Le spleen de la génération perdue de Tian An Men

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Une histoire d’amour, qui se bâtit et se défait dans le contexte des événements de Tian An Men, a apporté une touche de tristesse et de désillusion chinoises sur la Croisette.Bien que présenté à Cannes en compétition, ce film n’a toujours pas reçu l’agrément des autorités chinoises. « Le Bureau du Film n’a pas exactement rejeté notre film mais ils ont refusé aujourd’hui (mardi) d’examiner notre copie parce que, disent-ils, elle est floue et le son est mauvais », a déclaré à Hollywood Reporter l’un des producteurs chinois. »Summer Palace », du cinéaste chinois Lou Ye, s’ouvre sur de grandes espérances pour les deux amants du film, lui, Zhou Wei (Guo Xiaodong), et elle, Yu Hong (Hao Lei), qui se rencontrent à l’université, proche précisément du Palais d’été de Pékin.C’est l’amour fou, romantique, qui s’épanouit d’autant plus que souffle une brise libertaire qui s’épanche bientôt dans la vague de contestation qui déferle sur le sol chinois d’avril à juin 1989.Lou Ye, qui avait déjà présenté « Purple Butterfly » en compétition à Cannes en 2003, dépeint une contestation joyeuse, chantante, folle de liberté, d’émancipation, qui prend des allures de kermesse mais qui, bientôt, tourne au drame. Il intercale dans sa fiction des images d’actualité, de Tian An Men, mais aussi de la chute du Mur de Berlin ou l’éclatement de l’URSS.Alors même que l’élan libertaire se trouve brisé net, pareillement la relation entre Zhou et Yu tourne à l’orage sans qu’il soit possible de déterminer exactement quelle est la part de responsabilité personnelle des amants dans la dégradation de leur amour – qui les pousse par exemple à aller voir ailleurs – et quelle est celle de la situation politique du moment.Chemins séparésCette ambiguïté est entretenue tout au long, ou presque, des deux heures vingt minutes que dure « Palais d’été », seule entrée asiatique en lice pour la Palme d’or.Après Tian An Men, les deux amants vont suivre des chemins séparés, et celui le Zhou le mènera à Berlin. Pourquoi Berlin ? « Berlin ressemble à la Chine, en particulier à Pékin, au niveau de l’organisation de la société », explique Lou Ye dans les notes de production. Mais ce choix est également tout personnel puisqu’il ajoute que c’est à Berlin qu’il a rencontré son épouse.Lors de la conférence de presse donnée jeudi, se trouvaient présents le réalisateur et ses acteurs, ainsi que le producteur occidental du film mais pas les coproducteurs chinois. « Ils sont restés en Chine et sont en rapport avec le Bureau du Film pour permettre au film d’accéder au public chinois », a dit le co-producteur français Sylvain Bursztejn. »Je ferai l’impossible pour que le film soit montré en Chine. C’est important », a dit le cinéaste, lors de la conférence de presse. Il s’exprimait en chinois et ses propos étaient traduits en français.Prié de dire quelles scènes il accepterait de couper pour ce faire, Lou Ye a répondu : « Je suis d’accord pour supprimer toutes les scènes qu’ils veulent ». »Palais d’été » comporte au moins deux éléments susceptibles de faire sourciller la censure chinoise : le contexte historique et de nombreuses scènes d’amour exposées sans fard, extrêmement rares dans le cinéma chinois.Pour Lou Ye, le risque de censure est à peu près aussi fort pour chacun de ces deux aspects.

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