Solitude et nostalgie

Partager

Le nouveau livre d’Arezki Metref publié chez “Domens” (France) est un reflet de la vie intérieure d’un exilé malgré lui. On reconnaît que c’est de lui qu’il s’agit, au fil des pages, car l’histoire est celle d’un écrivain qui fuit son pays plongé dans le terrorisme islamiste. Le personnage vit et travaille à Alger. Il exerce son métier avec amour et abnégation, comme tout journaliste qui se respecte. Quand les terroristes commencent à s’en prendre aux citoyens puis aux journalistes et écrivains, la phobie gagne le journaliste qui voit des terroristes partout. La psychose le prend en tenaille. Il tente de s’abriter à Tizi Ouzou, une ville qui n’est pas concerné par le phénomène au départ mais même dans la ville des Genêts le fantôme le poursuit. Toute personne qui s’approche de lui est un terroriste potentiel. Il n’en peut plus : “J’ai pris la décision de partir, de quitter le douar au moins pour quelques jours. Le temps de souffler un peu, emplir mes poumons d’oxygène laïque et démocratique. Je veux une alternance, moi aussi. Je veux le suffrage universel”.Le journaliste qui est aussi poète sait que partir est une décision difficile. Mais comment rester quand il y va de sa vie ? Pour sauver sa peau (son âme aussi), notre poète est convaincu qu’il ne reste plus que l’avion. Il a peur de cet exil inévitable mais ce qu’il vivra en étant à Paris va lui montrer combien la déchirure de la séparation d’avec la terre natale est profonde et indicible. Au début, il n’y aura que cette peine se résumant en un seul mot : la nostalgie, mais à elle seule, cette nostalgie suffit pour le faire souffrir. Son âme s’étiole au fil des jours et des mois. Il n’a jamais pensé auparavant que c’était aussi difficile que ça. Viendra un autre mal aussi profond. C’est le problème identitaire qui, en se greffant à la nostalgie finit par le rendre complètement amorphe. Arezki Metref raconte l’histoire de cette dame française, dans un métro qui, en reconnaissant que son vis-à-vis est algérien, est prise de panique. Elle change de place. C’est cela vivre en France pour un Algérien. Metref se souvient dans son livre, de Slimane Azem, qui chantait déjà en son temps, la douleur d’être exilé. Metref parle brièvement du milieu des écrivains dans la capitale culturelle du monde à Paris. Il cite Mohammed Dib et Assia Djebbar, deux sommités comme il n’y en a plus et il se demande si un jour, il aura droit à un espace dans “Le monde des livres”. Ce livre est une sorte de journal intime, écrit à la deuxième personne. On peut penser que c’est la conscience de l’auteur qui lui parle ou encore, son ascendant laissé au bled, alors qu’il y a quelques décennies, lui aussi, était pris dans les serres de l’exil qui consume.Arezki Metref se souvient aussi de son ami, Tahar Djaout, premier écrivain, journaliste algérien à être assassiné, par les terroristes islamistes. Douar, une saison en exil est un long poème, ce n’est pas un roman, bien que certains passages en ont les caractéristiques, ce n’est pas non plus un récit, car tout est voilé dans de belles phrases courtes qui respirent le lyrisme et la kabylité.Arezki Metref vit en France depuis 1993. Son premier livre est publié en 1974. C’est un recueil de poèmes intitulé Mourir à vingt ans. En 1996, il a publié un roman chez Marsa : Quartiers consignés. Il a aussi écrit plusieurs pièces de théâtre. Son nouveau livre est dédié à Sadek Aïssat, un autre écrivain trop tôt happé par l’exil ultime.

Aomar Mohellebi

Partager