Passion, blessures et souvenirs d’un pays de rêve

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Les ‘’testaments’’ recueillis par le responsable des éditions Tirésias, Michel Reynaud, font intervenir un éventail d’auteurs allant de la jeune Laurence N’kaoua (née en 1968) jusqu’à l’illustre Louis Massignon- mort en 1962- en passant par Josette Audin, Jean-Philippe Ould Aoudia, Nina Hayat (Aïcha Belhalfaoui), Benjamin Stora, Leïla Sebbar, René Vautier et Francis Jeanson. En tout, pas moins de trente-cinq témoignages sur l’Algérie, les différentes facettes et les diverses couleurs par lesquelles elle est appréhendée. L’on ne peut pas juger- en a-t-on seulement le droit ?- ni récuser les façons de voir des uns et des autres. « Toute expérience est vrai qui est vécue par des hommes », disait Mouloud Mammeri. Elle doit être reçue comme telle, perçue comme un cas, pas unique, mais unissant des hommes, des groupes, des voix et certainement des voies.Michel Reynaud, jeune Montpelliérain sage et quiet et qui découvrit l’Algérie par le hasard d’une histoire qui est loin d’être anecdotique, fait le ‘’bilan’’ de la guerre d’Algérie au niveau de son microcosme de Montpellier où, au lendemain de l’indépendance de Algérie, une multitude de groupes humains atterrit dans cette ville bourgeoise et vinicole, groupes- mêmes s’ils sont contrastés, voire aux parcours opposés- sont maintenant réunis par le destin de l’étrangeté et de l’exil : Pieds-noirs, Harkis, nouveaux émigrés algériens. »J’étais partiellement informé de l’histoire des rapatriés et sur la fin tragique des Algériens que nous avions abandonnés, mais rien sur la population d’immigrés que le patronat exploitait, encore moins sur ces harkis que nous maltraitions et définissions par des mots imprononçables. Sans oublier que nous fermions les yeux sur le racisme, la xénophobie, et la montée des haines…la suite nous le fera payer douloureusement et fort cher. Dans ces années 80-90, on se taisait, ne nous informait, et encore moins, nul ne dénonçait à haute voix la torture (on était loin du débat américain sur le Vietnam), tout comme officiellement le terme de guerre n’était pas accepté pour ce que l’on appelait toujours les ‘’événements d’Algérie. Ce qui fut silence pour l’Algérie, l’indifférence ou l’incompréhension le fut pour les Pieds-noirs et nous étions encore loin de savoir qu’il y avait une population de juifs d’Algérie, de harkis, un prolétariat européen, des instituteurs zélés et tant d’autres choses muettes et assassines. Pourtant, la mémoire vive et blessée des appelés attendait un déclic pour se libérer, se décharger d’un fardeau humiliant qui bafouait notre bonne conscience ».Le coordonnateur de cet ouvrage met en place ici le fil conducteur des contributions qui suivront en plaçant la presque totalité des personnages, des acteurs- on doit sans doute dire de destins- dont les itinéraires, les desseins et les ambitions se sont croisés, opposés, ou tout simplement se sont frôlés et salués.Il s’agit souvent de communautés- arabes, kabyles, juives, musulmanes, chrétiennes, aux lignes de partage pas toujours nettes- ; comme il est questions de groupes se sentant en ‘’mission commandée’’ : combattants de l’ALN, sympathisants ou combattants français de la cause algérienne, soldats français de l’armée active, appelés du contingent, objecteurs de conscience, et enfin, sur le territoire du ‘’no man’s land’’, de l’entre-deux, ceux qui portent la lourde et éreintante tâche de vouloir être des ponts de la civilisation par lesquels passerait un chimérique dialogue ou une inaccessible entente.Ce dernier cas est illustré par les hommes des Centres sociaux assassinés à El Biar par l’OAS le 15 mars 1962 parmi lesquels figurait Mouloud Feraoun (contribution de Jean-Philippe Ould Aoudia) et des passages fort émouvants de Jean Amrouche signalés par Michel Reynaud : « Je suis le pont, l’arche qui fait communiquer deux mondes mais sur lequel on marche et que l’on piétine, que l’on foule. Je le resterai jusqu’à la fin des fins. C’est mon destin. »Ce sont tous ces personnages, acteurs volontaires ou forcés, ayant rencontré un jour l’Algérie sous le signe de ses charmes réels ou de sa beauté factice, s’étant heurtés à ses enfants qui pensent autrement ou ont intégré l’esprit et les valeurs du pays, qui se donnent à voir dans une perspective spéculaire pour témoigner, dénoncer, corriger une vision, se confesser, s’exercer à une catharsis peut-être nécessaire et rédemptrice.

