De notre envoyée spéciale à Oran : Naïma B.
Pour lutter contre la criminalité, et dissuader les éventuels délinquants, le groupement de la Gendarmerie nationale de la wilaya d’Oran a effectué une opération dans plusieurs quartiers relevant de sa compétence, du 29 avril au 5 mai derniers. Dénommée opération ‘’Couperet”, 1 250 éléments y étaient engagés.Nous les avons suivi dans les quelques quartiers ciblés, où la misère sociale est souvent associée à ce phénomène destructeur.Les mauvaises conditions climatiques, qui ont coïncidé avec le dernier jour de l’opération à laquelle nous avons assisté, ont rendu la tâche des plus difficiles et les “activistes” plus ‘’réservés’’, vu le mouvement qui y était réduit à son strict minimum. En dépit de cela, nous avons eu droit à notre “randonnée”.
Hai Essabah et oued Djer ; l’activité au minimumC’est sous une pluie fine que nous pénétrons à Haï Essabah, un lieu connu par sa grande criminalité. Cette cité populaire ressemble à toutes les autres. En s’y rendant, par ces conditions climatiques défavorables, tout semble au beau fixe.L’animation était réduite, seuls quelques individus habitants le quartier vaquaient qui pour faire ses achats qui pour s’approvisionner en quelque chose. La sortie est donc réduite à son strict minimum. En cours de chemin, nous croisons quelques jeunes, ils sont aussitôt fouillés par les gendarmes, mais la fouille est infructueuse. D’autres passants sont soumis à la même procédure. Le résultat est le même. Entre ces bâtiments de cinq étages chacun un camion transportant des bouteilles de gaz butane est stationné. Les habitants y vont, pour s’y approvisionner… Dans cette cité populaire, notre “action” n’a pas pour autant secoué la routine. Après Haï Essabah, nous atteignons Oued Djer. Ici des clandestins marocains et africains sont arrêtés dans un bus. Ils se dirigeaient de Tlemcen vers Alger. C’est à partir de leurs cellules dans la brigade de l’USTO qu’ils nous exposeront leurs situations. “Nous sommes des sportifs, ne pouvant avoir de bonnes conditions de pratique chez nous, on espère les trouver ici…”, nous dit l’un d’eux. “Nous avons déposé nos dossiers pour régularisation” nous dira un autre. Chose qui ne peut convaincre les gendarmes puisqu’ils doivent travailler avec preuves. Plus bas, les gendarmes sillonnaient les cafés. A l’intérieur de l’un d’eux, la clientèle suivait un match de football en cet après-midi du jeudi. Plusieurs jeunes sont fouillés, sur l’un d’eux, on trouve des comprimés les menottes lui sont passées et il est aussitôt embarqué. A l’extérieur, El Hadj Lakhdar, avec sa Djellaba et du haut de ses 75 ans nous fait part de l’épineux problème d’absence d’eau dont souffrent les habitants du quartier, l’eau du robinet étant salée, ils procèdent à l’achat de cette matière vitale. “Nous payons une citerne d’eau à 400 DA, et un bidon de 5 litres à 10 DA” nous affirme-t-il. L’opération “Couperet” suit son cours. Nous arrivant au milieu des habitations. Un jeune est assis derrière sa table vendant ; des bonbons, des cigarettes, cacahuètes, etc. Les gendarmes procèdent à la fouille. A l’intérieur de son étal de fortune, et sous une sorte de moquette, un sabre et un gourdin sont récupérés. “C’est pour ma défense que je les détiens’’ dira –t-il aux gendarmes, des mots qui reviennent souvent dans pareils cas.
El Hassi quand la misère rime avec criminalitéNous arrivons au quartier ‘’El Hassi’’, un des points qu’a également ciblé l’opération “Couperet”. “Ce lieu est réputé pour être un fief du crime et un nid de délinquance”, nous dit-on.Ce quartier a vu le jour durant les années du terrorisme. Les habitants, aujourd’hui au nombre de 35 000, sont venus de plusieurs wilayas limitrophes, l’insécurité oblige. Ils ont fui le terrorisme à partir de 1992, pour y trouver abri et préserver leur vie.L’endroit a plusieurs appellations, El Hassi pour certains, Bouamama pour d’autres et encore bien d’autres appellations. Même au niveau de l’administration, le problème n’est pas réglé, et un consensus sur l’appellation n’a pas été encore trouvé…. Sur les cartes nationales, deux voisins se trouvent mentionnés deux adresses différentes.C’est au lieu dit “Koka” sur l’axe Oran-Aïn Turk que nous quittons la route pour pénétrer dans la réalité du quartier.A cet endroit, un bus s’arrête. Les gendarmes inspectent son intérieur et fouillent quelques jeunes, rien à signaler. Poursuivant notre chemin, nous empruntons une piste boueuse, des nids de poule y sont fréquents. L’eau de pluie qui s’était abattue quelques heures plutôt y stagne. Ici, il faut choisir où mettre ses pieds, au risque de tomber dans un “lac”. Les pieds enrobés de boue nous continuons notre “randonnée”. Les habitations sont plus ou moins précaires. Une foule de bambins curieux, accompagne notre “délégation” tout au long des ruelles.Leur grand nombre renseigne sur la forte concentration de la population dans l’endroit. Notre attention est attirée par “le phénomène des claquettes” qui chaussent la majeure partie de ces enfants. Les pieds plongés dans la boue, les bambins, probablement habitués, semblent parfaitement à l’aise, dans leurs tenues crasseuses pour certains d’entre eux. Par endroits, nous croisons des chariots tirés par des baudets, avec la tête ornée de fleurs… Cette manière d’autrefois, pour approvisionner les habitants, résume à elle seule leur situation et leur quotidien des plus ardus. Les fouilles se font au fur et à mesure de notre avancée. Un vendeur de légumes sur ces chariots est interpellé. On le fouille ainsi que sa marchandise, sans résultat…Nous arrivons au niveau d’un ensemble d’habitations de fortune qui apparaissent au milieu d’une décharge collective. Une situation qui ferait mal au cœur le plus endurci. Les habitations se trouvent dans un ravin. En amont, les déchets ménagers y sont jetés.
D’en haut nous apparaît un enfant qui fouille dans l’amas d’ordure….“Ce sont des habilitations déjà démolies, dont les habitants sont transférés dans des logements décents, les lieux sont occupés”, à nouveau nous dit le colonel Ibn Naâmane Med Tahar,chef du groupement de la gendarmerie d’Oran.Tout au long des ruelles, l’atmosphère est irrespirable. Une odeur nauséabonde nous accueille à l’entrée.Arrivant au niveau du souk, une foule compacte entourait un guérisseur. A l’aide d’un mégaphone,sa voix se répand dans tout le souk. Il interpelle les gensvantant ses services et remèdes “exceptionnels” pour les migraines, diabètes, problèmes digestifs, etc. Dans les magasins de fortune existant, des légumes, des fruits, ainsi que des viandes sans les moindres précautions d’hygiène y sont vendus. A quelques pas, un troupeau de chèvres fouille dans une décharge collective, s’y trouvant. Dans son ensemble, la dernière journée de cette descente, où les conditions climatiques n’ont pas clémentes n’a été marquée que par quelques résultats…
N. B.
