Le roi des chanteurs berbères Matoub Lounès sera réhabilité cette année à l’occasion du cinquantenaire de sa naissance. L’événement revêt une importance historique quand on connaît la censure et l’ostracisme dont il fut victime jusqu’à aujourd’hui de la part des autorités officielles. Aussi étrange que cela puisse paraître, bien qu’il soit le chanteur le plus écouté par les Kabyles, Matoub Lounès n’est jamais passé à la Télévision algérienne. Il est d’ailleurs l’artiste algérien d’envergure à être encore censuré par la télé officielle. mais cette exclusion injuste à l’égard d’une sommité artistique pareille (Matoub est l’artiste kabyle qui vend le plus de CD et de cassettes) tire vers sa fin car l’injustice ne peut pas durer éternellement. Vendredi 21 avril à 17 heures et pour la première fois, des millions d’Algériens et de Kabyles en particulier seront postés devant leur téléviseur pour voir le Rebelle chanter et des spécialistes et autres universitaires analyser son œuvre musicale et poétique. Il s’agit de l’émission Tamurt negh, du brillant animateur Chérif Mammeri. Depuis plus de deux mois, l’équipe de cette émission a sillonné la Kabylie en passant par le village natal de Matoub, Taourit Moussa et a préparé un menu aussi riche que diversifié pour signer la grande réhabilitation de cet artiste qu’aucun pouvoir n’a pu domestiquer. Le deuxième volet de cette réparation historique est que le huitième anniversaire de l’assassinat de Matoub sera commémoré à la Coupole d’Alger. Ceux qui seront restés fidèles à Lounès se retrouveront donc pour marquer dans la fraternité et la communion ce jour douloureux et pour dire que le sacrifice du Rebelle ne sera jamais vain. Matoub a payé de son sang son engagement pour la liberté, pour tamazight et contre l’intégrisme.Faut-il rappeler que durant les longues années de terrorisme, alors que beaucoup d’intellectuels et d’artistes ont fait le choix tout à fait légitime de l’exil, Matoub aux côtés de quelques démocrates ont fait le choix d’affronter le danger islamiste en opposant des idées aux armes du GIA. Cette reconnaissance n’est que justice rendue à cet homme dont le courage téméraire n’avait d’égal que le talent artistique, ayant révolutionné la chanson kabyle de fond en comble. Le troisième événement majeur, qui marquera cette opération de réhabilitation et donnera un nouveau visage de l’Algérie et qui honorera le pays, c’est le colloque international sur l’œuvre et la vie de Matoub Lounès qui se tiendra à l’université Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou en septembre 2006. En organisant ce colloque à l’université, Matoub est enfin admis dans les institutions de la République après en avoir été écarté de manière délibéré et arbitraire pendant des décennies, alors que si l’Algérie est encore debout, si l’Algérie n’est pas devenue une république islamique, si l’Algérie respire la paix et la fraternité aujourd’hui, c’est grâce à des hommes comme Matoub Lounès.
Aomar Mohellebi