Acteurs dépareillés Les acteurs les plus ‘’dépareillés’’ (terme de Taous Amrouche) et les plus iconoclastes ne sont pas nécessairement ceux qui viennent des horizons éloignés. Le poids de l’histoire, l’histoire des brassages des mythes et des cultures ainsi que les destins individuels ont produit des spécificités culturelles et comportementales qui, en d’autres temps, empreints de sérénité et de raison, auraient constitué de véritables apports enrichissants pour le reste des communautés et des hommes.Il en est ainsi de Algériens chrétiens comme Fadhma Ath Mansour et ses deux enfants Taous et Jean El Mouhoub, ou comme Malek Ouary, qui ont porté dans leur cœur et leurs œuvres la substantifique moelle de la culture berbère dans sa variante kabyle.Sans se réclamer d’une chapelle particulière, d’autres femmes et hommes de culture ont marqué leur appartenance et leur relation avec l’Algérie par une présence et un travail exceptionnels. Dans ce sens, la famille oranaise des Belhalfaoui a tracé un sillon, sans doute pas toujours visible pour la jeunesse algérienne d’aujourd’hui, mais d’une densité et d’un itinéraire fort remarquables. La saga des Belhalfaoui est représentée dans ce recueil de textes par Nina Hayat, de son vrai nom Aïcha Belhalfaoui, fille de l’homme de lettres Mohamed Belhalfaoui et sœur du poète et conteur Hamou Belhalfaoui.L’Algérien qu’était Mohamed Belhalfaoui avait une culture et une personnalité qui le distinguaient à la fois des Européens d’Oran et des ‘’Indigènes’’ d’El Bahia. C’est un peu comme le pont dont parlait Jean Amrouche. Parfaitement bilingue, il publia chez Maspéro, en 1972, un recueil des poésies populaires arabes (en dialectal) avec la traduction française, un travail d’anthropologie culturelle qui est le pendant oranais des investigations de Mouloud Mammeri en matière de patrimoine berbère. Le livre résulte d’une thèse de 3e cycle soutenue à la Sorbonne en 1969 sous le patronage du professeur Charles Pellat.Comme feu Mohia, Belhalfaoui se mit aussi à traduire en dialectal les grandes œuvres théâtrales de l’Occident à l’exemple de Don Juan et L’Ecole des femmes de Molière, L’Exception et la règle de Bertolt Brechtet Les Tisserands de Gerhart Hauptmann.Claude Roy écrivait, dans une lettre datée du 23 mars 1973, à Mohamed Belhalfaoui à propos de ‘’La Poésie arabe maghrébine d’expression populaire’’ : « Votre travail sur la poésie arabe maghrébine m’a touché comme touchent les vraies ‘’collections’’ : celles qui ne sont pas un amas de ‘’placements’’ et d’investissements, ni une mise en scène de la variété, ni (moins bassement) un ensemble d’œuvres destinées à illustrer une théorie ou à échantillonner un genre. Les vraies collections, celles dont la totalité apporte une signification plus grande que celle de chaque objet additionné à tous les autres, ce sont les châteaux intérieurs du cœur, l’ensemble des choses qui ont suscité une émotion. Vous avez collectionné ces trésors menacés, et déjà fugaces, comme on va à la recherche de soi-même à travers la voix des autres. J’ai aimé dans votre livre qu’il ne se borne pas à écrire avec sécheresse l’histoire d’une poésie vécue et non écrite, mais que ce soit votre propre histoire qui ait rendu nécessaire pour vous cette collection, transcription et traduction des voix des vôtres. Votre travail sera précieux à tous les amateurs de poésie, aux écouteurs attentifs de la parole des peuples qui s’exhale en chant, aux spécialistes de la culture maghrébine.Mais il sera aussi réchauffant comme un geste d’amitié, comme la patience d’une fidélité, comme un long mouvement du cœur aux aguets de la vie des inconnus, ceux que l’histoire ne chante pas mais dont le chant raconte une histoire. La vôtre ».Belhalfaoui est mort en mars 1993 à Bobigny. Bouziane