Grignons et margines sont des déchets des plus polluants rejetés en grande quantité par les huileries, menaçant les terres agricoles et l’environnement.
La daïra de M’Chedallah compte parmi les régions de la wilaya à fort potentiel agricole. Avec un verger dont la superficie frôle les 2 000 ha, constituant près de la moitié de la superficie totale, l’oléiculture arrive en tête des filières agricoles dans la daïra. En termes de superficie agricole dédiée à cette culture et surtout de production de l’huile, la daïra est classée première à l’échelle de la wilaya. Dans la daïra, il est recensé environs 80 huileries dont plus de la moitié sont concentrés au niveau de la plaine du Sahel, où il existe un important verger oléicole. Parmi toutes ces unités de transformation, on trouve des traditionnelles mais aussi beaucoup de presses ultra modernes. Ces unités, dont beaucoup ont été mises en marche depuis quelques jours, emploient près d’un millier de personnes, soit dix ouvriers par unité de trituration. Ce créneau a connu un boom ces dernières années et a vu l’arrivée de nouveaux investisseurs et l’installation de dizaines d’unités. Cela est rendu possible grâce aux différentes aides de l’Etat et aux facilitations introduites dans le cadre du soutien à l’agriculture et au renouveau agricole. Un autre facteur a aussi permis l’essor de la filière ; le gain et la rentabilité. Durant les quatre mois que dure la campagne oléicole, il y a des milliers de quintaux d’olives à triturer. Dans la région, toutes les familles possèdent un verger oléicole et cette filière constitue une des principales ressources des populations locales. Ceci dit, la plupart des huileries de la région ont démarré la trituration de la récolte d’olives dans les mêmes conditions de pollution que les années précédentes. Grignons et margines, qui sont des déchets très polluants que rejettent en grande quantité ces unités, seront de nouveau relâchés dans la nature tout le temps que durera la campagne oléicole, soit du début décembre à fin avril. Certes, il existe certaines techniques pour réduire les retombées négatives de ces matières sur l’environnement comme les bassins de décantation pour filtrer la margine et l’enfouissement du grignon, mais peu de propriétaires d’huileries appliquent ces procédés, comme en témoignent les rigoles noirâtres de la margine qui coulent dans la plupart des cours d’eau de la région. C’est le cas au niveau d’Assif Lavaal, Oued Ouakour, Tiksiridene qui se jettent en totalité dans l’oued Sahel, un de plus importants cours de la région qui prend naissance dans la région du Sahel pour finir sa course en mer méditerranéenne sur les côtes de Béjaïa. Actuellement, ce cours d’eau est transformé pour la circonstance en collecteur géant de la margine, au point où son eau change de couleur pour virer à la violette. La margine qui contient un taux élevé d’acides, en plus d’exterminer toutes les espèces animales qui vivent dans ces cours d’eau tels que les poissons, crabes, asticots et grenouilles, tue aussi le tissu végétal des lits d’oued qui sert de protection contre l’érosion de façon naturelle. La plupart des 80 huileries de la daïra de M’Chedallah et autant pour celle de Bechloul sont implantées le long de la vallée du Sahel et contribuent aussi par ces rejets de margine à la pollution des nappes phréatiques.
Le grignon est jeté dans la nature
Le grignon provoque les mêmes effets de pollution, étant déversé par certains énergumènes à l’intérieur même de ces lits d’oueds. Les propriétaires d’huileries qui sont, pour rappel, classées dans la catégorie des unités à caractère industriel se débarrassent de cette matière polluante comme ils peuvent, c’est à dire en la jetant par chargements entiers en pleine nature. Du temps de l’occupation coloniale, les colons qui exploitaient près de 80 % des terrains agricoles de la légendaire plaine d’Oughazi, actuelle vallée du Sahel, expédient le grignon en France pour être transformé en savon en morceau d’une célèbre marque de cosmétique. C’est aussi une matière qui sert de composant dans l’aliment de bétail à cette époque. Hélas, cette récupération a été abandonnée depuis l’indépendance, soit depuis le départ des colons. Le grignon servait aussi pour le chauffage à grande échelle. Mais avec l’arrivée du gaz naturelle dans la région et au niveau des localités de montagne, les citoyens ont cessé de l’utiliser. Au vu de cette situation aux répercussions néfastes sur l’environnement, il est temps que l’Etat se penche sur ces deux polluants pour réduire leur effet destructeur sur l’écosystème. Des mesures qui s’imposent, contraindre les propriétaires des huileries de se conformer aux cahiers des charges régissant l’activité de transformation des olives, en procédant à l’installation de bassins de décantation pour la margelle. Quant au grignon, des unités de transformation de cette matière pourraient être mises en place avec l’encouragement des investissements dans ce créneau qui reste encore vierge. Il est aussi temps de relancer les projets des unités d’épurations des eaux de l’Oued Sahel, jetés aux oubliettes depuis plus d’une décennie. Car au rythme où vont les choses, des dégâts incommensurables sur l’environnement et la santé publique sont à craindre dans un futur proche.
Oulaid Soualah.

