Ils sont médecins, infirmiers, ambulanciers et quelques superviseurs administratifs. Leur métier d’urgentistes fait d’eux des êtres hors du commun. Des êtres humbles et dévoués qui tâchent chaque jour que le bon Dieu fait, de préserver des vies humaines où, quand les conditions s’y prêtent d’en sauver quelques unes. Une nuit passée dans les locaux du SAMU de Tizi Ouzou nous apprendra davantage sur ce métier.C’est à 19h tapantes que nous atterrissons chez les deux brigades de garde du SAMU. Nous avons rendez-vous avec le médecin en chef, M. Berchiche Abdelhafid avec lequel nous avons déjà finalisé toutes les démarches préparatives de cette sortie. Dès notre arrivée, notre interlocuteur (qui s’est rapidement reconverti en guide) entreprend de nous présenter l’ensemble de l’effectif mobilisé pour cette nuit. Il s’agit de deux médecins urgentistes, deux infirmiers et deux ambulanciers. A six ils forment deux brigades d’intervention. Les deux équipes sont dotées de deux chambres de garde. Elles se font face tout juste à l’entrée du couloir. Le deuxième bureau sur la gauche est celui du centre de régulation. C’est le point névralgique de toute la structure. Un médecin régulateur y est affecté 24h sur 24h pour recevoir les appels, filtrer les plus urgents, puis décider de la sortie (ou pas) des ambulances. Quand la sortie n’est pas jugée nécessaire, le médecin régulateur s’attèle à conseiller l’appelant et lui fournir des conseils médicaux adéquats au cas du patient. M. Berchiche, qui nous invite à prendre place dans son bureau, nous a fournis un tas d’éléments sur ce métier que nous ne connaissons que la façade, son fonctionnement et ses structures. Il nous explique, tout d’abord que le SAMU opère deux sortes d’interventions : les primaires et les secondaires. Si les premières sont inhérentes à l’urgence extrahospitalières (celle effectuée du domicile des patients vers le CHU), les secondes elles, sont interhospitalières, et elles consistent notamment en les transferts d’urgence vers des spécialités inexistantes au CHU de Tizi Ouzou, telles que la chirurgie cardiovasculaire et les brûlures. ce genre de transferts atteste notre interlocuteur, s’effectuent généralement vers la capitale.Pour ce qui est des activités du SAMU, nous nous apercevons qu’elles sont beaucoup plus importantes qu’on ne le croyait. Cette structure de médecine d’urgence a vu le jour, à Tizi, le 7 avril 2004. En cette même année, elle a effectué pas moins de 92 interventions par mois, soit, en moyenne trois sorties quotidiennes. En 2005, les statistiques ont grimpé à hauteur de 144 interventions dont 96 ont été qualifiées de primaires. Ce bilan d’activité paraît encore plus exhaustif quand on sait qu’en 2004, le SAMU Tizi Ouzou a reçu 1089 appels d’urgence et opéré 754 sorties, 281 cas ont été traités à domicile et le médecin régulateur s’est chargé de conseiller et d’orienter l’appelant 335 fois.La structure a néanmoins enregistré en cette année 2004, 38 cas de sorties infructueuses ou de faux appels.Pour 2005, les chiffres ont carrément doublé pour atteindre la barre des 2170 appels, dont 1739 interventions et 747 cas de traitement à domicile. Pour information, les gardes du SAMU sont composées de quatre équipes se relayant 24h sur 24, de 9 h du matin jusqu’à 9h du lendemain. Pourvue de deux ambulances, la structure s’est organisée de manière à mobiliser chaque jour, deux brigades mobiles, composées chacune d’un médecin urgentiste, un infirmier et un ambulancier. Toutefois, et croyant savoir que nous avons tout compris du fonctionnement du SAMU, notre interlocuteur entouré de médecins et des infirmiers de garde, se met à nous étaler une nuée d’éléments complémentaires sur leur métier. Des éléments que nous avons trouvé tout aussi primordiaux, puisque