Mme Baziz-Cherifi est une écrivaine de talent qui a à son actif deux romans et plusieurs recueils de poésie. Lors du dernier Salon international du livre, elle a présenté son dernier roman sociétal où elle traite du sujet de ce qu'on appelle en kabyle Amjah. Les victimes sont ces hommes qui sont allés chercher le meilleur en France, et qui, de désillusions en désillusions, se retrouvent incapables de retourner au pays natal, honteux d’avoir, souvent malgré eux, déçu les leurs. Une situation vécue par plusieurs générations et qui reste encore un tabou.
La Dépêche de Kabylie: Parlez-nous d’abord de votre premier roman Principes et amertume qui se présente comme un roman autobiographique d’une fille instruite en quête d’émancipation ?
Ouarda Baziz-Cherifi : En effet, ce premier roman sociétal est tiré d’une histoire réelle qui est la mienne. C’est en quelque sorte une autobiographie qui relate l’histoire d’une jeune fille des années 1980, instruite et éprise d’émancipation, qui fait face à des tabous que dresse devant elle une société fermée et conservatrice. Une fille qui ne partageait pas ses rêves et ses objectifs avec la famille aux coutumes et traditions rétrogrades. C’est le parcours d’une fille qui voulait s’ouvrir sur la société, s’émanciper et casser certains tabous. Une fille qui se heurte à la fois à une famille conservatrice et sectaire, et à un environnement social complètement rétrograde.
Qu’en est-il de votre nouveau roman Les survivants de l’oubli, sorti dernièrement ?
Dans «Les survivants de l’oubli», mon dernier bébé littéraire qui vient de naître au SILA 2018, je parle beaucoup de la Kabylie. Ayant beaucoup vécu ici, je sais parfaitement les significations qui entourent ce qu’on appelle « Amjah », le thème traité dans cet ouvrage. C’est aussi une histoire réelle. Comme vous savez, beaucoup d’hommes des villages retirés de Kabylie sont allés chercher le meilleur de l’autre rive de la méditerranée. Donc, c’est l’histoire de Malik qui tenta sa chance à Paris, en laissant sa petite famille au pays. Il est resté trois décennies en exil sans revoir sa femme et ses enfants. Il avait honte de rentrer les mains vides, des qu’en dira-t-on, des commentaires et des propos malveillants de la communauté villageoise. Mais, il arrive que des miracles se produisent dans la vie pour que Malik revienne au pays. Je laisse au lecteur de découvrir le dénouement de cette histoire.
On sent en vous lisant qu’il y a beaucoup de blessures non cicatrisées…
Beaucoup de gens me disent que tu écris beaucoup de textes tristes. Je ne suis pas triste de nature mais certaines choses me rendent triste. Il y a des choses qu’on peut extérioriser dans la joie, le rire ou le sourire. Par contre les choses qui nous heurtent, qui nous font mal ou qui nous irritent ne peuvent pas être exprimées avec des « mots ». C’est pour cela que j’écris mes blessures dont certaines sont rangées. Elles font partie de mon vécu et de celui des autres, bien sûr. Mais certaines blessures ne cicatrisent jamais, et ça, tout le monde le sait.
Entretien réalisé par Mohand Ibersiène