Benachour écrivait dans ‘’Algérie-Actualité’’ du 9 mars 93 : « Belhalfaoui, ‘’Le vagabond’’ est mort ; il aimait Brassens, la vie, l’Algérie et la poésie. Il est mort à Paris, loin des siens, parce que le pays qui l’a vu naître n’a pas voulu de lui. N’a pas su profiter de son immense savoir.L’homme retourne une fois d’exil, après 1962, et propose ses services. On le met en sous-ordre, pour mieux l’isoler. Mieux le contraindre à repartir d’où il était venu. C’est-à-dire l’exil. L’exclusion est une nouvelle fois prononcée, mais pas par la France coloniale. Ce sont ses semblables qui lui disent gentiment de retourner à ses errances.L’homme enseignait l’arabe à la prestigieuse université de la Sorbonne, il occupait la même fonction à Berlin où il était ambassadeur du FLN dès 1957. Il était aimé et apprécié pour ses qualités humaines et scientifiques…Statut qu’on ne lui a jamais reconnu en Algérie’’.Nina Hayat écrit en 2001 une biographie de son père sous le titre L’Indigène aux semelles de vent parue aux éditions Tirésias avec une préface de Pierre Vidal-Naquet. ‘’Il ne s’agit pas d’une biographie comme on en lit tant sous la plume de véritables professionnels du genre. C’est plutôt l’expression la plus achevée de l’admiration sans borne que voue une jeune femme à son père. (…) Enfin de compte, le regard lointain de cet homme qui avait le talent de ne jamais se laisser circonvenir par les obstacles et les vicissitudes de la vie, garde intact son mystère. Comme de nombreuses autres personnalités en avance sur leur temps, aujourd’hui complètement effacés des mémoires après avoir investi beaucoup du meilleur d’elles-mêmes dans l’espoir de voir leur pays rendu à la lumière, Belhalfaoui a consommé en exil l’amertume de n’avoir été aux yeux de ses contemporains qu’une sorte de rêveur.Un jour, peut-être, revenant sur la vie et l’œuvre de cet humaniste, quelque chercheur du futur réussira-til à sertir son image dans la mémoire tumultueuse de notre pays’’ (Liberté du 17 mars 2002).Dans son intervention réservée à ‘’Elles et Eux et l’Algérie’’, Nina Hayat, disparue en septembre 2005, ne mâche pas ses mots, elle dit ce qu’elle a sur le cœur, ce qui soulève sa révolte dans l’Algérie actuelle : « Je voudrais pousser un grand coup de gueule contre les machos d’un autre âge qui se sont acharnés à limiter la population algérienne à un peuple de mecs en ignorant, en méprisant, pire, en soumettant, plus de la moitié de la population : les fillettes, les jeunes filles et les femmes d’Algérie. Rien, je le dirai, rien ne fera pour l’Algérie aussi longtemps que ses dirigeants ne prendront pas le seule décision envisageable, celle de jeter le ‘’code de la famille’’ aux oubliettes. Honte, honte aux successeurs de H. Boumediene qui ont permis son adoption !Je voudrais dire qu’elle n’appartient pas plus, l’Algérie, aux islamistes qu’aux pseudo-militants du FLN qui ont voulu résumer le peuple algérien, depuis l’indépendance, à un peuple arabo-musulman en faisant fi de près de la moitié de la population berbérophone. Et je ne parle même pas de la population francophone qui existe pourtant-j’en suis- et que l’on n’a eu de cesse de nier.La population algérienne aurait voulu faire la nique aux dirigeants de l’arabisation forcée à la sauce islamique qu’elle ne s’y serait pas prise autrement : quarante ans après le départ des colons, elle s’obstine à parler le français et l’Algérie demeure le deuxième pays francophone du monde…après la France !’’.Avec la même fougue et la même conviction, Nina réclame l’Algérie d’Enrico Macias, Roger Hanin, Yves Saint-Laurent,Idir, Cheb Khaled, Mimouni, Youcef Sebti Dib, Fellag, enfin tous ceux qui, d’une façon ou d’une autre, ont fait ou font l’Algérie, une Algérie plurielle, Méditerranéenne, africaine, arabe et berbère.

