Othello en allemand, un Hamlet sud-africain, Titus Andronicus en japonais: un festival sans précédent, qui s’ouvrira dimanche à Stratford-on-Avon, sa ville natale (centre de l’Angleterre) verra l’oeuvre complète de Shakespeare jouée sur scène pendant un an par des compagnies du monde entier. Le coup d’envoi de ce Festival coïncide avec le 442e anniversaire de la naissance du dramaturge (1564-1616). Une procession partira de la maison où il est né jusqu’à l’Eglise de la Sainte Trinité où il est enterré, dans laquelle le chef de l’Eglise anglicane Rowan Williams devra prononcer une messe.Venues de pays aussi lointains que la Chine ou le Brésil, dix-sept compagnies du monde entier mettront en scène leurs propres versions des oeuvres de Shakespeare, souvent dans leurs propres langues, prouvant l’universalité d’un des plus grands dramaturges occidentaux.Une cinquantaine de productions seront jouées dans sept théâtres de la ville, située à quelque 150 kilomètres de Londres. La vénérable Royal Shakespeare Company (RSC), fondée en 1962 par Peter Brook et Peter Hall, présentera 23 productions, tandis que quatorze autres seront mises en scène par d’autres compagnies britanniques.Richard de Bagdad situera l’action de Richard III dans l’Irak de Saddam Hussein dans les années 80.Le très prestigieux Berliner Ensemble, fondé en 1949 par Bertolt Brecht, présentera une mise en scène de Richard II par son directeur Claus Peymann.Théâtre d’avant-garde polonais, le Theatr Piesn Kozla présentera une pièce inspirée de Macbeth, tandis que Yellow Earth jouera le Roi Lear en mandarin et anglais.Souvent iconoclaste et dérangeant, l’italien Pippo Delbono, une des figures du théâtre contemporain, sera de la partie. Il présentera pour la première fois au Royaume-Uni : Enrico V (Henri V) qu’il avait déjà joué au Théâtre du Rond-Point à Paris. Intégrant des acteurs non-professionnels, sa mise en scène mélangera la danse, la musique et le cabaret.Le Tiny Ninja Theatre new yorkais présentera Hamlet jouée par des figurines ninja en plastique. La compagnie s’était fait remarquer par ses acteurs inattendus en jouant Macbeth en 2000, à New York. La pièce était partie en tournée aux Etats-Unis et en Europe, dans des théâtres de 70 places, où les spectateurs ont reçu des jumelles d’opéra. »C’est une très grande joie. J’ai réellement été touchée de l’intérêt des compagnies étrangères et de voir combien Straford et la RSC sont importants pour elles », a expliqué à l’AFP Deborah Shaw, directrice de la RSC, qui organise le festival.L’appel universel de Shakespeare est « fascinant », “de même que voir comment d’autres cultures réagissent aux thèmes de pièces écrites, il y a cinq siècles, relève Mme Shaw.Que le festival « s’arrête à Douvres », en ne faisant appel qu’à des troupes britanniques, aurait été « impensable ». »Il est le poète du monde entier, par ses thèmes universels, son humanité, son exploration de ce que signifie être un être humain », explique-t-elle. Les gens « réagissent à ses thèmes: le pouvoir, l’amour, la jalousie, la vengeance ».L’ampleur de ce festival montre la nouvelle vigueur de la Royal Shakespeare Company qui a connu ces dernières années, une passe difficile. La compagnie s’embarquera ensuite dans la rénovation, pour 100 millions de livres, du Royal Shakespeare Theatre de Stratford et du Swan Theatre adjacent.Son fondateur, Peter Hall, présentera Mesure pour Mesure jouée par sa propre compagnie.Ce rendez-vous théatral sera une source d’inspiration pour la RSC. « Le but de ce festival est de renouveler notre inspiration, de nous remettre en question face aux autres », a expliqué Deborah Shaw.Et les ventes de billets montrent déjà que le public suit: « Nous sommes tellement entourés d’une culture à bon marché, de mauvais goût que les gens aspirent à plus d’intégrité, plus de profondeur, quelque chose qui enrichisse vraiment leur esprit », dit-elle.
Synthèse : A. M.