Hier et aujourd’hui

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Par Mohamed Bessa

Après deux hausses l’année passée, Sonelgaz réclame de nouveau une augmentation des prix du gaz et de l’électricité. Selon ses responsables, les ménages ne paient, à l’heure actuelle, que près de 75% du coût du kilowattheure. Comme pour la farine panifiable et le lait, derniers produits de consommation à être encore subventionnés, le différentiel est, va-t-on sans dire, supporté par le Trésor public. C’est que l’électricité est déjà trop chère, à peine compatible avec le pouvoir d’achat des ménages. Tellement chère que, quoique riches, les parlementaires et les ministres s’en inquiètent à l’unisson. « Le gouvernement procède actuellement à une étude pour le recensement des citoyens ayant besoin de l’aide de l’Etat, ce qui permettra la réduction de la facture d’électricité pour un nombre limité de bénéficiaires », répondait à un député, pas plus tard qu’il y a une semaine, le ministre de l’Energie et des mines. Le représentant du gouvernement jure même que « l’Etat a pris des mesures pour réduire la facture pour tous les citoyens et appuyer les activités économiques ». Il y a là un petit air de contradiction, mais passons. Et, faut-il y voir une relation de cause à effet ?, les piratages sont en hausse. Presque un fait de société comparable au hacking qui cible les bouquets satellitaires.La société d’électricité a, bien entendu, tenté de contrer le phénomène mais sans grand succès. Obligation était d’abord faite aux abonnés d’installer les compteurs sur les façades des habitations, bien en vue d’éventuelles opérations de contrôle. Outre d’avoir enlaidi un cadre urbanistique déjà bien lamentable, l’initiative s’est avérée très peu productive. On passe à l’installation de compteurs digitaux. Ceux-ci s’avèrent vite de peu d’efficacité face à la ténacité des fraudeurs qui parviennent à parasiter leur fonctionnement et à leur faire afficher ce qu’ils veulent pendant que les agents de Sonelgaz n’y voient que du feu. De guerre lasse, la Sonelgaz envisagerait même d’abandonner ces compteurs sur lesquels elle avait fondé tant d’espoirs. Selon un chiffre rendu public récemment, la consommation illégale d’électricité est évaluée à près de 25 % du chiffre d’affaire de l’entreprise. Immense !Sonelgaz n’est pas une boîte comme les autres. Evoluant dans un environnement de non-concurrence, elle est, avec l’ENTV, l’une des ultimes sphères d’unicité anachronique. Son fonctionnement emprunte autant au mode dirigiste administratif qu’à celui commercial libéral. Pendant que la patate se vend logiquement moins chère à Mascara qu’à Alger, le prix de cession de l’électricité continue d’être établi suivant un système de péréquation nationale qui harmonise les coûts de production obtenus dans diverses régions géographiques et selon divers procédés de génération. Lorsque ses responsable évoquent ces fameux 75% qui seraient, selon eux, facturés aux clients, on ne sait si le calcul englobe les 25% débités en toutes pertes ou pas. Les prix actuels seraient sans doute établis au point d’équilibre si ces pertes ne venaient fausser tout. Et dans l’atypique position qui est la sienne, ne serait-il pas du droit de chaque citoyen de savoir si les affaires de Sonelgaz sont bien tenues puisque sa position monopoliste lui aliène le droit de zapper ailleurs. Est-il possible de produire de l’électricité pour moins cher et avec un standard de service meilleur ? Il y a, chez Sonelgaz comme une inclination mécanique à se défausser sur la facilité. Dans l’incapacité de stopper l’hémorragie que lui font les « abonnés pirates », elle se rattrape en saignant à blanc les derniers demeurés qui se retiennent encore de shunter le compteur. C’est globalement selon le même schéma qu’opère le fisc. Alors que le ministre des Finance « avouait  » que plus de 30% des entreprises ne déclarent aucune comptabilité, les responsables du fisc alignent les bons chiffres de l’extraction fiscale.Les directions de wilaya étant tenues par des « contrats de performances » qui stipulent des objectifs de « production », celles-ci rivalisent d’ingéniosité pour matraquer les bons contribuables et, bien sûr, s’offrir les primes de rendement indexées sur le volume des recouvrements. A Sonelgaz comme au fisc, on équilibre avec ceux qui paient ceux qui vivent à l’œil. Des politiques que seuls des positions de pouvoir ou de monopole rendent possibles. Qui gratifient le mauvais et gonflent ses rangs.Comme une sentinelle du type « no passaran ! »,il était tous les jours là à veiller sur la grosse barricade qui bouchait l’un des plus grands carrefours d’Akbou. Il ne levait le pied que les jours où la ville manifeste de tels signes d’étouffement qu’il devenait nécessaire de faire momentanément cesser le blocus des routes. Et puis un jour, à la faveur d’une petite « perm », ses yeux s’ouvrent sur une amère réalité qui le décide à tout plaquer. « Je suis monté dans un bus, et figurez vous, il a refusé que je paie ma place ! », racontait-il tout bouleversé. Oui, dans l’esprit du transporteur, notre héros, auquel ont échu des pouvoirs de régulation de la circulation routière n’est qu’un gendarme d’un nouveau genre auquel il convenait de rendre les mêmes marques de dévouement. Moralité ? Il y en a tant qu’on voudra. D’abord, qu’il ne sert à rien de combattre un adversaire si on n’a pas soi-même rompu avec ses valeurs et sa mentalité. Interrogez les prophètes, de David à Mohamed, les héros, de Gandhi à Mandela en passant par De Gaulle. 2001, le Printemps noir c’était il y a cinq ans. Mais c’est comme si cela datait d’hier, vendredi.

M.B.

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