risquent alors de contracter des maladies mortelles, comme le choléra, la typhoïde, les hépatites infectieuses, la polio et les maladies diarrhéiques.
«La Soummam est absolument menacée par la pollution», s’écrie avec fermeté, un sexagénaire, retraité de son état. Réceptacle d’un flot ininterrompu de rejets industriels, sa faune et sa flore se meurent à petit feu, et ce, dans l’indifférence totale. D’ailleurs, ces derniers jours, notamment avec les dernières crues, des bancs de poissons sont rejetés à la surface. Ce phénomène est récurrent, témoignant ainsi de la toxicité des eaux à un degré élevé. La société civile et les associations de la région continuent de dénoncer ce crime écologique. Mais en vain. Les agressions que subit le fleuve Soummam sont légion.
Les villages greffés tout le long des contreforts de chaînes montagneuses, ainsi que les villes juxtaposant le cours ne cessent de déverser, quotidiennement, leurs eaux usées dans les différents affluents qui l’alimentent. Diverses sablières participent sans vergogne à cette catastrophe écologique en mettant à nu le ventre du fleuve. Ceci au vu et au su des autorités locales. Le crime est commis à coups d’excavation effrénée de sable, dont le seul objectif est le gain. En saison d’étiages, ledit fleuve est réduit à un mince filet d’eau saumâtre. Au rythme où vont les choses, ce fleuve est voué à la disparition, au grand dam des riverains, impuissants devant l’ampleur des dégâts.
Menace sur la faune et la flore !
À Béjaïa, comme dans le reste du pays, la pollution des rivières est devenue un véritable fléau. Autant dire que l’Algérie a soif d’eau potable. Les sources sont très nombreuses sur le versant des montagnes et au milieu des collines qui accidentent le territoire de la Kabylie: les unes se précipitent avec fracas de rocher en rocher; les autres roulent lentement leurs eaux dans la plaine.
Du mois de novembre au mois de mai, les torrents et les rivières, enflés par les pluies, grossissent rapidement, souvent même ils débordent; mais insensiblement, quand viennent les grandes chaleurs, ils diminuent, et bientôt dans leurs lits il ne reste plus qu’une grève à peine humectée par un imperceptible courant. En somme, le mythique fleuve de la Soummam est dans de sales draps. Une eau saumâtre et répugnante, des odeurs pestilentielles à des kilomètres à la ronde… les maux qui secouent ce long fleuve sont légion.
À chacune de ces causes fondamentales de pollution vont correspondre d’innombrables sources de dispersion des agents polluants. Ces dernières prennent place depuis l’amont (industries extractives) jusqu’à l’aval, c’est-à-dire jusqu’aux usages domestiques, lesquels peuvent jouer dans certains cas (matières organiques fermentescibles polluant les eaux par exemple). Ainsi, la consommation de substances chimiques commercialisées auprès du grand public intervient de façon non négligeable dans la contamination de l’environnement, sans oublier les masses considérables de déchets et autres immondices qui trouvent refuge au fond des eaux du fleuve en question.
L’urbanisation anarchique et effrénée participe elle aussi à la pollution avec toutes ses ramifications. Le bétonnage de grandes surfaces favorise une accélération des écoulements et ne laisse pas le temps ni la possibilité à l’eau de s’infiltrer pour être purifiée par le terrain. D’autre part, ce bétonnage systématique des villes favorise des crues en aval à cause de l’accélération des écoulements précisément. Une autre incidence notable de l’urbanisation sur la qualité de l’eau et des milieux aquatiques est la modification du milieu, et ceci est particulièrement grave, quand il s’agit de rives de fleuves ou de rivières.
En outre, les polluants se présentent sous une forme toujours plus difficile à combattre, essentiellement due au fait que, de nos jours, les techniciens de l’industrie mettent en usage des composés chimiques nouveaux, toujours plus complexes et plus agressifs. Et les autorités responsables de la santé publique ne font face qu’aux tâches pressantes, chaque fois qu’il s’agit d’utiliser des eaux ainsi polluées pour répondre aux besoins croissants de la consommation domestique.
Ces difficultés nouvelles en se greffant sur les problèmes déjà connus d’économie des eaux, n’ont fait qu’aggraver la situation. L’on entend par pollution toute modification des propriétés physiques, chimiques, ou biologiques d’une étendue d’eau quelconque. C’est également tout rejet de substances liquides, gazeuses ou solides dans cette étendue d’eau. Et la combinaison des deux crée une nuisance et rend l’eau dangereuse, quel que soit l’usage qu’on en fait. Que celui-ci soit domestique, commercial, agricole ou industriel, il met en péril la santé et la vie des personnes, de la faune et de la flore.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS), de concert avec d’autres institutions internationales, n’a de cesse d’organiser ou de patronner un nombre très élevé d’enquêtes, d’études et de réunions dans l’intention d’inciter les différents États à poursuivre ou à entreprendre l’exécution de programmes nationaux de lutte contre la pollution des eaux. Il est évident que, dans ces situations extrêmes il y a pollution (égouts, cadavres d’animaux et autres épaves) et ceci, au su et au vu de tout un chacun. Bien de ces catastrophes seraient évitées si des mesures draconiennes d’aménagement du territoire étaient prises.
«L’accès à une eau de qualité est essentiel pour la santé et pour le développement, l’un et l’autre étant en danger si nous ne stoppons pas cette pollution», estime Brahim, ingénieur en hydraulique. Une meilleure gestion des ordures ménagères et une prise en charge efficiente de l’épineux problème des eaux usées peuvent diminuer, un tant soit peu, cette catastrophe écologique à grande échelle. Car, à ce rythme, c’est une catastrophe écologique lente, mais sûre… pas seulement pour l’eau. Les solutions doivent passer par des actions préventives et non curatives.
Bachir Djaider