6 ans de prison et 2 millions DA d’amende pour le régisseur indélicat

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Dans l’affaire de détournement de déniers publics que le tribunal criminel de Béjaïa a eu à traiter dimanche dernier, le prévenu, alors qu’il est accusé d’avoir dilapidé plus d’un milliard 400 millions de centimes, ne reconnaît avoir falsifié que trois quittances d’un montant global de l’ordre de 4000 DA. Ce procès est caractérisé par sa durée qui s’est étalé de 9h 30 du matin jusqu’à minuit et par le nombre important de témoins qui ont défilés à la barre. A l’encontre de l’inculpé sur qui pèsent l’accusation d’avoir falsifié le double des quittances de paiement d’eau à Akbou et celle d’avoir créé des séries parallèles de carnets de tickets de paiement des places de vente au marché de gros dans la même ville, le procureur général a requis une peine de 10 ans de prison assortie d’une amende de 1 million de DA. Et le verdict a été, malgré une loi récente qui plafonne, selon un avocat de la défense, la peine en pareille circonstance à 5 ans de prison, de 6 ans de réclusion criminelle accompagnée d’une amende de 2 millions de dinars. Les faits qui se sont déroulés entre 1999 et 2003 ont eu pour cadre la régie communale d’eau d’Akbou où, à cette époque, l’accusé B. H., la quarantaine, marié et père de deux enfants, exerçait les fonctions de régisseur. Le pot aux roses a été découvert, selon la partie civile et l’accusation, lorsqu’un citoyen a voulu vérifier si la somme qu’il avait versée en paiement de sa consommation d’eau était bel et bien celle saisie dans l’ordinateur. Or là, surprise ! la somme portée n’étant que de 25 DA soit le montant de l’abonnement.Et par la suite, beaucoup d’autres cas similaires seront découverts par la commission d’enquête installée par le P/APC d’Akbou à l’effet de faire la lumière sur ce mystérieux chiffre de 25 DA qui se répète à plusieurs reprises dans les souches restées dans les carnets et dans les fichiers de l’ordinateur. Et c’est ainsi, explique le procureur général, que l’accusé après avoir encaissé le montant de la facture de la consommation d’eau et remis au client la quittance pour le montant correspondant à la facture et après le départ de l’abonné, il reprend la souche de la quittance restée dans le carnet pour gommer, barrer ou annuler la somme inscrite qu’il remplace par la somme de 25 DA qui correspond au montant de l’abonnement et que le client est supposé avoir payé.A la barre, l’accusé reconnaît avoir procédé de la sorte pour 3 factures seulement et le montant total de ces 3 factures est de l’ordre de 4 000DA. Et il ajoute que c’était pour commencer à combler un trou de caisse de 80 000 DA laissé par son collègue de travail avant de prendre la fuite à l’étranger. On apprendra au cours de l’audience que la commission d’enquête a eu à passer au peigne fin 180 quittances et quelque 3 500 factures d’eau. La même commission découvrira également au cours de ses investigations les séries parallèles des carnets de tickets de paiement de places de vente en marché de gros. Là, indique encore le procureur général, l’accusé s’arrange pour se procurer auprès des imprimeurs plusieurs carnets en double, c’est-à-dire dont les tickets portent les mêmes séries de numéros. Ainsi, si un jeu de carnets est correct, officiel et comptabilisé chez le receveur des contributions, puisqu’il porte le cachet de l’administration des impôts, l’autre n’est revêtu que de celui de l’APC. Et l’argent provenant de ce jeu constitue un détournement au détriment de l’APC d’Akbou. Le procureur général dont le réquisitoire a duré plus d’une heure, a évalué le préjudice causé à l’APC d’Akbou à plus d’un milliard 400 millions de centimes. A la fin de son intervention, il requerra la peine de 10 ans de prison, assortie d’une amende d’un million de dinars. La partie civile représentée par Maître Benkadoum Karim, après avoir souligné que la victime dans cette affaire est bien la commune d’Akbou, indique dans le détail que c’est les différences entre le montant des factures d’eau qui parfois s’élève à des millions de centimes et des 25 DA qui représentent pour ne pas éveiller les soupçons le montant de l’abonnement qui vont dans la poche de l’accusé. Concernant le marché de gros, la partie civile dira que l’accusé règle ses comptes avec le receveur des contributions au vu de la vente des tickets officiels. Quant à la recette provenant de la vente des tickets du carnet parallèle qui ne portent que le cachet de l’APC, elle constitue une dilapidation pure et simple.Mais pour la défense qui est assurée par 5 avocats dont notamment maître Zaouai Mourad et maître Amari Nadia, l’accusé, parce qu’il n’a pas de soutien de l’administration, n’est que le bouc émissaire qui va payer pour les autres, notamment pour celui qui a pris la fuite à l’étranger.Les avocats ont également insisté sur le fait que lorsque l’anomalie des souches de quittances a été découverte, l’APC aurait dû déposer plainte contre le prévenu et se constituer en juge et en partie en installant la commission d’enquête dont au moins un élément est un antagoniste de l’accusé. Tour à tour, les avocats ont aussi mis en exergue le fait que si l’accusé avait détourné une somme aussi importante quelque chose aurait changé dans son train de vie. Il aurait eu un compte en banque bien garni, une belle voiture, un appartement et autres. Or, insistent-ils, il n’en est rien. Et ils passent sans transition aux conditions sociales de l’accusé qui se soigne avec psychotropes et dont l’épouse souffre également de maladie mentale.La défense a demandé l’acquittement de son client. Après délibération, qui aura duré jusqu’à minuit, le juge donne lecture du verdict qui est de 6 ans de prison, assorti de 2 millions de dinars d’amende.

B. Mouhoub

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