Une catharsis collective ?Le débat sur les harkis ne semble pas concerner les Algériens. Bouteflika l’a même confirmé à Paris où il déclara que cette question relève d’un débat franco-français. N’empêche que sur le plan humain, la question ne peut être éludée. Des écrits et des films commencent à aborder, certes timidement, ce sujet pour exprimer ce qui prend la dimension d’un drame humain. Il est toutefois incontestable que le véritable et le plus insoutenable drame est celui du peuple algérien qui, lors de la guerre qui lui est imposée, a eu à souffrir le martyre- sans jeu de mots- face à une des plus grandes puissances d el’OTAN.Le témoignage de l’enfant de Sidi Aïch, Farid Haroud, est d’une poignante sincérité. Il s’adresse à nous comme s’il voulait s’exercer à une thérapie, une catharsis qui le libérerait d’un ‘’péché’’ originel imposé par le statut ‘’infamant’’ de son père, un harki. »Je me suis un jour éveillé avec une histoire que je ne voulais pas voir mais qui était bien la mienne. J’aurais pu bien continuer à vivre sans ouvrir les yeux, la tête baissée et le cœur égoïste. Cela n’aurait pas été difficile, je le faisais depuis trente ans. Trente années à fuir la vérité qui fait mal. Trente années protégées par le silence, le secret et l’oubli. Trente années à nier ce que nous avions vécu. Aveuglé par l’apparat de la réussite, je faisais finalement comme tous les autres : tout cela n’avait jamais existé.Moi, l’universitaire devenu journaliste, je pensais :’’nous nous en sommes sortis, les autres n’avaient qu’à faire comme nous au lieu de pleurer sur leur sort’’.J’ai bien changé depuis cette sentence. J’ai bien changé depuis que je me suis tourné vers ce passé familial, depuis que j’ai cherché à comprendre (…)Lorsqu’on s’appelle Khelifa Haroud et qu’on a fait la guerre côté français, après l’indépendance algérienne on est forcément un traître. Si l’Algérie était restée française, il aurait peut-être été un héros. Mon père n’est ni un traître ni un héros’’.Comme beaucoup de ceux qui se retrouveront du côté français, le père de Farid n’avait pas rejoint les rangs de l’armée française par un choix délibéré de s’opposer à ses frères, mais suite à des événements d’apparence anodine qui finissent par happer même ceux qui pensent mieux maîtriser leur destin. Un choix qui n’en n’est pas un, un dilemme, voire une impasse. Et c’est le geste fatal qui conditionnera non seulement la vie future du concerné mais toute sa famille et sa descendance. Face à cette situation où les catégorisations et les délivrances de statuts sont d’une facilité débordante, l’auteur s’en prend à peu près à tout le monde et, sans doute, du même coup, à l’histoire :‘’Je n’aime pas les hommes politiques qui emploient le mot harki ou familles harkies, alors qu’ils savent très bien que l’on doit dire ancien harki. Ils savent très bien qu’harki est un statut, pas une ethnie. C’est un statut qui a existé de 1956 à 1962. Un statut est-il héréditaire ? Je n’aime pas les anciens supplétifs qui ont acceptés d’être coincés entre le rôle de cocardier mal récompensé et celui de traître à l’Algérie. Je n’aime pas ceux qui se réinventent un choix là où bien souvent il n’y en avait plus (…) Enfin, Farid Haroud qui, à une époque, manquait de compréhension face au mutisme de certains anciens supplétifs qui refusaient de témoigner’’.Les destins se croisent, s’opposent, se fécondent, se confondent, se regardent en chiens de faïence, s’enlacent et s’en lassent sur cette terre d’Algérie mille fois chantée, quelquefois maudite, souvent hélée et interpellée. De Saint Augustin, Tertullien, Ibn Khaldoun, à André Gide, Feraoun, Jean Daniel, Albert Camus, Benjamin Stora, Marie Cardinal,…etc., les fragrances et les blessures du pays de rêve qu’est l’Algérie ont touché des hommes et des femmes dont les destins et les parcours sont, d’une manière ou d’une autre, influencés par une sorte de ‘’tellurisme’’ algérien.

