Le sang dans toutes les acceptions du terme a pris une charge symbolique très prépondérante dans le monde musulman. Intégré dans la sphère privée et publique, il est devenu l’expression d’une violence larvée qui ne demandait qu’à se concrétiser dans les actes de la vie quotidienne. C’est ainsi que l’auteur, recense à travers les rites et le langage de tous les jours toutes les utilisations de ce concept et les capacités de nuisance du terme quand les illuminés le manipulent. Le sang se confond rapidement avec la ferveur religieuse en intégrant le domaine du sacré. Cette confusion des genres a engendré des catastrophes qui se sont inscrites dans la durée.Le second mérite de l’essai de Amin Zaoui, intitulé, “La culture du sang fatwas, femmes, tabous et pouvoirs”, c’est de battre en brèche certaines certitudes et idées reçues, nées en Europe, avec la montée de l’intégrisme dans le monde musulman. Il y’a comme une forme d’indulgence paternaliste chez les Européens quand il s’agit d’aborder les problèmes que posent au monde, l’extrémisme religieux. Une attitude qui manque de vigilance, de lucidité et dont, le monde occidental a découvert l’étendue de l’horreur le 11 Septembre 2001. Une attitude qui prend racine dans un passé colonial culpabilisant. Dans les différents chapitres de l’essai, Amin Zaoui, ne dévie pas de sa voie originelle, en restant dans le rôle qu’il a toujours affectionné c’est à dire celui de romancier. Le style qu’il utilise fait penser d’abord à un long conte philosophique qui se déroule depuis l’aube de l’humanité jusqu’a nos jours. La présence de l’histoire à chaque tournure de phrase, la prédominance de personnages illustres et de faits étayés par des évènements, rendent la lecture facile et attrayante. A travers ce cheminement historique, on conclut aussi que l’Europe, s’était toujours trompée dans ses diagnostics en croyant que le déchaînement des fous de Dieu a été déclenché par l’arrêt du processus électoral en Algérie.Pour valider cette contre vérité, l’essayiste plonge dans l’histoire récente de notre pays et à travers des exemples tirés des actes imputés à la politique menée depuis l’indépendance, on constate un désir profond de mettre en avant la culture de l’exclusion et de l’anathème assaisonnée de beaucoup de religiosité pour éliminer toutes les velléités de contestation et de remise en cause de l’ordre établi.Pour aller à contre courant de l’omerta qui étend son voile sur certains aspects de l’histoire du monde musulman, Amin Zaoui, convoque tous les bannis de la mémoire musulmane qu’ils soient poètes ou penseurs en dépoussiérant leurs idées et leurs œuvres. La censure officielle a tout fait pour les diaboliser. Dans le dernier chapitre, l’auteur nous dresse les portraits de certains de nos intellectuels assassinés par la horde intégriste afin que la culture de l’oubli ne prenne pas le pas sur la vitalité de la mémoire collective. Cet essai est utile pour comprendre nos travers actuels.
Slimane Aït Sidhoum
“La culture de sang, fatwas, femmes, tabous et pouvoirs/par Amine Zaoui ; aux éditions Serpent à plumes”.