certains d’entre eux peuvent entraîner une baisse, un déséquilibre ou une perturbation de leur activité qu’on sait vitale. Il s’agit tout d’abord de ces appels provenant de personnes qui font tout pour donner un air d’urgence à leur cas, allant jusqu’à exhorter le médecin régulateur de faire déplacer l’ambulance. “Des situations comme cela, on en connaît beaucoup. Notre déception ne se vérifie qu’en arrivant sur place, pour trouver un malade pas aussi mal au point qu’on nous l’a décrit…!”, s’exclame, dépité le médecin en chef, avant d’ajouter sur un ton sentencieux : “Le numéro du SAMU est très important, il ne faut pas jouer avec ! quand une personne nous retient avec un cas non-urgent il risque de nous faire perdre une vie humaine. J’espère que le public a bien reçu ce message”.Autre facteur de désagrément : le périmètre d’activité du SAMU. Il faut savoir en effet, que cette structure n’opère que sur des zones urbaines, couvrant la ville de Tizi Ouzou et ses alentours immédiats. Les sorties des équipes de garde ne peuvent par ce fait, se faire en dehors de la ville.Or, de nombreux citoyens sollicitent les services du SAMU même quand ces derniers sont des bourgs les plus lointains de la Kabylie.Dans ces cas, le SAMU oriente les appelants directement à la Protection civile.
Les sorties nocturnes : la spécialité du SAMUIl était 20h30 quand nous finissons notre long briefing. La nuit ne fait que commencer.Pour meubler notre mission, nous décidons d’inspecter les parages. Les ambulanciers et les infirmiers devisent tranquillement à l’extérieur, juste à l’entrée de leur siège. Ce dernier, hérité du service des urgences, partage le même hall que celui de la radiologie. Tous les admis au nouveau local des urgences y font inévitablement escale. Pendant de longues minutes, nous assistons à un incessant va et vient de cortèges d’urgence. Les scènes sont parfois intenables. Nous nous réfugions dans le siège du SAMU. A 21h, le médecin régulateur nous apprend qu’il vient tout juste de recevoir un appel d’urgence. Nous préparons nos bagages ; c’est l’heure de sortir. Nous embarquons dans l’ambulance à destination de la Nouvelle-Ville. Le médecin et l’infirmière sont devant. Tout ce qu’on sait pour le moment c’est qu’il s’agit d’une vieille femme victime d’un malaise. Arrivés à hauteur de la cité des 600 logements, un parent de la patiente (probablement son fils) nous fait signe. C’est lui qui va nous mener au domicile familial, sis sur une interminable allée de bâtiments.L’ambulance atteint sa destination à peine dix minutes après avoir été alertée. Le médecin s’empare de son sac de soins et file vers la patiente. L’infirmière le suit de très près. On n’osera pas les accompagner. Notre présence, tout comme celle de notre photographe, risque de susciter quelques tensions au sein de cette famille, bouleversée par la dégradation de l’état de santé de leur mère. Nous nous faisons donc très discrets. L’intervention du SAMU durera près d’une heure. A son retour, le médecin nous fait savoir que la patiente, âgée de 78 ans, souffrait d’une forte crise de douleur à l’abdomen. Après la prise des constances, le médecin diagnstique son cas et entreprend de soulager sa douleur. Elle a été traitée sur place. Son cas ne nécessitera pas son transfert à l’hôpital. Elle sera toutefois “instruite” d’aller revoir son médecin traitant dès le lendemain.De retour au CHU, nous étions contraints d’avaler les heures et les minutes sans que quoi que ce soit ne se passe. La nuit a été trop calme. Le SAMU n’effectuera aucune autre sortie. Nous quittons les lieux au lever du jour, convaincus que notre mission d’informer a été en partie réussie. Celle du SAMU, nous nous sommes dit, est bien réussie même… quand ils ne sortent pas !
Ahmed Benabi