L’Algérie, passé et présentParmi les acteurs et personnages qui ont fait le choix de ‘’conduire’’ leur destin dans les moments les plus incertains de l’histoire d’Algérie, nous retrouvons Francis Jeanson, le fameux concepteur du réseau d’aide au FLN, réseau qui porte son nom. Dans son témoignage inséré dans le livre de Michel Reynaud, il écrit : « Pourquoi cet engagement ? Parce qu’il m’avait été donné de connaître sur place, dès 1949, la situation de non droit imposée par l’administration française aux populations de trois ‘’départements français’’ : Oppression caractérisée et quotidienne humiliation. Parce que l’insurrection m’était alors apparue prévisible dans la mesure même où elle devenait vitalement nécessaire pour les Algériens face à l’incroyable mépris du grand colonat. Parce que je n’ai pas su me contenter, à partir de novembre 1954, du rôle de spectateur, d’observateur, de simple informateur ; ni de celui d’opposant institutionnel, satisfait de clamer son désaccord. Parce que la politique française venait de s’engager, elle, dans une guerre de répression, au cours de laquelle j’ai préféré me trouver au côté des victime ». Un autre témoignage, intitulé Yasmina est signé par René Vautier, le cinéaste militant, auteur d’ Avoir vingt ans dans les Aurès.Josette Audin relatera l’itinéraire de son mari Maurice Audin, un brillant professeur de mathématiques qui a choisi le camp des ‘’humiliés et offensés’’. Il sera arrêté par les paras de Massu et son corps ne sera jamais retrouvé. La journaliste Florence Baugé qui travaille pour Le Monde au début des années 2000 raconte comment elle a pu recueillir un récit de la bouche de Louisette Ighilahriz sur les tortures que cette dernière avait subies de la part des soldats français pendant la guerre d’Algérie.Le récit sort à la Une du quotidien le 20 juin 2000 et « provoque une grande émotion. Il va être le catalyseur d’un retour de mémoire tout à fait inattendu en France », écrira Florence Baugé. D’ailleurs, deux autres entretiens, réalisés par la même journaliste, suivront sur ce quotidien. Il s’agit des témoignages des généraux Massu et Aussarès sur la pratique de la torture pendant la guerre d’Algérie. Aussarès, en tortionnaire convaincu et entêté, ira plus loin. Il a fini par publier un livre où il assume la plupart des actes commis sous son commandement. Le recueil de 400 pages de témoignages, messages et approches est une somme d’un intérêt historique indéniable. Mieux, elle éclaire le présent et jette de nouveaux ponts sur l’horizon du fait de cette thérapie faite de reconnaissance, d’aveux, de regards critiques et lucides. Assumer le passé pour construire l’avenir, telle semble l’expression des voix plurielles auxquelles Michel Reynaud a donné la parole. »J’ai voulu mélanger toutes les approches, tout bord politique ou expression ou engagement. Ici, j’ai voulu un regard de France et de la France. Je pense qu’une suite viendra avec le regard de l’autre côté de la Méditerranée (…) De tous ces textes écrits ou dits, j’ai voulu simplement faire une photographie, l’état d’une douleur, la carte d’une compréhension, la géographie de nos rapports ambigus, amoureux, humains, nostalgiques, cruels, et j’en passe, avec l’Algérie et ceci avant, après et toujours (…) Que la parole soit notre peau à cette histoire qui nous est arrachée, trafiquée, disséquée ; et qui nous est donnée en pâture, en particule, pour nous éviter de vivre, et de savoir notre demain. La parole se métamorphose comme un chant nouveau, avec cette certitude de marcher vers demain et rester libre…Ne surtout pas omettre que cette histoire, cette histoire commune est une histoire d’hommes. Et c’est bien cela l’essentiel ».

Amar Naït Messaoud

Elles et Eux et l’Algérie– Editions Tirésias- Paris 2004Coordinateur : Michel Reynaud

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