Le deuxième livre publié par les éditions Gouraya après “Notes de lexicographie berbère” de René Basset qui a fait l’objet d’une lecture de nos précédentes éditions, est un autre livre intitulé “Les Kabyles de France”. Ce livre était à l’origine un rapport de la commission chargée d’étudier les conditions de travail des indigènes algériens dans la métropole. Cette étude a été publiée pour la première fois en 1914. A cette époque la demande d’une main-d’œuvre est telle qu’une circulaire a prévu la suppression de l’obligation du permis de voyage, et ce par les moyens de la circulaire du 28 janvier 1905.Cette circulaire a dispensé du permis de voyage, les Algériens devant se rendre en France. Accueillis en tant qu’indigènes, ces migrants sont employés comme domestiques, ouvriers au service des Européens, dans les fermes et associations agricoles, industrielles et commerciales. La nouvelles circulaire prévoyait seulement de se munir de la carte d’identité prévue par la loi du 24 décembre 1904.Rien que pour la région du Bassin Houilleux du Pas-de-Calais (Nord de la France), on recensait au mois de janvier 1914, environ 1500 “indigènes” algériens presque en totalité d’origine kabyle. La répartition des ouvriers était ainsi : 200 ouvriers à Liévin, 935 à Courrières, 200 à Drocourt, 50 à Carvin, 150 à l’Escarpelle et 200 à Anzin. Le livre réédité nous renseigne comment se faisait le recrutement de cette main-d’œuvre bon marché.1er constat : Tous les ouvriers sont venus spontanément en payant eux-mêmes les frais de leurs voyages qui représentaient alors la somme de 90 Frs environ, par personne. Tout a commencé par un beau jour où la compagnie de Courrieres, a embauché un Kabyle qui se trouvait dans la région sans ressource. Il était venu chercher du travail. L’essai s’est avéré satisfaisant. Par la suite 2 à 3 autres ouvriers furent pris dans les mêmes conditions et la nouvelle fut bien connue en Kabylie par le biais des colporteurs que sillonnaient le pays.La nouvelle s’est vite propagée, provoquant par conséquent un certain nombre de départs. L’embauchage dans les mines était subordonné à la production d’un acte de naissance, et au résultat d’une visite médicale. Il arrive souvent que ce document essentiel fasse défaut, pourtant nécessaire à la cotisation à verser aux caisses des retraites. La fourchette d’âge de recrutement est de 13 à 40 ans. Les emplois occupés, lit-on dans le livre, sont multiples. Le plus important est celui de la Veine, qui exige force, résistance à la fatigue, et une expérience professionnelle qui s’acquiert après plusieurs années de travail dans les bas-fonds de la mine. Il y’a aussi ceux qui sont affectés à l’accrochage, au roulage, ou employés comme conducteurs ou remblayeurs.On peut aussi lire dans le chapitre “Rapports avec la population” des cas d’incidents et de bagarres signalés. (Il s’agit d’une bagarre générale entre les ouvriers Belges et les Algériens). La compagnie des mines a dû congédier 20 ouvriers Belges qui avaient mal accueilli les nouveaux ouvriers algériens.Mise à part, cet incident grave, aucun grief précis n’a été articulé contre eux, même si leurs camarades de la mine suspectent généralement leur propreté, et que la population dans certaines agglomérations considéraient leur coiffure rouge (la fameuse chechia rouge) avec une curiosité un peu railleuse.Les ouvriers interrogés par la commission se sont plus à reconnaître au contraire, qu’ils sont en somme d’un caractère conciliant et doux et qu’ils méritent d’être accueillis cordialement par leurs camarades de la Métropole. Certains ouvriers ont fait remarquer que beaucoup de ces Kabyles parlant mieux la langue française que les Flamands. Les commerçants ont été un peu déçus au début considérant que ces “indigènes” ne soient pas de gros consommateurs, mais ils n’ont pas tardé à les prendre en estime en les voyant payer tous leurs achats au comptant.“De leur côté, les Kabyles ont fait part de leurs doléances à la commission. Ils se sont plaints de la présence à Marseille d’un petit groupe d’Arabes, repris de justice et malfaiteurs avérés, qui commettaient sous le couvert de la chechia, de nombreux vols et délits de toute sorte, nuisant à la bonne réputation des Kabyles. D’après ces derniers, les Italiens eux-mêmes arboreraient la chechia toutes les fois qu’il méditent un mauvais coup…”.parallelement, à Paris, des migrants employés dans les manufactures tendent à adopter complètement le costume européen et le remplacement le costume européen et le remplacement sans difficulté de la chechia qui a valu aux Kabyles de sobriquet de “Tchouk Tchouk”, par une autre coiffure.A Marseille, pour revenir à cette ville, les premiers recrutements de la communauté ont été opérés à l’huilerie Maurel et Prom. Un contremaître français de cette usine, avait habité précédemment à Tizi Ouzou. Il eut l’idée de faire venir les Kabyles pour remplacer les ouvriers Italiens en grève. Ils sont originaires de Tizi Ouzou, ville d’Azeffoun, Michelet et surtout Azazga.Les ouvriers kabyles sont reconnus bons travailleurs et disciplinés. Ils assimilent assez vite leurs métiers et fournissent un rendement égal à celui de leurs concurrents étrangers. Cependant, on reproche aux Kabyles de Marseille, leurs fréquentes visites en Algérie. Les salariés étaient de 4 Frs à 450 Frs, tandis qu’il est reconnu les mêmes droits en même titre que les français en matière d’assurance sociale.
M. Ouaneche
